La coupe de Tuff Sud
La coupe de Tuff Sud a été intégralement étudiée (terrain – pétrographie – analyses microsonde) par Bénédicte Abily et Georges Ceuleneer préalablement à ma thèse. La description de cette coupe est basée sur leurs notes de terrain ainsi que sur l’examen des lames minces. Cette coupe, localisée sur le plateau de Maqsad, a été levée selon une direction sud-nord à proximité de l’oasis de Tuff (Figure 6.37). Les dunites ont été échantillonnées entre 879 (12TFS32) et 1172 m d’altitude (04OM47). Légèrement décalées à l’ouest de cette coupe, des alternances harzburgites-dunites sont observées à 905 et 917 m d’altitude (12TFS31 et 32), comprenant un petit corps de chromitite aux contacts francs de quelques mètres de diamètre (12TFS31, 905 m). Trois unités majeures structurent la coupe de Tuff Sud (Figure 6.38) : des dunites dans l’ensemble pures ou faiblement imprégnées de plagioclase et de clinopyroxène de la base (12TFS32 – 879 m) à l’échantillon 12TFS15 (1023 m), une partie intermédiaire (12TFS16 à 12TFS22 – 1026 à 1087 m) contenant ces mêmes minéraux imprégnant en quantité supérieure, et un sommet de coupe ne contenant que de rares clinopyroxènes poecilitiques (12TFS23 à 04OM47 – 1151 à 1171 m). Cette unité supérieure est caractérisée par la fréquence d’intervalles à gabbro alternant avec les dunites jusqu’au sommet de la coupe. Les gabbros apparaissent sous forme de filons fracturants, de lentilles aux contacts plus diffus, ou d’unités décamétriques litées.
Ces dernières présentent des contacts faillés avec les dunites de la zone de transition et sont observées jusqu’au sommet de la coupe où elles chapeautent le relief (04OM48 – 1161 m).
La coupe de Buri 2015
La coupe de Buri 2015 a été levée à proximité immédiate du pod de chromite stratiforme décrit par Ceuleneer et Nicolas (1985) (Figure 6.37). Seules des dunites affleurent de 933 m (15OM192) à 1105 m (15OM175), s’intercalant ensuite avec des injections de gabbros à l’abord du sommet situé à 1112 m (15OM174 et 173) (Figure 6.43). La transition avec les harzburgites n’affleure pas le long de ce wadi.
Au-delà de l’échantillon basal imprégné (15OM192 – 933 m), la distribution des faciès permet de distinguer une moitié inférieure de coupe (15OM191 à 186 – 941 à 982 m) composée de dunites pures comportant de rares petits clinopyroxènes en intergranulaires. La moitié supérieure (15OM185 à 173 – 1000 à 1112 m), davantage imprégnée, est faite d’une alternance de niveaux à dunites pures et de niveaux à dunites à clinopyroxène majoritairement. La présence de plagioclase est restreinte à 3 niveaux : l’échantillon basal (15OM192), les échantillons 15OM185 et 184 en milieu de coupe (1000 – 1014 m), et les échantillons 15OM175 et 174 (1091 – 1097 m) (Figure 6.43). Les plagioclases apparaissent en larges oïkocrysts irrégulièrement repartis (Figure 6.44A).
L’ensemble des échantillons de cette coupe a une texture de recristallisation et contient de petits diopsides interstitiels. De rares amphiboles magmatiques et grenats apparaissent pour les échantillons les plus imprégnés contenant à la fois du clinopyroxène et du plagioclase. Malgré la proximité du pod stratiforme, la quantité de chromite dispersée n’est pas particulièrement importante. Souvent de petite taille, elles sont régulièrement alignées dans la matrice dunitique au sein de la partie inférieure de la coupe, évoquant une texture de proto-schlieren bien qu’elles ne soient pas directement en contact.
Une des branches de l’accident régional N165 recoupant le flanc ouest affecte la base de la coupe Buri 2015 au niveau des échantillons 15OM191 et 190 (Figure 6.37). En ces sites on observe de nombreuses diaclases d’orientation N165.45SW (Figure 6.44B), associées localement à des traces d’intenses circulations hydrothermales. La déformation associée est faible, attestée par l’absence de mylonite. La branche N155 passant entre les échantillons 15OM102 et 103 de la coupe d’Arrière-Tuff 2 recoupe ici Buri 2015 au niveau de 15OM186. Les échantillons récoltés dans cette zone présentent des craquelures dans les grains d’olivine et une texture recristallisée moins visible. Cette faille N155 se connecte par la suite à l’accident N165 entre Buri 2015 et la coupe de Buri 2 (Figures 6.37 et 6.45).
