Les cyclopeptides naturels

GENERALITES

Les cyclopeptides naturels sont des composés doués de propriétés biologiques comme antibiotiques, comme toxines, comme hormones mais aussi comme agents de transport ionique (Ovchinnikov et al., 1975). Des travaux antérieurs ont fait apparaître des propriétés cytotoxiques vis-à-vis des cellules tumorales et une activité immunomodulatrice en particulier immunosuppressive. Ces composés sont aussi caractérisés par une diversité de leurs séquences (nature des acides aminés impliqués, taille des cycles, mode d’enchaînement séquentiel) et par une variété de leurs structures tridimensionnelles. Nous allons décrire brièvement les principaux types de cyclopeptides naturels, leur répartition dans les organismes vivants et leurs intérêts biologiques en les classant par la taille du cycle peptidique. Il convient de noter la variété des organismes producteurs, microorganismes bactéries et champignons, plantes, invertébrés terrestres et marins. Les cyclopeptides naturels sont formés selon les organismes producteurs, soit uniquement d’acides aminés protéinogènes donc de la série L, soit d’alternance d’acides aminés D et L, soit encore d’acides aminés non protéinogènes de structures variées.

LES CYCLODIPEPTIDES OU DICETO – 2,5 – PIPERAZINES

Les cyclopeptides formés de deux acides aminés comportent deux liaisons amides et sont aussi appelés dicéto–2,5-pipérazines. Ils sont souvent biosynthétisés par des champignons filamenteux et dans de nombreux organismes marins (éponges). Ils sont souvent des phytotoxines ou des mycotoxines (Prasar, 1995).
Le représentant typique est la gliotoxine, mycotoxine produite par plusieurs champignons pathogènes tels Gliocladium virens et Aspergillus fumigatus.
La gliotoxine présente dans sa structure un pont disulfure et se caractérise par une diversité de propriétés biologiques : antifongique, antibactérienne, antivirale et immunomodulatrice, mais sa toxicité empêche son utilisation thérapeutique (Waring et al., 1996, Haraguchi et al., 1997).

LES CYCLOTRIPEPTIDES

La plupart des cyclotripeptides décrits dans la littérature sont en réalité des cyclopeptides alcaloïdes produits soit par des plantes de la famille des Rhamnaceae comme la frangulanine de Zizyphus lotus, ou d’éponges marines comme l’eurypamide A de Microciona eurypa.

LES CYCLOTETRAPEPTIDES

Un nombre important de phytotoxines fongiques sont des tétrapeptides cycliques. C’est le cas de la tentoxine, peptide cyclique à quatre résidus possédant des acides aminés Nsubstitués incluant un α, β déshydroamino acide et portant des chaînes latérales alkylées et aromatisées ( Meyer et al., 1975, 1983). Elle est produite par Alternaria tenuis, un champignon phytopathogène responsable de chlorose chez les plantes.

LES CYCLOPENTAPEPTIDES

Plusieurs cyclopentapeptides ont été extraits des plantes de la famille des Caryophyllaceae et ont fait l’objet d’études biologiques et conformationnelles. Ainsi, la pseudostellarine A, isolée des racines de Pseudostellaria heterophylla, présente une forte activité inhibitrice de la tyrosinase et de la production de mélanine (Morita et al., 1994 a et d). Les ségétalines G et H issues de graines de Vaccaria segetalis sont des peptides présentant une activité œstrogène chez le rat, activité qui est perdue par linéarisation du peptide (Morita et al., 1997).

LES CYCLOHEXAPEPTIDES

De nombreux cyclohexapeptides ont été caractérisés chez les microorganismes, les invertébrés marins et les plantes supérieures. Ainsi, des cyclohexapeptides ne comportant que des acides aminés protéinogènes ont été isolés de la famille des Caryophyllaceae et des graines d’Annonaceae. A titre d’exemple nous citerons l’annomuricatine C et le cherimolacyclopeptide A isolés respectivement des graines d’Annona muricata (carosol) et d’A. cherimola (chérimolier). Ces deux composés sont doués d’une activité cytotoxique antitumorale sur les cellules cancéreuses KB. (Wélé et al., 2002, 2005).

