L’analyse de l’offre et de la demande
L’Analyse de l’offre
La vente du bois de rose n’est pas du tout transparente sur le marché puisqu’une grande partie de la production est assurée par des exploitants qui restent dans le circuit illicite. L’exploitation du bois de rose à partir de 2005 a connu une grande prospérité dans la région S.A.V.A. Normalement le quota d’exportation sorti au-delà des quantités inventoriées se limite à 25 conteneurs par exploitant-exportateur. Ce qui est loin d’être le cas vu la quantité des rondins de bois de rose présente dans la ville d’Antalaha et au port de vohémar. Madagascar a pu exporter environ plus d’un millier de conteneur de bois de rose l’année 2009 (Tableau n°13 p 42).
L’Analyse de la demande
Les enquêtes menées auprès des exploitants ont révélé que le bois de rose constitue une activité génératrice de revenus considérables à court terme malgré les coûts et les contraintes liés à sa production. Les bois de rose en Chine sont littéralement intouchables, du fait de la raréfaction des ressources en forêt. C’est pourquoi les chinois s’approvisionnent en bois de rose malgache pour fabriquer des meubles de style impérial haut de gamme. Les textes en vigueur depuis 2007 obligent à travailler ou à transformer ces bois avant de les exporter. Mais la dureté de ce bois est telle qu’il est très difficile à travailler, il se fend facilement sous l’outil. Le rondin de bois de rose doit sécher de longues années entre3 à 5 ans pour perdre toute sa sève et ne pas se fendiller lors des variations d’humidité, une fois transformée en meuble. On ne pourra pas répondre aux normes exigées sur le planinternational. En plus, la quantité des stocks et l’appauvrissement de la ressource en forêtactuellement inventoriés s’avère largement insuffisante pour convaincre les grosinvestisseursétrangers à installer des usines de transformation à Madagascar. C’est pour celaque la grande île reste le pays fournisseur de matière première.
Les flux commerciaux
Les rondins sortis de la forêt empreintes trois circuits selon la qualité : le premier et le deuxième choix sont destinés à l’exportation, le troisième choix acheté par les artisansd’Ambositra et le reste utilisé localement.
Commercialisation de Bois de rose à Antalaha
La commercialisation du Bois de rose se fait de deux manières à l’état brut en rondinset semi travaillé ou travaillés en articles artisanaux. Dans les deux cas, elle est régie par desrèglementations en particulier d’Arrêté N°513 9/9 du 15 Novembre 1994, complétant laréglementation en vigueur en matière d’exploitation d’une part, et réglementant la commercialisation des produits principaux des forêts d’autre part.
Transformation secondaire de bois de rose à Antalaha
Les industries forestières formelles regroupent les menuiseries, les ébénisteries, la charpente de marine et les scieries disposant des équipements et machines à haute capacité et ayant plusieurs années d’expérience en filière bois. C’est dans ces catégories d’industries forestières que sont travaillés les rondins de bois de rose. 5 opérateurs disposent desentreprises de transformation dans le district d’Antalaha : LAISOA Jean-Pierre, les Etablissements RAMIALISON Arland et RANJANORO, BODY Thiery. La société THUNAM et Etablissement RANJANORO seulement exportent des produits finis et transforméscomme « la manche de guitare, le clavier de piano, des plaquettes bien façonnées, etc. ». La Société THU-NAM a pu exporter 23 conteneurs des produits finis et transformés la mi-juillet 2009. C’est également une Société de construction navale qui produit des bateaux en boisjusqu’à 100 tonnes ainsi que des embarcations de pêche de deux tonnes. Par contreEtablissement RANJANORO a pu exporter 13 conteneurs.
Il existe également différents ateliers à bois de petite taille équipés ou non de machines comme la raboteuse, la dégauchisseuse, la scie circulaire, la toupie, la scie à ruban, etc. Il y aenfin les machines fabriquées artisanalement dont un moteur relié par une courroie à un axe sur lequel est fixée une lame de scie circulaire ou les outils de la toupie. C’est fréquent de voir une machine combiné assurant plusieurs fonctions. Les transformateurs travaillent sur commande. Les capacités de production sont très variables. Les articles en bois de rose sont vendus aux marchés de la région SAVA. Ce sont des meubles, chaise-salon complet, tables, armoire, lit-bateau ou simple. Cesarticles sont mélangés avec autres bois précieux notamment le Palissandre, le Hintsy. Ces prix varient entre 10 000 Ar à 600 000 Ar. Le prix de ces articles est en fonction du savoir-faire des menuisiers, du modèle exigé par les clients, de la saison de la production agricole en particulier la vanille, l’éloignement du marché et le comportement des clients.
