Comment organiser une compétition entre plusieurs agences ?
Fixer un nombre limité d’agences en compétition
Plus le nombre d’agences en compétition sera élevé, plus le choix sera difficile et surtout demandera du temps et de la dis-ponibilité. En effet, il faudra compter au moins deux réunions par agence : le briefing et la présentation de la création par l’agence, plus éventuellement une réunion intermédiaire pour répondre à des questions et une séance de débriefing. Avec cinq agences cela signifie près de vingt réunions à planifier, à prépa-rer et à conduire. Pour des dirigeants très occupés ce sont très souvent des contraintes fortes qui nuiront à la disponibilité d’esprit des décisionnaires. Car il n’y a rien de plus frustrant pour une agence en compétition que de sentir le manque de dis-ponibilité et de temps d’un client.
Le nombre d’agences de publicité en compétition ne doit pas dépasser, selon nous, cinq (trois agences de publicités nous sem-ble un chiffre idéal). Pour un design d’emballage ou un logo, le chiffre idéal se situe sans doute aussi autour de quatre. Pour les problèmes simples, aux budgets inférieurs à 15 000 €, deux agen-ces peuvent être suffisantes.
Choisir les agences en compétition en fonction du problème à résoudre
« Quelles agences dois-je donc mettre en lice ? » question que se posent de nombreux responsables avant de choisir les agences qu’ils vont contacter.
La plupart du temps, cette sélection est quelque peu empirique et repose soit sur des connaissances professionnelles, soit sur d’autres considérations de « renommée » : importance du chiffre d’affaire, notoriété, réputation, rang dans les classements des agences. Or au-delà de ces considérations il est possible de trou-ver des critères plus objectifs et surtout plus centrés sur les pro-blèmes à résoudre. Parmi les critères objectifs peuvent figurer :
– La non concurrence : il faut vérifier que l’agence pressentie ne gère pas un budget important d’un grand concurrent. En prin-cipe l’agence ne devrait pas accepter la compétition pour ne pas risquer de perdre son budget actuel. Néanmoins cette vérifica-tion s’impose, car il est hors de question de confier sa stratégie et sa création publicitaire ou promotionnelle à une agence gérant son principal concurrent, quelles que soient les promes-ses de l’agence sur la confidentialité de chaque dossier et l’étan-chéité promise entre les différentes équipes au sein d’une même agence. Si vous voulez recueillir des informations sur vos concurrents, visitez le siège de l’agence qui crée pour vous les designs d’emballage. Vous serez surpris en vous promenant dans les studios de création de voir quantité de maquettes de concurrents et de nouveaux produits trônant à la vue de tous sur les tables à dessin et sur les bureaux. Dites-vous bien que la prochaine fois ce sera la maquette de votre futur nouveau pro-duit stratégique qui sera sur la table.
Il faut aussi avouer que le critère de non concurrence est aujourd’hui un des plus difficiles à respecter. En effet, les meilleures agences, ou les plus grandes, attirent le plus de clients. En outre, la concentration de tous les marchés entre les mains de quelques entreprises, ou marques, souvent multinatio-nales, fait qu’il est presque impossible d’éviter les conflits d’inté-rêt. Sans oublier en outre que les concurrents de demain ne sont pas ceux d’aujourd’hui avec la convergence des marchés et l’extension des marques vers de nouveaux marchés.
– Les structures internationales : ce critère est particulièrement valable si l’on prévoit une utilisation internationale de la créa-tion, et en particulier quand il s’agit d’une campagne publici-taire. Toutes les entreprises internationales commercialisant les mêmes produits et les mêmes marques sont confrontées à l’épineux problème de l’harmonisation internationale de leurs campagnes publicitaires. Il n’est pas dans les buts de cet ouvrage de détailler ici le défi de l’internationalisation publici-taire. Nous dirons seulement qu’une des solutions à l’harmoni-sation des campagnes publicitaires est d’intégrer, dès le départ, les opportunités et les contraintes de l’international dans le brief et les premières créations. Dans ce contexte il est évident qu’une agence ayant déjà un réseau international avec une expérience et une véritable culture transnationales constitue un plus indéniable.
