Généralités
La déchirure périnéale est la section des tissus sous l’effet d’un effort violent, est définie par des lésions des éléments anatomiques, musculo-aponévrotiques cutanés et des muqueuses de la région périnéale [16].
Ces lésions périnéales provoquées par l’accouchement regroupent schématiquement les traumatismes de l’urètre et de son appareil sphinctérien ; la désolidarisation inter viscérale ; les lésions musculaires du plancher pelvien et les lésions neurologiques [9].
C’est une complication traumatique fréquente, induite par un accouchement par voie basse et vue en post-partum immédiat. Elle est due à un phénomène qui accompagne l’insuffisance de distension de l’anneau vulvaire, l’inadaptation de l’orifice vulvaire à la présentation et l’expulsion trop rapide non contrôlée où le périnée n’a pas le temps de s’amplier.
La déchirure peut aller d’une simple plaie superficielle n’atteignant pas la muqueuse, jusqu’à une plaie profonde, large intéressant la zone des sphincters anales et la paroi rectale, avec possibilité des lésions associées de la muqueuse vaginale, du col ou autres. Ces lésions périnéales sont identifiées au décours immédiat de l’accouchement [17,18].
Ils dépendent de plusieurs facteurs [9, 19]:
Les facteurs maternels
– Age
– Parité
– Antécédents et pathologies maternelles
– Situation matrimoniale
Les déchirures périnéales complètes compliquées, du troisième degré
La paroi anale est rompue, mettant directement en communication vagin et rectum. L’anus est béant et forme avec le vagin un véritable cloaque [12].
Au décours immédiat de l’accouchement, un examen clinique attentif et complet doit faire un bilan de l’extension des déchirures.
Les déchirures fermées ne sont pas reconnaissables. Son diagnostic sera fait par l’examen systématique, après la délivrance, de la fourchette du vagin et du périnée.
La bonne visualisation de la paroi postérieure du vagin nécessite une hémostase suffisante. Elle est obtenue soit par écartement digital des petites lèvres, soit à l’aide des valves. S’il est fait avec douceur et minutie, cet examen ne nécessite pas d’anesthésie, même en l’absence de péridurale.
En cas d’accouchement traumatique rapide, ou si une hémorragie persiste après la délivrance, l’examen du col et des culs de sac vaginaux repèrera d’éventuelles lésions associées à la déchirure périnéale.
L’observation seule permet d’établir si la déchirure cutanée prolongeant celle de la fourchette a atteint la muqueuse anale. L’examen du sphincter est essentiel pour le diagnostic du degré de la déchirure. Il peut être spontanément visible s’il est intact et si la déchirure cutanée est suffisante. Si ce n’est pas le cas, un doigt introduit dans le rectum, en mettant sous tension, permet de vérifier son intégrité. La rupture du sphincter suspectée par le toucher rectal, doit être confirmée par la recherche des deux extrémités souvent rétractées dans la gaine. Leur mise sur pince est le préalable indispensable à la réparation. Dans les déchirures spontanées, la rupture est médiane. Le toucher rectal fera le diagnostic des déchirures du 3ème degré montrant la rupture complète de la cloison recto-vaginale. L’écartement prudent des bords de la brèche doit permettre de repérer la partie supérieure de la déchirure digestive, indispensable pour envisager sa réparation sérieuse. L’examen clinique peut, par contre, être tout à fait insuffisant dans le diagnostic des lésions occultes du sphincter puisque environ 20% des lésions du sphincter anal externe sont méconnues lorsque le périnée n’est pas cicatriciel. Enfin, on complètera l’examen périnéal par un « coup d’œil » sur le méat urétral, le clitoris et son capuchon, les petites lèvres et les caroncules hyménales. Leur réparation n’est pas systématique en l’absence de saignement, mais évitera des douleurs ultérieures, surtout pendant les mictions [7].
L’épisiotomie
Généralités
Définition
L’épisiotomie est la section prophylactique chirurgicale de l’orifice vulvo-vaginal destinée à faciliter le dégagement de la présentation et surtout à éviter les déchirures du périnée. Au point de vue étymologique « épisiotomie » vient du mot grec « épision » qui veut dire petite lèvre et « tome » signifiant section. L’épisiotomie est en fait une périnéotomie qui incise la muqueuse vaginale, les muscles bulbo-caverneux et transverses et la peau périnéale [9].
