Structure des nanotubes de carbone semi-conducteurs et métalliques
Structure géométrique
Lors de la synthèse des NTC monoparois, deux types sont formés : les NTC métalliques et les NTC semi-conducteurs. Les proportions sont en général de 1/3 de NTC métalliques pour 2/3 de NTC semi-conducteurs. Les orbitales électroniques des atomes de carbone des NTC sont toutes hybridées sp2 . Dans un NTC, la délocalisation des électrons fait que chaque atome de carbone est relié à ses trois plus proches voisins par des liaisons identiques de 1,3 Å. La délocalisation électronique présente sur l’intégralité du NTC provoque une structure de bande qui dépend de l’enroulement du NTC. En effet, les NTC peuvent être interprétés comme un enroulement d’un feuillet de graphène sur lui-même (Figure I-2). En d’autre terme, la différence entre les NTC semi conducteurs et métalliques vient de l’angle (Ɵ) que font les liaisons carbone-carbone avec l’axe du nanotube (T) dans la structure cylindrique. Il existe des centaines de types d’enroulements différents (Figure I-2). Chaque type est caractérisé par un vecteur chiral (Ch, Equation I-1) qui correspond au périmètre de section du NTC et qui est défini par :
Structure électronique
Pour mieux comprendre la structure électronique des NTC, il faut s’intéresser à la zone de Brillouin du graphène. Cette zone correspond à la plus petite maille élémentaire de l’espace réciproque. Pour les NTC, la zone de Brillouin est hexagonale car les atomes forment un réseau hexagonal. Elle est composée de points particuliers appelés Γ pour le centre, K pour les sommets et M pour les milieux des arêtes de l’hexagone. Le graphène est considéré comme un semimétal ou semi conducteur à gap nul car les bandes de conduction et de valence du graphène se touchent aux points K de la zone de Brillouin (Figure I-3).
Lorsque le graphène est enroulé pour former un NTC, il s’ensuit une quantification du vecteur d’onde dans la direction du vecteur (le long de la circonférence) dans l’espace réciproque. Cela implique l’apparition de deux N bandes d’énergie. La courbe de dispersion des niveaux électroniques du NTC correspond donc à des coupes dans la dispersion électronique du graphène. Selon la géométrie du NTC, les coupes passent ou ne passent pas par les points K donc il y a ou il n’y a pas de gap. Par exemple, pour un NTC zig-zag (9,0) etpour un NTC chaise (9,9), deux lignes croisent respectivement 2 et 4 points des 6 points K du graphène. Les structures de bandes ont alors des gaps en énergie nulle (Figure I-4) et ces NTC sont donc métalliques. Par contre, pour des NTC zig-zag (10,0) et (11,0), il n’y a pas de ligne qui croise les points K du graphène. Les structures de bandes ont alors un gap et ces NTC sont semi-conducteurs. En conclusion, de manière générale si 2n + m est un multiple de 3 alors unnanotube (n,m) est métallique, sinon le nanotube est semi-conducteur.
En général, la densité d’états des NTC diverge en bas de bande. Ces singularités de la densité d’états sont appelées singularités de Van Hove entre lesquelles des transitions électroniques sont autorisées. Ces transitions correspondent aux pics dans le spectre d’absorption des NTC. Pour les NTC métalliques, il existe en plus un niveau continuum d’énergie au niveau de Fermi tandis que pour les NTC semiconducteurs il y a une bande d’énergie interdite au niveau de Fermi (Figure I-5). Pour les NTC semi-conducteurs, les transitions d’énergie entre les premières, deuxièmes et troisièmes paires de singularités de Van Hove entre sous-bande de valence et de bande de conduction de même indice sont appelées S11, S22 et S33. Dans les nanotubes métalliques ces transitions s’appellent M11, M22 et M33.
Le dernier point important pour les NTC est la relation entre le diamètre et le gap. En effet, plus le diamètre du NTC est grand, plus les N lignes de quantification dans la zone de Brillouin sont proches les unes des autres. Cela implique une diminution du gap (Figure I-6) [25]. C’est pour cette raison que les MWNT qui ont de grands diamètres sont le plus souvent métalliques ou semiconducteurs à gap très faible. Dans cette étude l’intérêt va se porter sur l’utilisation de NTC semi-conducteurs. Le choix a donc été fait de se limiter aux NTC monoparois qui ont des gaps compris entre 0,6 et 1,3 eV. Pour plus de clarté, l’abréviation NTC correspond donc pour la suite de ce manuscrit uniquement aux SWNT.
Synthèse des nanotubes de carbone Aujourd’hui, dans le domaine de la synthèse des NTC, il existe quatre principalesvoies de recherche pour améliorer les procédés déjà existants qui sont :
– La production de masse c’est-à-dire développer une méthode de synthèse offrant à la fois des NTC de haute qualité à faible coût et en grande quantité.
– La production sélective c’est-à-dire à contrôler la structure et les propriétés électroniques des NTC produits.