LES CYCLOHEPTAPEPTIDES

Les cyclopeptides de sept résidus forment une classe relativement importante et ont été isolés de microorganismes, d’organismes marins et de plantes supérieures. Plusieurs d’entre eux ont été isolés de la famille des Caryophyllaceae, des Euphorbiaceae et de la famille des Annonaceae. Le genre Jatropha de la famille des Euphorbiaceae renferme plusieurs heptapeptides. C’est le cas de la cyclogossine A de Jatropha gossypifolia (Horsten et al., 1996) de la podacycline B de Jatropha podagrica (Van der Berg et al., 1996), des mahafacyclines A et B de Jatropha mahafalensis (Baraguey et al. , 2000, 2001) et des pohlianines A et B de Jatropha pohliana (Auvin et al., 1999). Une activité antipaludique modérée sur Plasmodium falciparum a été observée pour les mahafacyclines A et B et les pohlianines A et B avec des IC50 respectivement de 16, 2,25 et 50 µg/ml.

LES CYCLOOCTAPEPTIDES

Plusieurs cyclooctapeptides ont été isolés de graines de diverses espèces d’Annonaceae par le Docteur Alassane Wélé. C’est le cas des chérimolacyclopeptides A et B et de la cyclosénégaline B doués d’activité cytotoxique antitumorale sur les cellules cancéreuses KB.
Parmi les cyclooctapeptides, le cyclolinopeptide E ou cyclo(Pro-Leu-phe-Ile-MsoLeu-Val-Phe) isolé de Linum usitatissimum a montré une activité immunosuppressive importante (Morita et al., 1999).

LES CYCLONONAPEPTIDES ET HOMOLOGUES SUPERIEURS

Nous citerons dans cette rubrique, le chérimolacyclopeptide F, cyclononapeptide isolé des graines d’Annona cherimola (Wélé et al., 2005).
Le cyclolinopeptide A , renfermant neuf résidus aminoacides, est doué d’une activité immunosuppressive qui est décrite comme comparable à celle de la cyclosporine A. C’est un peptide très hydrophobe dont la séquence est cyclo(Pro-Pro-Phe-Phe-Leu-Ile-Ile-Leu-Val) et qui a été isolé des graines du lin, Linum usitatissimum. La curcacycline B est un cyclononapeptide isolé du latex de Jatropha curcas, une Euphorbiaceae. Curieusement il augmente l’activité rotamase de cette protéine (Auvin et al., 1997). Un cyclododécapeptide, la cycloléonurine, a été extrait de Leonurus heterophyllus et possède une activité immunosuppressive importante.
L’immunosuppresseur le plus important est la cyclosporine A (CSA), un cyclopeptide de onze résidus hydrophobes, isolé d’un champignon microscopique, Tolypocladium inflatum par le laboratoire SANDOZ. Elle est devenue un médicament immunosuppresseur majeur utilisé en clinique pour éviter les rejets de greffe d’organes. Sa structure a été déterminée en 1976. Elle inhibe l’activation des lymphocytes T cytotoxiques.
Récemment, à partir de deux familles de plantes, les Violaceae et les Rubiaceae, des cyclopeptides comportant un macrocycle d’environ trente (30) résidus et présentant des activités variées ont été isolés. Ce sont les varvpeptides A-H de Viola arvensis ( Göransson et al., 1999), les cycloviolins A-D extraits de Leonia cymosa (Hallock et al., 2000), une autre Violaceae et qui ont présenté une activité anti HIV et les cycloviolacines O1-O11 de Viola odorata. Ces cyclopeptides renferment six cystéines formant trois ponts disulfures. Ces peptides ont de grandes analogies de séquences avec des peptides isolés des Rubiaceae tel le cyclopsychotride A (Withesup et al., 1994), un peptide cyclique de 31 résidus isolé de Psychotria longipes qui inhibe la liaison de la neurotensine à son récepteur, telles les circulines A et B issues de l’arbre tropical Chassalia parvifolia et qui inhibent la réplication et les effets cytopathogènes du virus de l’immunodéficience humaine (HIV) (Gustafson et al., 1994). Parmi les cyclopeptides à large macrocycle et avec des conformations particulières, il convient de mentionner la microcine J25, cyclopeptide de 21 résidus présentant une forte activité antibactérienne et isolé de l’entérobactérie Escherichia coli (Blond et al., 2001).
Ce survol bibliographique, non exhaustif, montre les grandes variétés des cyclopeptides naturels : variétés des séquences hydrophobes ou plus ou moins polaires, variétés de la taille des cycles de 2 à 31 résidus et variétés des activités biologiques. Remarquablement ils sont biosynthétisés par de nombreuses classes d’organismes : microorganismes, invertébrés marins et organismes supérieurs dont les plantes.

Formation et coursTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *