Les services écosystémiques du parc agroforestier à F. albida et leur dynamique
Les espèces ligneuses du parc agroforestier rendent de par leurs feuilles, leurs fleurs, leurs fruits, leurs écorces, leur bois et leurs racines, de multiples services aux populations de Réfane. Outre leurs diverses fonctions écologiques, les arbres de ce parc sont une source importante de nombreux biens écosystémiques : aliments, fourrages, produits médicinaux, bois d’énergie, bois de service… Selon le type d’utilisation fait des produits du parc, les services rendus par cet écosystème peuvent être classé en 12 catégories : alimentation humaine, alimentation animale,
Les espèces importantes au plan socioéconomique et ayant disparues de la zone pharmacopée traditionnelle, bois d’énergie, bois de service, sources de revenus monétaires, amélioration de la fertilité du sol, protection des sols et de l’habitat contre l’effet du vent, services culturels, services cultuels et atténuation du réchauffement climatique.
Services d’approvisionnement
Nous regroupons sous cette appellation, l’ensemble des services issus de l’utilisation de biens écosystémiques directement prélevés des arbres du parc (fruits, feuilles, écorces, bois, racines).
Alimentation humaine
Plusieurs espèces connues dans le parc agroforestier sont utilisées à des fins alimentaires et participent ainsi à l’équilibre nutritionnel des repas quotidiens des ménages (Tableau 6).
Alimentation animale
Il est très difficile de recenser toutes les espèces qui entrent dans l’alimentation du bétail, car celles-ci varient en fonction de la saison, mais aussi de la disponibilité ou non du fourrage herbacé. Nous notons un recrutement progressif d’espèces ligneuses dans l’alimentation animale, au fur et à mesure que le fourrage herbacé se fait rare dans le parc. Le fourrage aérien dont on traite ici doit donc être perçu comme un aliment d’appoint en temps normal ou comme aliment de base en période de disette (soudure).
Les espèces ligneuses les plus préférées et utilisées dans l’alimentation du bétail sont par ordre d’importance : Faidherbia albida (photo 11), Celtis toka, Adansonia digitata et Balanites aegyptiaca (Tableau 7). G. senegalensis, T. indica, A. leiocarpus et Azadirachta indica sont toutefois intégrées aux espèces fourragères au fur et à mesure que le fourrage herbacé se raréfie du parc agroforestier ; de ce fait, nous les qualifions d’espèces fourragères de disette.
Pharmacopée traditionnelle
La pharmacopée traditionnelle est pratiquée à Réfane depuis des générations. Les biens écosystémiques procurant ce service sont multiples et variés et vont des racines aux feuilles, en passant par les écorces, les exsudats et les fruits. La pharmacopée est de loin, le service qui mobilise le plus d’espèces ligneuses et une plus grande gamme de biens écosystémiques(produits médicinaux). Les espèces les plus utilisées de nos jours sont G. senegalensis, B. aegyptiaca, A. leiocarpus, A. nilotica, T. indica, F. albida et A. digitata (Tableau 8). Les quelques rares sujets restants de Sclerocarya birrea (photo 12) et Acacia nilotica (photo 13) subissent fréquemment des écorçages à des fins médicaux.
Selon les personnes âgées interrogées, Maerua angolensis, Aphania senegalensis et Ficus iteophylla, aujourd’hui disparues de la zone, étaient très appréciées. Les infusions de leurs écorces ou feuilles servaient entre autres usages, à soulager la fatigue physique des paysans.
Bois d’énergie
La question du bois d’énergie est un sujet brûlant dans la communauté rurale de Réfane, où le problème d’approvisionnement se pose avec acuité. Les espèces les plus exploitées pour ce service sont F. albida (photos 14 et 15), B. aegyptiaca, A. leiocarpus, T. indica (Tableau 9). Ces quatreespèces sont par ailleurs, les plus préférées pour le service. Mais selon les vieilles dames interrogées, les espèces les plus utilisées et préférées dans le passé sont G. senegalensis, C. glutinosum, A. leiocarpus, P. biglobosa, B. aegyptiaca, F. albida. L’espèce G. senegalensis était protégée à environ 2 m, de part et d’autre de la limite des champs, pour juste servir de source d’approvisionnement des ménages en bois d’énergie (une autre forme d’agroforesterie aujourd’hui disparue, et qui associait dans le temps G. senegalensis aux cultures annuelles)
Bois de service
Le concept de bois de service fait allusion au bois tiré du parc et utilisé par l’homme, pour la fabrication de petit matériel (outils de travail, ustensiles de cuisine), la construction ou protection du cadre de vie (cases, palissade, haies mortes). Les biens écosystémiques utilisés dans ce service sont entre autres, le bois, les filaments d’écorces, les branches épineuses, les troncs. Selon la nature de l’espèce considérée, ainsi queses propriétés physicochimiques (dureté, saveur sucrée ou amère), le bois prélevé sert soit à la construction, à la confection des palissades (poteaux de soutien ou lattes pour les palissades), à la fabrication de petit matériel (outils), ou à la fabrication de cordons.
Les espèces utilisées dans la construction (charpentes, cases, enclos de bétail) sont A. indica, F. albida (photo 18) et dans une faible mesure B. akeassii. Ces deux espèces sont également utilisées dans la confection des palissades, de même que A. leiocarpus et G. senegalensis. Les filaments de l’écorce de Piliostigma reticulatum et Adansonia digitata étaient autrefois utilisés pour lier les tas de mil ou tisser les palissades.