– La production contrôlée c’est-à-dire maîtriser la position et l’orientationdes NTC produits sur un substrat.
– L’étude du mécanisme de formation des NTC qui est un sujet controversé.
A l’heure actuelle, il existe trois méthodes principales pour synthétiser les NTC détaillées dans le Tableau I-1. Pour la production de grande quantité de NTC, la méthode par phases vapeurs (CVD) est la plus utilisée.
D’autres méthodes alternatives existent et commencent à devenir compétitives. Par exemple, Raymor Nanotech [26],[27] utilise une nouvelle technologie auplasma pour fabriquer des SWNT. Le principe est d’utiliser une torche à plasma à induction pour générer un plasma thermique. Ensuite, de la poudre de noir decarbone additionnée de particules de catalyseur est vaporisée puis refroidieengendrant la croissance des NTC hautement graphitisés. Cette technologie permet de produire uniquement des SWNT avec un niveau de graphitisation supérieur à la CVD à plus faible coût.
En conclusion, il existe à l’heure actuelle plusieurs techniques de synthèse qui permettent de synthétiser des NTC non purifiés en grande quantité à prixraisonnable. Dans le cadre de cette thèse, les NTC de plusieurs sources ont été achetés et comparés. Les travaux présentés ci-après sont basés sur des NTCsynthétisés par arc électrique achetés à la compagnie Carbon Solution Inc. (diamètre entre 1,2 et 1,4 nm).
Purification et dispersion des nanotubes de carbone
Quelque soit la méthode de synthèse choisie, les NTC obtenus sont en mélange de NTC semi-conducteurs et métalliques avec des impuretés comme du carbone amorphe ou des restes de catalyseurs. Il faut enlever toutes les impuretés en
dégradant les NTC le moins possible. De plus, il faut après cette étape de purification avoir les NTC les mieux dispersés possibles pour pouvoir les utiliser.
La purification des NTC est donc un enjeu important qui fait l’objet de nombreuses publications [28][29]. La principale difficulté liée à la purification est que les NTC sont insolubles dans presque tous les solvants. La possibilité de faire des chromatographies liquides est donc limitée. De nombreuses méthodes de méthode par ablation laser méthode par arc électrique méthode par phases vapeurs (CVD) procédé
Elle consiste à vaporiser avec un laser une « cible » composée de graphite et de catalyseur (cobalt, nickel…) à l’intérieur d’un four. Après vaporisation les NTC sont transportés par un flux d’argon jusqu’à un collecteur en cuivre refroidi par de l’eau.
Une décharge électrique est produite entre deux électrodes de graphite sous atmosphère inerte dans l’enceinte confinée refroidie par de l’eau. L’anode est mobile et contient un mélange de graphite et de catalyseur. Les amas de NTC sont récupérés sur l’anode de graphite.
Elle consiste à utiliser une source de carbone liquide ou gazeux avec unprécurseur métallique. La source est transformée en aérosol et transportée par un gaz inerte dans un four (entre 750 et 900 °C) où les NTC croissent sur une plaque en verre ou en silicium. rendement moyen suppérieur à 70% entre 30 et 90% entre 20 et 100% prix élevé élevé bas SWCNT NTC longs en fagots (entre 5 et 20 µm) avec un diamètre compris entre 1 et 2 nm NTC courts avec un diamètre compris entre 0,6 et 1,4 nm NTC longs avec un diamètre compris entre 0,6 et 4 nm MWCNT synthèse possible mais trop coûteuse donc sans intérêt NTC courts avec un diamètreintérieur compris entre 1 et 3 nm etun diamètre extérieur d’environ 10nm NTC longs avec un diamètre compris entre 10 et 240 nm avantages production de NTC de bonne qualité, rendement plus élevé et distribution plus faible que pour les NTC par arc électrique production facile avec des NTC présentant peu de défauts. LesMWNTs peuvent être produits sans catalyseurs facilité pour la production de gros volume, possibilité de contrôler le diamètre et les tailles des NTC lors de leur dépôt sur le support de récupération ainsi que la possibilité de les orienter inconvénients coût, purification obligatoire difficulté à contrôler la longueur des NTC et la purification des NTC obligatoire après la synthèse difficulté à « déplacer » les NTC une fois qu’ils sont déposés sur le support de récupération et souvent présence de défauts purifications se sont donc développées. Il existe trois voies principales qui sont la méthode chimique, la méthode physique et la méthode à multi étapes (basée sur une combinaison des deux méthodes précédentes) [30].
Les principales méthodes de purification sont regroupées et discutées dans le
Tableau I-2. Les méthodes physiques semblent avoir moins d’effets négatifs sur les NTC. Cependant, que ce soit les méthodes chimiques ou physiques aucunes d’entre elles ne permettent d’enlever la totalité des impuretés. Le meilleur compromis semble donc de faire une combinaison des méthodes chimiques et physiques. Plusieurs études ont été réalisées [30] comme par exemple unecombinaison sonication/oxydation qui permet de « décoller » au maximum les impuretés des NTC.