Vu la dureté, le problème de séchage, le changement rapide de couleur au contact del’air et la cherté du bois de rose, sa proportion par rapport au bois total utilisé est de 25 %. Par ailleurs, la population d’Antalaha a une préférence singulière au meuble en Palissandre. Les prix des articles continuent d’augmenter jusqu’à ce jour. Ceci est dû à l’insuffisance et à la raréfaction des matières premières.
Destination mondiale de bois de rose malgache
La majorité des bois de rose exportés depuis la région SAVA est vendu à des sociétés d’importation chinoise. Des petites quantités de bois précieux sont envoyées vers l’Europe et les Etats-Unis pour la fabrication d’instruments de musique haut de gamme. Les exportateurs en possession d’agrément d’exportation délivré par le Ministère de l’Environnement et des Forêts doivent s’acquitter de la somme de 72 millions d’Ariary14 par conteneur, plus 500 Ar par le kilo de redevance à la collecte et 6% de valeur ajoutée FOB15 sur la valeur totale des produits bruts contre 1,5% pour les produits finis. Les opérateurs doivent payer en tout une somme de 82 millions d’Ariary TTC par conteneur. Les conteneurs régularisés peuventdorénavant quitter le pays à partir de n’importe quel port mais les opérateurs préfèrent Vohémar pour des raisons de coût et de commodité.
Bois de rose : filière illicite
Toute exploitation de bois de rose dans la région SAVA avant septembre 2006 devrait être considérée comme illégale étant donné que les exploitants n’ont pas suivis les règles en vigueur. Tandis que tous les bois produits depuis septembre 2006 sont irrémédiablement illicites en vertu de l’Arrêté interministériel 16030/2006.
Les différentes formes de l’exploitation illicite
La filière illicite est présente partout et se présente sous différentes formes. Elle implique tous les acteurs de la filière.
Des infractions pénales ont été identifiées lors de l’enquête à citer entre autres :
-Location de marteau et vente de laissez-passer par l’exploitant.
-La coupe du bois par des bûcherons indépendants ou des villageois aux alentours du Parc sans permis d’exploiter et surtout à l’intérieur du Parc National Masoala. Les collecteurs les achètent sur place et les revendent ensuite auprès des exploitants. Mais il est blanchi en déclarant sa production en provenance de son lot forestier. Il y a même des cas où le permisne sert que pour fournir de bois d’origine douteuse, le lot reste inexploité.
-Sans papiers réglementaires pour l’autorisation de transport de bois exigées conformément à la loi (Article 40 du Décret 98-782) n’a pu être présentée par les conducteurs pour l’évacuation du bois de la forêt vers le dépôt en ville.
-Production de faux papiers, faux et usage de faux pour l’exportation du bois de rose.
-L’article 37 de l’Arrêté n°13855/2001 prévoit que tout bois sortant de l’exploitation doit porter aux deux bouts un marquage à la peinture, le numéro du chantier, le numéro de l’arbre et le numéro des rondins par l’empreinte du marteau spécial de l’exploitant d’une part et celle du marteau forestier qui aura effectué la réception des produits d’autre part. On n’a pas trouvé aucune de ces marques durant notre enquête, et membres du personnel de l’administration forestière voire les exploitants ont confirmé que cette règle n’avait jamais été respectée afin de tricher sur le nombre de rondins récoltés. L’absence de tout registre du bois de rose en leur possession et de tout inventaire officiel des bois nouveaux stockés dans les dépôts ouverts ou cachés dans le district d’Antalaha rendent impossible le contrôle de la circulation des bois déclarés. Les acteurs ne rendent pas compte des flux de bois entrant ou sortant de ces stocks.-Tous stocks de rondins de bois de rose qui n’ont aucun papier réglementaire en bonne et dû forme sont considérés illicites et frappés de saisie. A l’exemple des 176conteneurs de bois de rose déposés dans le port de Vohémar du 8 à 16 juillet 2009, 88 sont délictueux.