Elle a pour but :
– Sur le plan maternel d’éviter à court terme les déchirures périnéales sévères et prévenir à plus long terme les troubles de la statique pelvienne (prolapsus, incontinence, lésions anorectales)
– Sur le plan fœtal d’agrandir l’orifice vulvaire au moment du dégagement afin d’abréger l’expulsion (réduire le risque de souffrance fœtale), diminuer le traumatisme fœtal et faciliter la réalisation des manœuvres obstétricales.
Avantages
L’objectif est d’éviter une déchirure périnéale. Si l’on considère qu’en rendant facile l’expulsion, elle évite ainsi des souffrances fœtales et des forceps de dégagement. En diminuant la résistance périnéale, on évitera ainsi des délabrements plus importants. Depuis la pratique de l’épisiotomie, les grandes déchirures périnéales ont considérablement diminué [1]. On peut prévenir aussi une incontinence urinaire. Puisqu’elle est indiquée pour protéger la musculature de la planche pelvienne [25-26].
Inconvénients
L’épisiotomie même faite à temps n’exclut pas
– Le risque de déchirure périnéale
– On peut rencontrer des lâchages de suture mais ils sont rares [2].
– Les cicatrices d’épisiotomie rarement douloureuses sont cependant à l’origine d’un inconfort pour la femme et source de dyspareunie [3].
– Le périnée ayant eu une épisiotomie devient un périnée cicatriciel avec les risques et indications ultérieures.
Pour toutes ces raisons, l’épisiotomie peut être considérée comme la meilleure et la pire des techniques. La meilleure quand elle est faite à bon escient, en indication et technique correctes. La pire quand elle devient systématique et distribuée à tous les périnées [27- 28].
L’épisiotomie est inefficace pour certains cas [27- 28]:
– D’hypoplasie génitale majeure
– Si la distance ano-pubienne est courte (inférieure à 5cm)
– Dans le cas de périnée cicatriciel
Il est préférable de pratiquer une opération césarienne dans tous ces cas.
Indications
L’analyse des données de la littérature souligne que l’épisiotomie ne doit pas être systématique et que son usage intensif n’est pas justifié. Ses indications sont superposables aux facteurs de risques de déchirures périnéales sus cités (facteurs maternels, fœtaux, opératoires…)[9].
Certaines indications sont formelles :
– Manœuvres obstétricales
– Présentation de siège ou de face
– Dégagement en occipitosacré.
Dans d’autres cas, l’épisiotomie est recommandée pour:
– La macrosomie fœtale
– Les tissus fragiles (périnée mou)
– Le périnée résistant ou cicatriciel
– Les signes prémonitoires de déchirure
Technique
Le moment de la réalisation de l’épisiotomie est essentiel. Elle ne doit être effectué ni trop tôt, ni trop tard. Elle doit être effectuée quand la présentation commence à distendre le périnée à l’acmé d’une contraction et d’un effort expulsif [9].
L’épisiotomie est pratiquée au moment d’une poussée.
Différentes techniques ont été décrites : medio-latérale, médiane, latérale. Au cours du temps, suites à des recommandations, il a été recommandé de pratiquer l’épisiotomie medio-latérale car c’est la plus avantageuse [15,20].
L’épisiotomie médio-latérale est pratiquée aux ciseaux droits avec une lame positionnée entre la présentation et la partie postérieure de la vulve, l’autre lame étant en dehors. La section doit être franche en partant de la partie médiane de la fourchette vulvaire et en se dirigeant latéralement et en dehors vers la région ischiatique soit un angle de 45° par rapport à la verticale sur 6cm en moyenne. Sont successivement sectionnés la peau et le vagin, les muscles bulbocaverneux et transverse superficiel, et le muscle puborectal ou partie élévatrice du releveur de l’anus dans sa totalité.
