La disponibilité des sous-produits agricoles

L’IMPORTANCE DU FLUX DES ELEMENTS FERTILISANTS

Les diverses productions réalisées au champ induisent des flux de nutriments dont l’importance dépend du niveau d’intensification (apport d’engrais minéral et de fumier) et donc du mode de gestion des résidus de récolte mais aussi de l’importance des productions agricoles.
Le bilan de l’azote est déficitaire dans les champs fumés et dans les champs avec engrais minéral. La fane et les gousses d’arachide exportent plus d’azote qu’on en apporte par le biais du fumier. Le déficit plus prononcé dans les champs fumés, s’explique d’une part par les teneurs en azote plus faible dans le fumier (2,02 g/kg) que dans l’engrais minéral (60g/kg) et d’autre part par les faibles quantités de fumier apportées. Malgré ce déficit en azote plus marqué dans les champs fumés, les rendements en fane y apparaissent pourtant légèrement plus élevés que ceux obtenus dans les champs avec engrais minéral. Ces résultats confirment les observations de Pieri (1990) selon lesquelles l’utilisation de l’engrais minéral est souvent la cause de l’acidification des terres cultivées, et donc de la baisse des rendements ; cela laisse présager de réelles perspectives pour l’utilisation du fumier. Compte tenu des modes d’utilisations de la fane d’arachide dans le terroir de la Néma (alimentation du bétail et vente), une bonne partie des éléments nutritifs reviendra, après recyclage de la fane dans les lieux de stabulation, vers les champs par l’intermédiaire du fumier. Dans ces conditions toutefois, les pertes sont de 55 % pour N, 50 % pour P et 35 % pour K contenus dans la fane (Camara, 1996). Les éléments nutritifs contenus dans la fane vendue constituent une perte totale car ils ne reviendront jamais au champ ; ce qui est préjudiciable à la fertilité des sols.
Le déficit en azote dans les champs fumés, plus important dans le groupe d’exploitations A (48,72 kg/ha), est plus lié à l’importance de la production de fane observée à ce niveau (2,007 tonnes/ha) qu’à la faiblesse des quantités de fumier répandue par hectare car les groupes B2 et B3 apportent une quantité de fumier beaucoup plus faible à l’hectare.
Seul le groupe d’exploitation B1 présente un déficit en azote dans les champs fumés (7,15 kg/ha) moins important que celui des champs avec engrais minéral (13,93 kg/ha). Ceci s’expliquerait par l’importance des quantités de fumier répandues par hectare dans ce groupe.
Le bilan du phosphore dans les champs d’arachide est positif pour l’engrais minéral (9,19 kg/ha) et négatif pour la fumure animale (-1,95 kg/ha). En effet dans l’engrais minéral utilisé pour l’arachide (6 20 10), la teneur en P (200 g/kg) est plus importante que celle des autres éléments nutritifs. Donc c’est cette forte teneur qui expliquerait le bilan en Phosphore positif dans tous les groupes d’exploitations.
Le bilan de P dans les champs d’arachide fumés, globalement négatif dans le terroir, n’est pas loin de l’équilibre dans les grandes exploitations (-0,6 kg/ha). Cela s’expliquerait alors par les quantités de fumier apportées par hectare qui apparaissent plus élevées mais aussi par les faibles rendements de fane dans les champs fumés (805 kg/ha) par rapport aux autres groupes.
Nous avons noté aussi dans le terroir de la Néma un déficit permanent relativement important en N alors que le bilan phosphoré est parfois équilibré. Ce qui est un corollaire des prélèvements d’azote par les plantes plus important que celui de P (Camara, 1996). Ces résultats sont concordants avec ceux de Van der Pol (1990) qui ont montré en zone soudanienne au Mali-Sud que le bilan phosphoré est équilibré, tandis que le bilan azoté des terres est déficitaire. Le déficit atteint dans le terroir de la Néma 26 Kg/ha contre, 25kg/ha dans la zone du Mali-Sud.
Globalement, le bilan en K est négatif dans le terroir aussi bien pour les champs d’arachide fumés que pour les champs d’arachide avec engrais minéral. Le déficit en Potassium est plus important dans les champs fumés avec 9,09 kg/ha contre 0,71 kg/ha pour les champs avec engrais minéral. Le déficit en Potassium dans les champs d’arachide fumés apparaît plus important dans le groupe A, ce qui laisse apparaître un lien entre l’importance de la production en fane et le bilan en éléments nutritifs. En effet c’est le groupe où le rendement le plus important en fane d’arachide dans les champs fumés est observé. A noter que les quantités de fèces laissées par les troupeaux dans les champs durant la saison sèche et l’effet de l’érosion n’ont été pris en compte dans le calcul du bilan.
Les champs d’arachide avec engrais minéral des grandes et moyennes exploitations présentent un bilan phosphoré positif car les exportations sont faibles conséquemment aux faibles productions observées.
Dans le terroir, presque tous les champs de mil sont fumés ; l’engrais minéral est plus souvent destiné aux champs d’arachide. Ce constat est conforme aux observations de Pieri (1989) qui indique que l’utilisation d’engrais pour les cultures de rente ne cesse de croître au détriment des cultures vivrières, en particulier le mil et le sorgho. L’engrais chimique utilisé est le NPK 15 10 10. Cette pratique étant marginale dans le terroir, le bilan des éléments nutritifs dans les champs de mil avec engrais minéral n’a pas été effectué.

