La technique de l’engagement

Le mentalisme « magique » sur la scène

À côté du mentalisme psychologique dont je vous parle depuis le début, il existe une branche du mentalisme « magie de spectacle ». Ce sont les mentalistes que l’on voit à la télévision et qui font des tours vraiment impressionnants ! Deviner à quoi pense quelqu’un, deviner son métier, etc.
Tous ces mentalistes sont des magiciens : leurs tours sont truqués (dans le bon sens du terme). Ils ont des astuces, des jeux de cartes spéciaux, des trucs de magicien. Ils font le même travail que le magicien qui fait sortir un lapin de son chapeau à une différence près, ils utilisent un emballage marketing : le mentalisme. Autrement dit, ils vous font croire que tout réside dans leurs pouvoirs mentaux. Ce livre n’aborde pas le mentalisme de spectacle. Je respecte et j’apprécie cet art, mais ce n’est pas celui vers lequel je me suis tourné.
Avant de débuter la pratique pure, je me permets de vous présenter la dernière brique de la philosophie mentaliste. Il s’agit pour moi de la plus importante.

La liberté d’esprit mentaliste

S’il y a bien une chose qui est commune aux milliers de mentalistes que j’ai pu rencontrer depuis 5 ans, c’est leur réticence face aux médias. Je m’excuse de généraliser si ce n’est pas votre cas mais dans le cadre du mentalisme, je n’ai encore jamais rien lu de tel : « Je regarde les journaux télévisés tous les jours et j’approuve tout ce qu’ils disent ! »
Ce que recherchent 99,9% des mentalistes en herbe, c’est une indépendance psychologique et intellectuelle. Il y a un pur désir de liberté. Une envie inhabituelle d’être maître de soi, de ses opinions, de ses choix. Je dis « inhabituelle » parce que beaucoup de gens se fichent d’être libre intellectuellement autour de nous.
C’est le pilier de ma philosophie de vie mentaliste : la liberté d’esprit. Il m’est inconcevable d’être pris en otage intellectuellement par une idéologie quelconque.
C’est dans le cadre de cette envie de liberté que j’ai découvert, il y a une dizaine d’années, la philosophie du scepticisme.

Une doctrine anti-idéologie

Le scepticisme est une doctrine philosophique selon laquelle la pensée humaine ne peut déterminer aucune vérité avec certitude. Autrement dit : il ne sert à rien de savoir si l’on a tort ou raison, il est beaucoup plus intéressant, d’un point de vue psychologique et sociologique, de comprendre pourquoi les gens pensent qu’ils ont raison.
Un regard sceptique ne juge pas les croyants, il cherche à comprendre pourquoi ils croient. Un sceptique ne juge pas une personne raciste, il cherche à comprendre pourquoi elle est raciste.
Cette façon de considérer les choses me paraît essentiel dans le cadre du mentalisme. Manipuler, influencer, analyser les gens, deviner leurs pensées : tout cela équivaut à comprendre les gens. On ne peut pas devenir mentaliste en restant campé sur ses positions. Le scepticisme vous aidera à vous imposer cette ouverture d’esprit si elle n’est pas naturelle chez vous.
Le scepticisme permet aussi d’atteindre ce que les grecques appelaient l’ataraxia. Le sceptique ne prenant pas part aux affrontements idéologiques mais préférant les analyser, il parvient à rejoindre une quiétude naturelle qui l’éloigne des conflits haineux.

Pourquoi l’idéologie est-elle dangereuse ?

L’idéologie est une manière d’obtenir des réponses à toutes ses questions de manière très mécanique. Les idéologies dictent aux gens ce qu’ils doivent penser. En adhérant par exemple à un parti politique idéologique, l’individu reçoit un « pack d’idées » auquel il doit adhérer en bloc. Certaines nuances sont possibles au sein d’une idéologie, mais ça n’a dans le fond guère d’importance.
Se perdre dans l’idéologie est dangereux pour deux raisons. D’abord parce qu’une fois embrigadé, il est difficile de se créer ses propres avis. L’idéologie prend toujours le pas sur l’opinion personnelle. Les idéologues sont incapables de sortir de leur cadre.
Ensuite parce qu’un bon mentaliste-manipulateur est habitué à deviner les groupes idéologiques auxquels appartiennent ses interlocuteurs. Un manipulateur qui connaît vos valeurs saura vous manipuler comme une marionnette. Il jouera sur la corde sensible et arrivera à ses fins beaucoup plus facilement qu’avec une personne plus indépendante intellectuellement.
Le scepticisme est une bonne manière de vous éloigner de l’idéologie. Voyez ça comme un challenge : au lieu de « croire » vous-même en quelque chose et de faire du prosélytisme, cherchez à comprendre pourquoi les gens croient. Qu’est-ce qui les pousse à croire en Dieu, à voter à droite ou à gauche, à devenir écolo, libéraux, gothique, punk, ou à devenir raciste ou bien anti-raciste ? Ne portez pas de jugement, cherchez simplement à retracer leurs raisonnements.
Cet état d’esprit vous libérera des prisons idéologiques mais il vous aidera surtout à mieux comprendre les gens autour de vous, à mieux deviner leurs pensées… et pourquoi pas à mieux les manipuler.
Mettons de côté l’état d’esprit et la philosophie mentaliste pour le moment, et passons à la pratique.

