Les mutations urbaines à Hann Yarakh
En effet longtemps considérés comme un facteur de différenciation sociale, les habitats des émigrés ,sont généralement réfectionnés , en terrasse ou avec des étages, assurant ainsi une évolution de la structure de l’ immobilier dans la localité qui auparavant étaient caractérisés par une succession d’habitats irréguliers marqués par leur précarité.
Les habitats et les constructions ont connu ainsi, ces dernières années, une mutation remarquable du point de vue de l’occupation de l’espace.
Les tendances récentes laissent entrevoir une présence marquée des émigrés dans l’édification de belles demeures en contraste avec les poches d’habitats précaires dans tous les quartiers de Hann/Yarakh.
Cette situation a un effet important sur l’urbanisation qui s’accroît. Ces villas à l’architectureremarquable qui poussent comme des champignons, augmentent de fait, l’espaceurbain qui tend à conquérir de plus en plus cette localité, entraînant des mutations profondes dans l’organisation de l’espace.
Mettre sa famille dans de très bonnes conditions, et l’installer dans une maison digne semblent être le rêve de tout émigré surtout lorsque l’influence et le rapprochement avec des quartiers chics comme les Maristes s’y mêlent. En effet l’implantation des differentes cités dans les environs de cette localite en vue de répondre à la demande de logement exprimée par la population urbaine de Dakar (Cité Hady Niang; Cité Belle vue , Cité Elizabeth Diouf, Cité Imorama, Cité Isra, Cité keur Yarakh, Cité Marinas, Cité Sandial, Cité Scat urbam Mariste, Cité Som) qui sont des quartiers residentiels cohabitant avec les quartiers populaires dans la commune de Hann Bel-air, peut être un facteur influencant, au niveau de nombreux jeunes de la localité ou des émigrés.
En effet, ces derniers ont tendance à faire de la réfection de leurs maisons familiales leur premiere priorité, pour se faire respecter également au niveau de leurs quartiers, puisque dans la société sénégalaise la structure de l’habitat est généralement perçue comme un facteurde différenciation.
Les émigrés se présentent, ici de façon générale, comme incontestablement des promoteursimmobiliers comblant des brèches laissées béantes par des Etats «dévalués » qui ont élaborésdes politiques de logement confiées à des sociétés immobilières qui aujourd’hui sont en retard dans le rythme de construction d’habitats sociaux surtout par rapport à la demande sans cessecroissante dans la ville de Dakar et dans ses zones périphériques.
L’habitat constitue ainsi le secteur de prédilection de l’investissement des migrants internationaux sénégalais et cette appropriation foncière et immobilière entraine des effets multiples sur la société et le tissu urbain de la localité. Par ailleurs, en faisant le paralléle avec la structuration des familles Yarakhoises, caractérisées par la polygamie, on se rend également compte que les réfections des habitats sont aussitôt visibles à la suite de la disparition du chef de ménage ou après la cérémonie d’organisation des héritages communéments appelé « mirass »
Cette situation s’explique par la compétition qui régne très souvent entre jeunes issusde familles polygames où les rivalités sont généralement de mises.
Le village de Hann/Yarakh est une zone ceinturée d’une part par la mer et d’autre part part par la zone industrielle et le Parc Zoologique , des barrières qui empêchent son expansion latérale.Cette situation a favorisé également les nombreuseses restructurations en cours dans ce milieu.
En effet, considérant le village de Hann comme leur propre terroir, de nombreux jeunes de la localité préférent y avoir un toit et y fondaient une famille. Ainsi, soit par achat d’une nouvelle maison , à partir de certaines familles disposant de faibles moyens , soit par la réfection de leurs maisons familiales , les émigrés constituent aujourd’hui la piéce maitresse dans le processus de modernisation du village traditionnel de Hann/Yarakh Raison pour laquelle, le coordonnateur de Kaddu Yarakh soutient que le point positif de l’émigration à Hann est qu’elle a permis à plusieurs familles de réfectionner leurs habitats , ce qui permet évidement de donner à la localité une nouvelle image.