L’OPPORTUNITE DES PRATIQUES DE FERTILISATION

Dans les grandes exploitations, les rendements des champs avec engrais minéral et fumés sont inférieurs à ceux des champs témoins. Ces résultats s’opposent à ceux obtenus globalement dans le terroir. Ce qui pourrait faire penser à un effet de facteur limitant car la source d’alimentation des plantes ne se limite pas seulement aux éléments nutritifs. En effet, la disponibilité hydrique dans de bassin versant de la Néma varie suivant les éléments topographiques ce qui peut avoir un impact sur le développement végétatif des pieds d’arachide selon la répartition des champs. Aussi, la localisation de ces exploitations sur la partie la plus élevée du terroir (amont) et donc les plus exposées à l’érosion pourrait expliquer cet état de fait. En effet, l’apport de grandes quantités d’engrais ne permettent pas forcément d’équilibrer le bilan des éléments nutritifs en raison de l’importance des pertes par érosion, lixiviation et volatilisation (Hainneaux, 1980).
Ces résultats pourraient aussi s’expliquer par une faible teneur de matière organique dans les champs de ce groupe, car non seulement, les faibles teneurs de matière organique (inférieure à 0,6 % en sols limono-sableux) entraînent des réponses aux engrais minéraux très limitées voire nulles mais aussi s’accompagnent parfois de phénomènes de toxicité aluminique réduisant le rendement (Berger, 1990). On peut parvenir à une plus grande efficacité d’utilisation des engrais, par l’apport de matière organique en quantité suffisante sur les champs (Avnimelech, 1991).
Dans les exploitations moyennes, l’effet de l’engrais minéral et de la fumure animale est positif sur les rendements. Il n’y a cependant pas de différence entre engrais minéral et fumier, bien que les champs fumés présentent des rendements plus élevés.
Dans les petites exploitations, qui n’ont pas utilisé d’engrais chimique au cours des deux campagnes, l’effet de la fumure animale est positif. Ces exploitants n’utiliseraient pas d’engrais chimique par manque de moyens (financiers).
La variation de l’effet de la fumure animale suivant les groupes d’exploitations pourrait être liée à la variabilité de sa composition minérale mais aussi à la quantité répandue. En effet, les dépôts frais de fèces ont une richesse plus grande en éléments minéraux que les dépôts anciens, de même il peut y avoir des différences entre les espèces d’herbivores (Guérin, 1987). La composition minérale des fèces desséchés suivant les espèces herbivores montre des teneurs plus élevées en NPK pour les petits ruminants que pour les bovins (Guillonneau, 1988). Aussi, il existe un taux de matière azoté plus élevé dans les fèces des petits ruminants que dans celle des bovins, ce taux varie également avec la saison donc avec le régime alimentaire (Quilfen & Milleville, 1983).
La quantité de fumure animale répandue dépend de la quantité produite dans l’exploitation qui elle même dépend du nombre d’animaux possédés. Trois à cinq bœufs intégrés à l’exploitation sont nécessaires pour fertiliser 1 hectare (Schleich, 1986). Djennontin et al. (2002) ont rapporté qu’un bœuf du Nord-Bénin peut produire jusqu’à 2 tonnes de fumier.
Considérant l’effet du type d’engrais utilisé en fonction de la variété, il apparaît un effet plus net avec la variété sélection ; on observe une différence de rendement significative des champs fumés et des champs avec engrais minéral par rapport aux champs témoins.
Aussi on note un effet plus positif de l’engrais minéral et du fumier.
Pour la variété Tiop, il n’y a pas de différence significative de rendement entre les champs avec engrais minéral et les champs témoins. Par contre le fumier a induit une différence significative de rendement par rapport aux champs témoins et aux champs avec engrais minéral.
L’effet du fumier n’est sans doute pas le seul en cause, mais ces résultats traduisent probablement l’effet global de l’intensification agricole, dans le cadre de l’association de l’agriculture et de l’élevage. Au mali, Breman et Traoré (1987) ont rapporté que seule une intensification de la production agricole permettant de produire des résidus de récolte de bonne qualité pour l’amélioration de la situation fourragère serait à même d’entraîner également le succès de l’élevage et la lutte contre la dégradation de l’environnement. Dans ces zones pourtant, l’élevage apparaîtrait comme une activité historiquement subordonnée à l’agriculture (Landais, 1985).
L’étude des revenus potentiels obtenus par les différents groupes d’exploitations pour les champs d’arachide fumés met en première ligne les exploitants qui cultivent le sorgho. Pourtant les quantités de fumier apportées/ha apparaissent plus élevées dans les grandes exploitations. Cet état de fait est certainement lié à la faiblesse des rendements de fane et de gousses dans ces grandes exploitations pour la campagne 2001-2002. Ces faibles rendements s’expliqueraient par les raisons avancées plus haut. Par contre du fait de l’importance des quantités de fumier apportées, le coût d’opportunité des éléments nutritifs (N P K) est assez important dans ce groupe (3 542 FCFA à l’ha) ; il est au dessus du coût enregistrés dans le groupe des petites exploitations (3 168 FCFA).
Le revenu potentiel net par hectare de champ d’arachide fumé est lié aussi bien à la quantité de fumier apportée par unité de surface qu’aux productions principales (grains) et secondaires (résidus de récolte).