La réparation des déchirures périnéales et de l’épisiotomie
La réparation doit être la plus anatomique possible, afin de restituer une fonction musculaire normale et d’éviter toute cicatrisation pathologique. Elle est réalisée sous asepsie chirurgicale : badigeonnage du périnée ; champs et gants stériles ; tampon vaginal évitant la souillure par les lochies.
Cette réparation nécessite une analgésie de bonne qualité, en absence d’analgésie péridurale, par de la lidocaine à 1% (infiltration plans par plans avec délai d’attente suffisante).
Dans notre service, il a été adopté comme protocole d’utiliser des fils a résorption lente, type acide poly glycolique (Vicryl 2/0 serti).
Technique :
– l’accouchée reste en position gynécologique, et on attend que la délivrance soit faite.
Les complications
Les complications en salle de naissance
– L’hémorragie du post partum constitue la principale complication de l’épisiotomie et de la déchirure périnéale.
– Le traumatisme fœtal comme lésion des testicules allant jusqu’à la castration lors de présentation de siège, érosion superficielle des paupières lors de présentation céphalique, fracture de la mâchoire sur présentation de la face.
– Les déchirures du 3ème ou 4ème degré qui surviennent malgré la présence de l’épisiotomie [28].
Les complications de l’épisiotomie dans le post partum
Les douleurs périnéales en rapport avec une épisiotomie sont dues à 3 types de complications :
– Les hématomes par défaut d’hémostase du plan profond
– Les inflammations de la suture avec œdème sur la cicatrice
– Les désunions voire infections de la suture
Le suivi et les soins en post-opératoire
Les soins locaux
D’après Faruel-Fosse [29], des soins du périnée sont à réaliser pour prévenir les complications infectieuses du post partum et pour favoriser la cicatrisation d’épisiotomie, qui est divisés en deux temps :
– Au bloc obstétrical (avant retour en chambre) soin avec des compresses stériles, de l’eau et du savon antiseptique fait par la sage-femme.
– Puis le jour suivant, soins à faire au moins une fois par jour, ce qui permet de surveiller la cicatrisation. Ce soin se fasse après que la patiente se soit douchée et faitpar la patiente elle-même.
A ceux-ci s’ajoutent les soins avec Dakin Cooper par son pouvoir antiseptique [4, 9,13]
Le traitement de la douleur
Les moyens non médicamenteux
L’ajout de sels dans l’eau avec un dosage de 10 g/l
La glace
Les huiles essentielles de lavande
Les moyens médicamenteux locaux
Les antiseptiques dans l’eau (Povidone iodée, Bétadine ®)
Les anesthésiques locaux
Les moyens médicamenteux généraux
Le Paracétamol
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens par voie rectale ou per os.
Les soins en suites de couches
Ils contribuent beaucoup au succès de l’intervention [1, 30-34]. Ils comprennent :
– La toilette périnéale à l’eau bétadinée ainsi qu’après chaque selle et chaque miction.
– Le séchage attentif de la cicatrice.
– Le port de sous-vêtements lâches pour éviter la macération.
– L’application locale d’anti-inflammatoire en cas de douleur ou œdème.
– L’instauration d’un régime sans résidu et la prise d’huile de paraffine pour liquéfier les fèces car l’issue des selles dures est douloureuse et dangereuse pour les sutures.
– L’application de glace sur le périnée et une bouée circulaire pour s’asseoir qui est souvent nécessaire ainsi que la prise d’anti-inflammatoire par voie générale.
– Le flash antibiotique peropératoire et pendant les premières 24 heures qui est indiqué dans les déchirures complètes et compliquées. Mais dans tous les cas, l’infection doit être préventivement traitée par des antibiotiques par voie générale.
Evolutions et pronostics
Evolutions
L’évolution spontanée des déchirures ouvertes est conditionnée par la qualité de leur réparation. On rencontre les mêmes complications que celles des épisiotomies en cas de désunion de la suture ou de déchirure fermée ou négligée.
Elles sont habituellement favorables. Mais certaines complications peuvent survenir comme la douleur périnéale, les lâchages de sutures et les infections [34-36].
Pronostics
Le pronostic des déchirures périnéales dépend de leur reconnaissance immédiate et de la qualité de leur réparation, l’évolution des lésions correctement réparées est bonne [34].