Par ailleurs, si d’autres émigrés choisissent de trouver un terrain hors de la localité , du fait de la cherté de leurs prix dans cette zone, où un terrain avec un titre foncier peut couter jusqu’à 15 millions, d’autres préférent en avoir dans la localité pour faire témoigner leur réussite sociale . Ainsi, avec un facteur de l’immobilier très ciblé, l’émigration en plus d’être une stratégie de lutte contre la pauvreté est dans le village de Hann/Yarakh un facteur de valorisation de la dynamique urbaine de la localité. L’espace géographique etant l’interface entre le mileu et les hommes , on serait tenté de dire que les émigrés de la localité ont faconné une nouvelle représentattion spatiale de cette localité.
Essor des activités dans le village de Hann/Yarakh :
Village traditionnel de pêche, la localité de Hann/yarakh a été pendant longtemps dominée par l’activité de pêche qui a été la principale source de revenu des ménages yarakhois, avec à cotéun développement de la culture maraîchére dans les parcelles où se trouve aujourd’hui les Maristes.Cependant avec l’avénement de la migration dans un contexte de crise du secteur de la pêche qui avait pris le monopole de cette localité, une nouvelle tendance a vu le jour avec l’urbanisation galopante de la ville de Dakar mais aussi avec la prolifération d’activités comme le commerce, l’artisanat etc. En effet, après l’immobilier qui absorbe 63% des investissements des émigrés , les secteurs les plus ciblés par ces derniers restent le commerce qui représente 8%, et ensuite l’artisanat et les activités de services . Avec cette dynamique migratoire, l’une des caractéristiques qui a profondément marqué l’évolution du marché est le développement du secteur commercial et des services.
Ainsi, on assiste de plus en plus à un développement de l’activité de commerce, une situation qui s’explique par l’implication des femmes dans la gestion des affaires au niveau des ménages des émigrés et leur entrée dans le marché économique.
Les reconversions professionnelles
La reconversion professionnelle est definie comme un changement d’activité, de profession, supposant une formation différente et une adaptation à ces changements. Ainsi avec la crise qui sécoue le secteur de la pêche depuis quelques années, le constat fait, est que de plus en plus de pêcheurs abandonnent cette activité au niveau de Hann/Yarakh au profit des secteurs comme le commerce l’artisanat ou l’informel. En effet si l’émigration a réduit constamment le nombre de pêcheurs dans cette localité, les jeunes restés dans ce village traditionnel de pêche également, sont souvent reticents à continuer cette activité surtout avec l’absence des individus avec qui ils partageaint celle-ci.
Cette situation est favorisée aussi par la crise notée depuis des années dans ce secteur, qui continue de tourner au ralenti avec maintenant des prises qui n’arrivent plus à couvrir les dépensesdes pêcheurs, obligés de se déplacer en haute mer pour espérer bénéficier dequelques ressources.
Equipements
Si une bonne partie des revenus du migrant est affectée à l’entretien des familles restées dans le village, le migrant désormais préoccupé par le prestige lié à la propriété immobilière s’oriente de plus en plus vers l’amélioration qualitative de son habitat par l’installation de plusieurs équipements: eau, électricité, téléphone, internet, antenne satellitairemeubles, etc.
Ainsi, malgré la pauvreté qui y a été decriée par le programme de lutte contre la pauvreté, il est constaté de plus en plus une évolution des équipements au sein des établissements humains surtout ceux des émigrés qui disposent généralement de lignes téléphoniques, de radios, de télévisions , d’ordinateurs avec même des réseaux de connexion internet. Cette situation a permis à la localité de se coller aux réalités qu’impose le contexte actuel marqué par la mondialisation et elle a favorisé également l’existence des réseaux de
solidarité qui fortifient les liens entre les émigrés et leur zone d’origine.
Le niveau d’éducation
Autrefois milieux réfractaires à l’éducation, les zones spécialisées comme les villages traditionnels de pêche enregistrent aujourd’hui des taux de scolarisation relativementimportants à l’image de la région de Dakar.