UNE AGRICULTURE BIOLOGIQUE ?

Promouvoir l‘agriculture biologique dans le terroir de la Néma requiert un certain nombre de préalables ou conditions préliminaires.
L’écobuage des pailles des céréales (mil, maïs et sorgho), qui constitue évidemment une technique de restitution des éléments est peu favorable pour la matière organique.
La pratique entraîne en effet une perte totale de la matière organique, et ainsi l’azote qui joue un rôle essentiel dans le maintien de la fertilité du sol . Il s’en est suivi dans les différents groupes d’exploitations un déficit de la teneur en azote des sols aussi bien dans les champs d’arachide que dans les champs de mil. Cette pratique doit être réduite voire supprimée au profit de l’enfouissement des pailles.
Même dans les exploitations à faible main d’œuvre, comme dans le groupe des petites exploitations ou celles ne disposant pas de moyens de transport, l’enfouissement de la paille des céréales est préférable au brûlage. Car au delà de P et K restitués, N, et la matière organique fondamentale dans le maintien de la fertilité du sol, sont entièrement restitués. L’enfouissement de 2 tonnes de paille de maïs dans des conditions normales donne environ 300 kg d’humus stable (Berger, 1990).
Le recyclage des pailles des céréales pourrait permettre de pallier le déficit en éléments nutritifs observé en les utilisant comme litière, et ainsi elles serviront à la production de fumier dans les enclos des animaux. En effet, la présence d’un cheptel important de bovins peut permettre de valoriser la biomasse végétale non consommable par le bétail sous forme de litière dans les enclos. Cette litière incorporée aux fèces et au reste des aliments devrait donner une bonne quantité de fumier de très bonne qualité (Dugué, 1998). Un fumier est de bonne qualité lorsque son rapport C/N est compris entre 10 et 15, sa composition minérale moyenne est de 1 à 1,5 % ; 0,35 % et 1,5 % respectivement pour N, P et K ou sa teneur en matière organique de l’ordre de 30% (Berger,1996). Dans ces conditions, il faut une nuitée de bovin pour écraser 5 kg de résidus de sorgho (Berger 1990).
Toutes les techniques de production de fumier reposent sur le même principe : les bovins piétinent la litière que l’on place dans les enclos, celle-ci est mélangée aux fèces et aux urines, puis elle est peu à peu décomposée et transformée en fumier de qualité (Berger, 1996 ; Hanon, 1972 ; Dugué, 1995, Ganry, 1991 ; Bosma et al., 1993).
Le recyclage peut passer aussi par la transformation de la litière en compost dans des fosses, appelées (fosses) compostières. Ces différents types de fumier permettent d’augmenter les quantités de fumure organique apportées aux champs et donc de réduire le déficit en éléments nutritifs. La conséquence est l’augmentation des rendements et par conséquent du revenu du paysan . Compte tenu de la faible teneur du fumier en éléments nutritifs par rapport à l’engrais minéral, l’apport des résidus de récolte comme litière dans les enclos des animaux est souhaitable. Cela  permet de retenir l’azote contenu dans les fèces et dans les urines des animaux, et ainsi d’améliorer la qualité du fumier produit.
La quantité et la qualité de fumier : pour augmenter les rendements, et donc le revenu des exploitants, le paysan peut agir sur deux leviers essentiels : augmentation des quantités de fumure organique produite et l’amélioration de la qualité du fumier (teneur en éléments nutritifs). Diverses argumentations ont été développées dans ce cadre plus haut (addition de pailles, construction de fosses…).
D’autres actions complémentaires peuvent être développées. Parmi celles-ci, mentionnons :
– des campagnes de sensibilisation des paysans en vue de promouvoir une gestion des résidus de récolte de manière conséquente ;
– une formation à d’autres procédés de fabrication de la fumure organique à partir de la paille des céréales, le compostage par exemple ;
– une politique adéquate de transport (charrette) devra être entreprise, soit par préfinancement sous la forme de crédit de campagne et remboursable sur plusieurs annuités.
Cela permettra à bon nombre d’exploitants de disposer non seulement de moyens de transport, mais aussi et surtout des animaux de trait.

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