Pour les design d’emballage, il existe peu de véritables agences internationales. Au mieux certains grands cabinets ont des parte-nariats ou des alliances européennes. Pour une marque interna-tionale il est néanmoins important de trouver un emballage international. Par exemple pour les emballages, le problème en apparence simple des traductions de texte et du multilinguisme en face avant (c’est-à-dire la face visible du produit par le consom-mateur dans un linéaire) devient parfois insurmontable pour un cabinet purement national sans structures appropriées.
– L’adéquation avec le problème posé : ce critère peut parfois être en contradiction avec le critère de non concurrence. C’est néanmoins un critère majeur car il peut garantir une meilleure compréhen-sion du brief et du problème. Et un problème compris est déjà à moitié résolu. Par exemple on sait que le marché des produits frais attire de plus en plus d’entreprises qui sont par ailleurs des acteurs majeurs dans d’autres marchés comme celui des conser-ves ou des surgelés (en raison de la meilleure image du frais per-çue par les consommateurs et en raison d’un meilleur accueil de la distribution qui a des marges plus élevées dans ce secteur de l’alimentaire). Pour développer des créations adaptées aux atten-tes des consommateurs de ce marché, une agence ayant déjà une expérience des produits frais sera plus adaptée. De même les pro-duits pharmaceutiques constituent un marché très spécial. Une agence spécialisée dans les circuits médicaux, connaissant la législation et maîtrisant les comportements prescripteurs des acheteurs aura un avantage certain pour développer une campa-gne pertinente. De même une agence de design ayant déjà conçu des emballages pour des boîtes d’aliments pour chiens et chats connaîtra mieux la sémiologie spécifique de ce marché dans sa représentation des animaux et des aliments. L’univers de la glace a aussi ses codes de représentation qu’il ne faut pas manquer sous peine de disqualifier les marques. La PLV des salons profes-sionnels est très spécifique, et ne peut s’apprendre en quelques semaines. Créer une PLV dans ce domaine demande une prati-que forte et exige d’avoir fréquenté plusieurs de ces salons avant de se lancer dans une création ex nihilo. Le monde de l’édition musicale a lui aussi ses règles ; créer une pochette pour un disque classique de Mozart ou le dernier tube de Madonna nécessite une vraie connaissance du monde de la musique et de la façon dont sont exposés les disques lasers dans les chaînes de distribution.
Bien sûr la connaissance du contexte (distribution, consomma-teurs, entreprises, produits etc.) et de ses règles de marché ne doit pas scléroser ou « codifier » la création, mais elle doit permettre non seulement d’éviter les erreurs mais aussi de mieux transcen-der la création. En effet cette connaissance pourra éviter de réin-venter la roue et de produire, sans le faire exprès, du déjà vu.
– La disponibilité : pour une entreprise, le problème de création est le problème prioritaire. Ce n’est pas forcément le cas pour l’agence.
Or tous les professionnels savent bien que créer, développer puis finaliser une création jusqu’au stade de la production (que ce soit de l’impression, de la réalisation cinématographique ou de la production en volume) représente une véritable course poursuite pour toutes les parties concernées. Le problème prioritaire de l’entreprise doit donc aussi en devenir un pour l’agence. À cet égard les entreprises organisant une compétition sur un budget minime doivent se méfier des très grosses structures qui gèrent de gros budgets par ailleurs. Dans ce cas leur budget sera noyé dans les priorités autres de l’agence et il vaut mieux faire appel à des prestataires plus petits pour qui cette mission sera prioritaire et qui mettront leurs meilleurs éléments sur le sujet.
– La complémentarité des agences en compétition : il ne sert à rien de mettre en compétition quatre agences qui se ressemblent et ont toutes le même profil organisationnel, humain et de compé-tences. Une compétition n’est valable que si les créations propo-sées sont vraiment différentes et si l’approche des problèmes est variée.
– Le catalogue des créations : ce dernier critère peut donner un bon aperçu des compétences de l’agence, même s’il est difficile de juger dans l’absolu des créations pour des sujets qu’on ne maîtrise pas. Néanmoins un oeil averti pourra trouver des signes positifs par rapport à son propre problème de création.