Les grandes techniques de manipulation mentale

Comme je vous l’ai expliqué précédemment, le mentalisme est une sorte de grosse boite à outils dans laquelle vous trouverez entre autres le cold-reading, la manipulation mentale, l’analyse du langage corporel, l’art du mensonge, et bien d’autres choses encore.
Cette première partie du livre est consacrée à l’un de mes sujets favoris : la manipulation mentale. Découvrons ensemble les techniques de manipulation les plus efficaces et les plus utilisées autour de vous.
Nous retrouverons ces techniques dans des exercices pratiques par la suite. N’hésitez pas à compléter votre lecture en suivant les liens proposés sur les prochaines pages. Ce n’est pas obligatoire, mais Internet offre cette possibilité magique de pouvoir toujours en apprendre d’avantage.

L’effet Barnum

Si vous ne croyez pas à l’horoscope, vous vous êtes déjà demandé comment cela pouvait avoir autant de succès. Comment se fait-il que les gens se retrouvent aussi bien dans leurs horoscopes tous les jours ? C’est justement grâce à l’effet Barnum.
L’effet Barnum, c’est l’effet selon lequel les individus acceptent la description que l’on fait de leur personnalité si celle-ci reste suffisamment vague.
Il a été théorisé en 1948 par le Docteur Forer, qui a demandé à ses élèves de répondre à un test de personnalité. Une fois le test terminé, Forer jeta toutes les copies et envoya la même analyse en réponse à tous ses élèves : « Vous avez besoin d’être aimé et admiré, et pourtant vous êtes critique avec vous-même. Vous avez certes des points faibles dans votre personnalité, mais vous savez généralement les compenser […] »
Il demanda ensuite à chaque étudiant de noter la pertinence de l’évaluation de sa personnalité sur une échelle de 0 (médiocre) à 5 (excellent). La moyenne fut de 4,26. Reconduite, l’expérience donna des résultats similaires.
Les voyants utilisent beaucoup l’effet Barnum pour améliorer leurs prédictions. En restant suffisamment vagues, ils arrivent à faire accepter à peu prêt n’importe quoi à leurs clients.
Un autre biais va souvent de paire avec l’effet Barnum : il s’agit du biais de confirmation. Si un individu croit à l’horoscope ou aux voyants, il aura toujours tendance à mémoriser les affirmations qu’il estime juste et à oublier (ou ignorer) les fausses affirmations. Barnum et biais de confirmation forment un formidable duo manipulateur.

La technique de la demande singulière

Une demande singulière consiste à demander un service peu banal. Par exemple : « Est-ce que je peux t’emprunter ton téléphone pendant 3 minutes et 40 secondes, s’il te plaît ? Promis, c’est juste le temps qu’il me faut pour régler une affaire importante ! ». Une précision aussi extrême stimulera la curiosité de votre interlocuteur qui s’intéressera plus naturellement à votre demande.
Les bénévoles d’ONG qui demandent de l’argent dans la rue utilisent régulièrement cette technique pour accoster les gens (souvent sans se rendre compte eux-même qu’ils utilisent une technique de manipulation bien connue).

Le « parce que »

La méthode du « parce que » consiste simplement à expliquer « pourquoi » vous demandez un service à quelqu’un. Une expérience simple a parfaitement démontré cette technique il y a plusieurs années : sur son lieu de travail, une femme (participant à l’expérience) souhaitait faire des photocopies. Arrivée à la photocopieuse, elle demanda dans un premier temps à l’homme qui était avant elle : « Excusez-moi, puis-je passer avant vous ? Je n’ai que 3 pages » Dans cette situation, 6 hommes sur 10 la laissèrent
passer. Dans un deuxième temps, elle modifia sa demande :
« Excusez-moi, puisse-je passer avant vous ? Parce que j’ai des photocopies à faire, et je n’ai que 3 pages. » Cette fois, 9 hommes sur 10 la laissèrent passer.
Le fait d’expliquer pourquoi l’on demande service à notre interlocuteur lui laisse moins de place pour réagir et pour s’y opposer. On installe en quelque sorte une petite culpabilité dans son esprit. Il devient difficile de lutter contre cette culpabilité grâce au « parce que » qui justifie clairement et légitimement votre demande.

Le regard droit dans les yeux

Regarder une personne « droit dans les yeux » n’est pas une technique à proprement parler, c’est plus un réflexe à avoir. Vous devez y penser à chaque fois que vous entamez une discussion. Regarder quelqu’un droit dans les yeux vous confère une aura de confiance et un charisme que vous ne pouvez pas négliger. Forcez-vous : dès que vous sentez votre regard s’échapper, reconcentrez-vous et fixez votre interlocuteur bien dans les yeux.
Si vous avez du mal à regarder votre interlocuteur dans les yeux, vous pouvez regarder entre ses deux yeux, un peu en dessous de la jointure des sourcils. J’admets que certaines situations rendent insoutenable le regard direct.

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