En effet, au départ l’organisation de l’activité économique se faisait à travers une chaîneregroupant tous les membres de la famille et faisant donc appel aux bras des jeunes qui n’étaient donc pas orientés au niveau des écoles pour y subir une formation surtout lorsque celles ci étaient considérées comme un symbole de l’oppression et de l’impérialisme.
L’éducation et la formation y etaient considerées comme une source de dépenses qui pourraient servir dans d’autres domaines.
Cependant, avec l’avènement de la nouvelle génération et avec la multiplication des flux migratoires, une rupture a été observée avec ce système conservateur ; dont les vieux étaientles défenseurs.De l’avis du vieux Ndioba Mbaye courtier à Hann /Yarakh la modernisation du villagede Hann est l’œuvre de la nouvelle génération instruite et consciente de l’avenir.
Sous ce rapport , il apparait clair que la nouvelle organisation spatiale de ce villagetraditionnel a été influencée par l’évolution du niveau d’instruction de ces populations qui ont accepté de s’inscrire dans une nouvelle dynamique d’occupation de l’espace en vue donc d’étaler une meilleure image ou une meilleure représentation de leur localité. Cette évolution du niveau d’instruction a été favorisée par l’appui des émigrés qui, pour la plupart assure le financement des études de leurs jeunes frères restés dans le village.
Les jeunes semblent également trouver une forme de motivation dans les politiques sélectives établies par des pays comme la France et qui consistent à choisir leurs immigrés sur la base d’un certain niveau d’éducation ou de qualification.
Cette politique très critiquée puisqu’étant à la base de la fuite des cerveaux dans les pays du tiers monde peut être paradoxalement un stimuli et un facteur incitatif pour les jeunesqui vont de plus en plus s’engager dans l’éducation et dans la formation en vue de maximiser leurs chances de partir à l’étranger.
Ainsi à voir les choses de plus prêt, il va de soi que le village de Hann/Yarakh , qui, à l’image des autres villages traditionnels de pêche se singularisait par une certaine réfractiondes population à l’éducation et à la formation, a aujourd’hui jeté les bases d’une logique spatiale caractérisée par des mutations importantes et une évolution des mentalités facilitéepar le soutien des émigrés qui ont efficacement contribué au financement de l’éducation et la formation de ces jeunes .
CONCLUSION GENERALE
Au terme de cette étude, il ressort que la dynamique migratoire à Hann/Yarakh, considérée au départ comme une source de sécurisation et de diversification des revenus des ménages yarakhois s’est présentée par la suite comme une stratégie de réponse des populations à laquête de meilleures conditions de vie face aux contraintes sociologiques, aux déséquilibres démographiques , à une baisse substantielle de leurs revenus, et surtout à une activité de pêche tournant au ralenti .
Ainsi, si dans les années 80 les mouvements migratoires répondaient à une logique de diversification des revenus essentiellement portés dans ce milieu par le secteur de la pêche, ils se sont traduits en 2005 par une course anarchique des populations, sous le registre de l’émigration clandestine .
Par ailleurs, ces différents flux migratoires ont ouvert de nouvelles perspectives de développement dans cette localité qui est aujourd’hui en cours de modernisation avec un cortège de restructuration des habitats et de reconversions professionnelles, par le biais donc des mutations urbaines qui sont ainsi, engendrées par cette dynamique de l’émigration.
En effet, l’importance des ressources des émigrés et le poids de leurs investissements dans cette localité demeurent très significatifs au point qu’ils jouent aujourd’hui un rôle moteur dans le processus d’urbanisation et de modernisation de Hann/Yarakh. Ainsi, à l’heure où la plupart des pays africains et particulièrement le Sénégal est à la recherche d’acteurs locaux pour asseoir les bases d’un développement endogène, ces émigrés se positionnent en bonne place et demeurent des agents potentiels de développement. Les transferts de ressources financières et matérielles qu’ils assurent tendent à donner une
nouvelle dimension et à instaurer de nouvelles fonctions économiques dans leurs localités d’origine.