Demander à l’agence pressentie si elle veut concourir
Dans un secteur économique comme celui de la communication qui connaît une crise et une restructuration importante, il peut sembler paradoxal de demander à l’agence si elle veut participer
à une compétition. Après tout, il n’y a pas de petits ou gros bud-gets, mais seulement des perspectives de développement.
Néanmoins il peut arriver qu’une agence refuse de participer à une consultation. Par exemple si elle gère un projet pour une entreprise concurrente ; si elle participe à une autre consultation pour un concurrent sur un sujet similaire ; si elle pense ne pas maîtriser du tout le sujet ou si elle n’a pas d’équipe disponible dans le délai exigé par le client (ces deux derniers cas sont assez rares il est vrai).
On peut enfin demander aux agences qui ont accepté de concou-rir de garder la confidentialité de cette consultation. Il est tou-jours surprenant de voir publiée dans les journaux spécialisés, la liste des consultations en cours sur tous les marchés, avec le nom des agences consultées et le thème de la compétition. Ceci est tout simplement de l’information que l’on donne à la concur-rence. De plus, le risque est aussi de voir ensuite les agences per-dantes utiliser le brief et les informations recueillies pendant la compétition pour un concurrent dans le cas où elles gagneraient un autre budget. Le monde de la communication étant par essence un monde peu secret où l’information circule assez bien, il est possible de ménager une certaine confidentialité en exi-geant de chaque agence qu’elle signe un accord de confidentialité type ; cet accord de confidentialité rédigé par les juristes de l’entreprise empêchera, en principe, l’agence de divulguer qu’elle participe à une compétition pour X.
Définir les règles du jeu à l’avance et n’en changer qu’exception-nellement
L’organisation d’une compétition exige une fixation précise des règles du jeu à l’avance. Bien évidemment ces règles ne pourront pas être modifiées en cours de compétition, sauf cas exception-nel et seulement si toutes les agences sont averties en même temps de ces modifications de règlement. Dans le cas d’une cam-pagne publicitaire, cela peut être un ajustement de la stratégie publicitaire et du brief. Dans le cas d’un nouvel emballage, cela peut être le lancement d’un concurrent durant la compétition avec un produit similaire.
Les règles du jeu définies à l’avance sont :
• le brief dont nous détaillerons le contenu ci-après ;
• les critères de jugement et de sélection qui seront détaillés et hiérarchisés soit dans le brief, soit dans un document à part, soit qui seront la copie stratégie elle-même ;
• le nom du ou des décisionnaires et des personnes qui jugeront et choisiront la création ;
• les délais entre chaque étape et la date du choix final ;
• le mode de rémunération ;
• idéalement le contrat ou la description du contrat qui sera signé entre le gagnant et l’entreprise ;
• l’accord de confidentialité ;
• la description du processus de sélection.
Décrire avec précision le processus de sélection
Cette description est capitale. Elle doit préciser le nombre de présentations-réunions qui sera accordé à chaque agence ainsi que la possibilité ou non pour l’agence de poser des questions supplémentaires et d’avoir une réunion complémentaire de tra-vail avec l’entreprise.
L’expérience montre que durant la présentation du brief par l’annonceur à l’agence, celle-ci pose finalement assez peu de ques-tions comme si elle ne voulait pas froisser l’annonceur ou qu’elle voulait montrer qu’elle a bien compris le problème ou que le brief est très clair. D’ailleurs à l’issue de chaque briefing de compéti-tion on entend toujours les mêmes phrases prononcées à l’inten-tion de ceux qui briefent : « C’est très clair », « Bravo pour la qualité du brief, » « L’exposé est brillant, le sujet est passionnant et ça nous donne encore plus envie de gagner ». En revanche après quelques jours ou semaines selon le délai imparti, le télé-phone sonne immanquablement et l’agence déroule non plus un tapis de compliments mais un tapis de questions et d’éclaircisse-ments. C’est là qu’il est bon de fixer la règle et les différentes pos-sibilités offertes à l’agence.