Sources de revenus monétaires
La strate ligneuse du parc agroforestier de Réfane est riche d’un ensemble d’espèces dont les produits constituaient des sources de revenus monétaires, pour les populations locales. Les biens écosystémiques fournis pour ce service sont majoritairement dominés par les fruits, mais aussi les feuilles et parfois les graines (extraction d’huile). Le commerce des produits forestiers non ligneux (PFNL) récoltés du parc agroforestier était une activité essentiellement dominée par les femmes. B. aegyptiaca et A. digitata sont les espèces les plus appréciées pour ce service. Tout comme le service alimentation humaine, la famille des Moraceae occupait une place centrale dans l’économie des ménages, avec trois espèces de figuiers (F. iteophylla, F. platyphylla, F. gnaphalocarpa) dont les fruits étaient commercialisés dans la zone (Tableau 11). Les gousses de F. albida étaient également dans la liste des biens commercialisés, de même que les fruits de Z. mauritiana (jujubes) et P. biglobosa (la pulpe).
Services spirituels
Dans l’espace communautaire de Réfane, les individus de certaines espèces, localisés autour des villages ou dans les anciens sites d’habitation, font office d’autel pour les croyances traditionnelles (« tour en wolof »), car hébergeant les totems ou génies protecteurs de certaines familles. Ces arbres se distinguent facilement de leur semblables du parc, par leur silhouette mieux développée (photo 20), car exempts de tout ébranchage ou émondage.
Les espèces qui font office de « tour » sont généralement A. digitata, C. toka et B. rufescens (Tableau 13). Seules les espèces non épineuses hébergent les totems selon les anciens.
Amélioration de la fertilité des sols
Dans la zone d’étude, la presque totalité des espèces ligneuses rencontrées dans les champs sont réputés être d’un apport dans l’amendement des sols. F. albida est l’espèce la plus citée des populations pour ce service, suivie de loin par B. aegyptiaca, A. digitata et A. leiocarpus (Tableau 14). La décomposition des débrits végétaux (feuilles, tiges…) de ces espèces contribue à la formation de l’humus et à la libération d’éléments nutritifs profitables aux plantes cultivées. La presque totalité des arbres du parc perd ses feuilles en saison sèche, sous des températures généralement élevées et en absence de l’eau. La litière ainsi formée est soumise à l’action des vents et est parfois emportée avant d’entamer la phase de décomposition. F. albida par contre, présente une phénologie inversée. L’espèce perd ses feuilles en début et/ou en saison des pluies, sous des températures et des vents plus ou moins modérés et en présence de l’eau. Ces conditions favorisent une transformation optimale de sa litière et une libération de quantités appréciables d’éléments nutritifs dont l’Azote (N2) occupe une place importante. Contrairement aux autres espèces ligneuses, l’espace situé sous son houppier est emblavé jusqu’à proximité du tronc, car F. albida n’y concurrence pas les plantes cultivées pour la lumière. Ce qui explique en partie les qualités agronomiques attribuées à l’espèce et son importance en agroforesterie.
Services de régulation
Cette catégorie englobe les services ayant trait à la régulation du climat, des inondations et des maladies, et à la purification de l’eau (MEA, 2005). Notre étude a mis le focus sur la régulation du climat à travers l’ombrage, l’effet brise-vent, mais surtout la séquestration du carbone.
L’ombrage
Aussi bien dans le parc que dans les habitations, plusieurs arbres fournissent aux populations et au bétail, un cadre de repos (Tableau 15). Faidherbia albida et Azadirachta indica sont les espèces les plus préférées des populations locales. Mais une place non moins importante est accordée à B. aegyptiaca (photo 24) et Celtis toka. Faidherbia albida, en plus de son abondance dans le parc a la particularité de présenter en saison sèche (période chaude) un feuillage bien développé au moment où les autres sont fortement défeuillées. Elle y constitue ainsi une importante source d’ombre, qui tempère l’ardeur du soleil, pour les animaux en divagation, les bergers et les femmes qui parcourent le parc à la recherche du bois de chauffe. Dans les habitations, Azadirachta indica (photo 25) a supplanté les abris traditionnels, autrefois construits pour l’ombrage.
On note toutefois, l’introduction dans les parcelles dernièrement habitées, de nouvelles espèces appréciées pour leur ombrage : Gmelina arborea, Prosopis juliflora, Terminalia mantaly.
Protection des sols, des cultures et de l’habitat contre le vent
La végétation ligneuse du parc agroforestier joue un rôle primordial dans la protection des sols aux actions érosives des vents. Ce service est d’une grande importance dans les espaces agraires du Baol, où les sols présentent selon le CSE (2010), une sensibilité extrêmement élevée à l’érosion éolienne. Dans le parc agroforestier de Réfane, les espèces les plus citées et préférées pour ce service sont par ordre : F. albida, B. aegyptiaca et A. digitata (Figure 16). Entre autres espèces reconnues jouées ce rôle, on note C. pentandra, P. biglobosa, T. indica, C. toka. Le caractère commun à ces espèces est le développement important de leurs houppiers, qui constituent une barrière au vent. La protection de l’habitat humain aux effets néfastes des vents est assurée par Azadirachta indica, considérée en ce sens comme une espèce brise-vent par excellence.
Atténuation du réchauffement climatique par la séquestration du carbone
Dans le site de Nianiar, la quantité de carbone séquestré par les individus de F. albida est estimée à 95,7 tonnes pour les 14 ha, soit un stock moyen de 6,8 tonnes/ha. La presque totalité du carbone est stockée par les sujets de diamètre moyen, car totalisant à eux seuls près de 89% des stocks globaux (Figure 12). La contribution des individus de petit diamètre est quasi nulle (environ 1%) et celle des sujets de gros diamètre faible (environ 10%)