Méthodes de séparation des nanotubes de carbone semi-conducteurs et métalliques
Depuis plusieurs années de nombreuses recherches ont été menées pour essayer de s’affranchir du problème du mélange des NTC métalliques et semiconducteurs. Ce qui rend difficile la séparation de ces deux formes est qu’il y a très peu de différences entre elles. Les NTC métalliques ont une densité d’état au niveau de Fermi plus grande [9], et un potentiel d’ionisation plus faible [34] par rapport aux NTC semi-conducteurs. Ces deux différences expliquent la réactivité plus importante des NTC métalliques vis-à-vis de certaines réactions de fonctionnalisation.
Actuellement, il existe différentes méthodes étudiées pour résoudre le problème du mélange de NTC métalliques et semi-conducteurs. Les plus connues sont : la destruction sélective, la diélectrophorèse, l’ultracentrifugation sur gradient de densité, l’adsorption sélective et la réaction chimique sélective.
La destruction sélective
Le but de la destruction sélective est de transformer sélectivement certains NTC en carbone amorphe ou en vapeur sans altérer les autres. Une des méthodes de destruction sélective proposée dans la littérature est faite à l’aide d’un courant électrique. Dans ce cas, la destruction est réalisée sur un transistor composé d’un mélange de NTC métalliques et semi-conducteurs. Une tension de grille est d’abord appliquée afin de protéger les NTC semi-conducteurs en les rendant isolants. C’est à ce moment-là qu’un fort courant électrique est appliqué aux bornes du transistor. Cela permet d’oxyder les NTC métalliques avec l’oxygène de l’air et donc de les détruire (Figure I-7) [35]. Cette méthode a aussi été utilisée pour des couches de NTC alignés dans des transistors à effet de champ [36][37].
La diélectrophorèse
La technique de la diélectrophorèse pour séparer les NTC a été développée en 2003 par Krupke et al. [5]. Cette méthode consiste à utiliser des courants alternatifs à haute fréquence (1 à 100 MHz) dans des transistors fabriqués par le dépôt d’une goutte de NTC. Les NTC métalliques sont attirés sur les électrodes alors que les NTC semi-conducteurs restent dans le solvant en suspension (Figure I-10).
Ultracentrifugation sur gradient de densité (DGU)
Cette technique est très connue dans le domaine de la biologie car elle permet de séparer les protéines. Elle consiste à séparer les éléments selon leur point isopycnique dans une solution avec un gradient de densité connu. Dans le casdes NTC, un mélange de surfactant enrobe les NTC différemment selon leur structure électronique (métallique ou semi-conducteur).Différentes équipes ont travaillé sur l’ultracentrifugation comme technique de séparation (Figure I-12) [44]. Les travaux pionniers de l’équipe de M. Hersam en2006 [45] ont permis la commercialisation par la société Nano Integris de solutions de NTC purifiées à 95 ou 99 % en semi-conducteurs ou en métalliques pour des prix allant de 300 à 600 $ pour 1 mg (Figure I-12).
L’adsorption sélective
En comparaison à d’autres techniques, un des avantages de l’adsorption est qu’elle est non destructive par rapport aux NTC. L’une des méthodes la plus efficace est l’enrobage des NTC avec des séquences d’ADN particulière qui permettent d’enrober spécifiquement une chiralité de NTC et ensuite de les séparer par chromatographie échangeuse d’ions (Figure I-13) [46] [47] [48]. Chaque chiralité peut être séparée avec cette technique mais en très faible quantité pour un très fort coût. D’autres molécules ont été étudiées comme les porphyrines avec une séparation par extraction selon la solubilité [49]ou le bromure avec une séparation par centrifugation après fonctionnalisation [50].
D’autres méthodes d’adsorption existent, par exemple l’enrobage des NTC avec un polymère conjugué qui peut amener à la solubilisation sélective en fonction du diamètre mais aussi pour des NTC métalliques ou semi-conducteurs [33],[53] [54] [55]. En effet, l’étude de Nish et al. montre que l’enrobage des NTC Comocat dans le polymère polyfluorène (PFO) suivi par la centrifugation permet d’obtenir des NTC semi-conducteurs. En comparaison avec un enrobage des NTC par le surfactant dodécylbenzènesulfonate de sodium (SDBS), les NTC métalliques ont disparu sur les spectres Raman des NTC enrobés par le PFO montrant une interaction électronique spécifique entre le PFO et les NTC semiconducteurs.
Enfin, les NTC peuvent aussi être séparés par chromatographie comme pour des molécules chimiques. Tanaka et al. ont développé une technique de chromatographie avec des colonnes de gel d’agarose [56]. Les NTC dispersés dans le dodécylsulfate de sodium (SDS) sont adsorbés sur le gel d’agarose de manière sélective (Figure I-16) c’est-à-dire que les NTC métalliques sortent de la colonne alors que les NTC semi-conducteurs restent piégés et sont élués de la colonne par la suite par désorption avec un autre surfactant (le sodium deoxycholate(DOC)).