De la filière illicite à licite
On a remarqué sur terrain que la circulation de bois de rose dans la région de la SAVA continue toujours. Le stock dans la région ne cesse de s’accroitre. Le problème d’exploitation illicite persiste et semble s’aggraver.Si les opérateurs exécutent la transaction avant jugement17au régisseur de recette de la DREF de la SAVA en payant 72 millions d’Ariary par conteneur mis en séquestre dans le
Port sous la responsabilité de la Société de Gestion du port de Vohémar, l’opération devient licite. Cette amende spéciale favorise en effet le blanchiment du bois illicite et régularise les papiers : Agrément et autorisation d’exportation des conteneurs. Aussi, tous conteneurs contenant de bois de rose ayant des papiers réglementaires en bonne et dû forme et ayant suivi la procédure exigée par la législation en vigueur sont considérés en règle sur le plan administratif et ne feront plus l’objet de saisie et de mise en séquestre et autorisés à l’exportation.
L’insuffisance d’argent, l’instabilité politique ainsi que la suspension des aides internationales dans le pays a poussé l’Etat malgache à tolérer ces infractions liées à l’exploitation du bois de rose. Différentes autorisations d’exportation délivrées au cours des deux dernières années montrent l’influence politique des exportateurs de bois. Les autorisations sont justifiées sur la base de raisons économiques pour soutenir les opérateurs privés locaux concernant leur situation financière et afin d’améliorer la situation socio-écopolitique locale. En réalité, elles ne font aucune référence aux politiques globales forestières et de développement local voire régional. La rentabilité de vente illégale du bois de rose a de plus en plus permis aux acteurs de recourir à la corruption et à la contrainte par la violence pour échapper à l’application de la loi forestière. La rétention de certains opérateurs est une simple diffamation car après avoir payé une amende ils sont libérés.
L’apport économique de cette activité à l’échelle régionale et nationale
L’exportation de bois de rose devient un des facteurs déterminants de l’économie du district, régionale voire du pays actuellement. L’absence de répression directe et l’enrichissement rapide de ceux qui osent, ont favorisé l’entrée dans la course sans limite, avec le sentiment que cela n’allait pas durer et donc, qu’il fallait en profiter. On constate ainsi l’absence des hommes dans la ville d’Antalaha car ils sont tous partis dans la forêt pour la recherche de « bolabola ». Ils espèrent un enrichissement non pas facile pour le transport de bois de rose mais rapide.
Les impacts majeurs positifs sont la création d’emploi et le transfert de savoir-vivre, lamodification des comportements et attitudes vis-à-vis des coutumes et le changement de mentalité, l’amélioration des revenus au niveau des ménages.
Le commerce et l’exportation du bois de rose engendrent des retombées bénéfiques pour l’économie. Mais elles se concentrent surtout sur les intérêts particuliers d’un petit groupe d’hommes d’affaires du district d’Antalaha. Sachons qu’un conteneur de bois de rose peut rapporter jusqu’à 90 millions d’Ariary de bénéfice net au trafiquant. Le plus petit exploitant gagnerait 800 000 dollars au minimum et le plus gros 62 millions de dollars en une année d’exploitation. Remontant en 2002 quand le cours de la vanille s’est envolé, les paysans producteurs avaient acheté n’importe quoi : des ventilateurs, des télévisions, des chaines stéréo alors qu’il n’y a pas d’électricité au village. Juste pour étancher leur soif de consommer, un besoin de paraître et d’impressionner leurs voisins. On assiste aujourd’hui,dans une moindre mesure au même phénomène. Beaucoup de colporteurs (friperies ustensiles et outils divers) se précipitent dans les montagnes et au Cap-Est pour vendre leurs marchandises dans les villages de circonstance. De petites cases de gargotes improvisées et des magasins sont construits par les marchands ambulants.Concernant la recette de la redevance de l’exploitation de bois de rose légale, l’Etat malgache a reçu 120 milliards d’Ariary en 2009 et 32 milliards d’Ariary pour le premier semestre de l’année 201018