Une seconde faille majeure N165 passe entre 15OM185 et 184, responsable du même effet sur leur texture de l’olivine. Une nouvelle fois ces deux failles majeures semblent avoir un effet sur la répartition des faciès pétrographiques, contraignant la répartition de l’unité inférieure faiblement imprégnée. Enfin, deux failles mineures N165 passent au niveau des échantillons 15OM184 (1014 m) et 15OM177 (1075 m).
La coupe de Buri 2
Le même saut topographique séparant les coupes d’Arrière-Tuff 1 et d’Arrière-Buri 2 est observé entre Buri 2015 en Buri 2, marquant le passage du plateau de Maqsad à la crête dunitique Tuff-Buri. Une différence d’altitude absolue d’environ 250 m sépare les bases de ces deux coupes espacées de km (sommet) à 2 km (base) (Figure 6.45). La coupe de Buri 2 est la plus épaisse ayant été échantillonnée, 400 m d’épaisseur entre 685 (16OM32) et 1072 m (16OM31) (Figure 6.46). De ce fait son sommet n’est plus bas que d’une quarantaine de mètres par rapport à Buri 2015.
Les harzburgites n’affleurent pas à la base de cette coupe mais apparaissent légèrement plus à l’ouest d’après la carte géologique de la région (Rabu et al., 1986), au-delà d’une faille régionale N165 (Figure 6.17). La moitié inférieure de la coupe, de 16OM34 à 16OM09 (697 à 837 m), est faite de dunites pures localement riches en schlierens de chromite (16OM41) ou comprenant un banc de chromitite massif (16OM38) (Figure 6.46). Ces échantillons sont parfois assez riches en petits diopsides interstitiels. A partir de l’échantillon 16OM10 (849 m) et jusqu’au sommet de la coupe (16OM31 – 1072 m), la moitié supérieure contraste fortement avec l’unité inférieure avec une forte présence de plagioclase et clinopyroxène. Le plagioclase apparait progressivement en passées irrégulières, parfois en front d’imprégnation, et est légèrement plus abondant que le clinopyroxène en milieu de coupe de 16OM11 à 16OM22 (854 à 978 m). Le clinopyroxène est quant à lui prépondérant dans le dernier quart de coupe, à partir de 16OM23 (995 m). Certains échantillons présentent des compositions modales de troctolites à pyroxène (16OM15B) ou de wehrlites à plagioclase (16OM24B)avec plus de 30 % de phases d’imprégnation.
L’observation des lames minces a révélé la présence d’orthopyroxène sur l’ensemble de la section supérieure imprégnée. Il est cependant plus abondant à partir de 16OM24, correspondant à la partie la plus supérieure également plus riche en clinopyroxène (Figure 6.46). Le grenat est quant à lui majoritairement restreint à la section dans laquelle le plagioclase est prépondérant. L’amphibole magmatique est inégalement répartie, présente aussi bien en très faible quantité dans les dunites à schlierens de chromite de la moitié inférieure ou dans certains échantillons imprégnés de la partie supérieure.
La coupe de Buri 1
La coupe de Buri 1 a été levée au coeur du flanc ouest de 686 (16OM85) à 1027 m (16OM63) (Figure 6.45). Cette coupe présente des faciès imprégnés de plagioclase et de clinopyroxène dans son intégralité ; seules de rares dunites pures ont été échantillonnées. La base comprend des dunites imprégnées dont le clinopyroxène présente une texture fluidale similaire à celle observée dans les passées wehrlitiques à la base des coupes d’Arrière-Tuff 1 et d’Arrière-Tuff 2 (16OM85 à 16OM82 – 686 à 706 m) (Figure 6.48). Regroupés sous forme de cristaux accolés et orientés, la concentration de ces clinopyroxènes amène localement à des compositions modales de pyroxénite (16OM82). Au delà de l’échantillon 16OM56 (897 m), la quantité en plagioclase diminue au profit du clinopyroxène. Une intrusion troctolitique décamétrique chapeaute le sommet de coupe, mise en place dans un encaissant dunitique très imprégnée de plagioclase (Figure 6.48).
L’examen pétrographique a permis de mettre en évidence une zone particulièrement riche en amphibole magmatique de l’échantillon 16OM78 (734 m) à 16OM74 (772 m). La section s’étendant de 16OM56 (897 m) à 16OM60 (942 m) contient également quelques pourcents d’orthopyroxène. Les grenats sont quant à eux répartis de manière hétérogène tout au long de la coupe.
Les deux branches du système de failles N155-N170 recoupant le flanc ouest se rejoignent entre les coupes de Buri 1 et Buri 2014 située plus au nord. La branche principale, recoupant Buri 2 aux sites 16OM40 et 41, recoupe ici Buri 1 selon une direction N170.85E une dizaine de mètres au-dessus du site 16OM82. Les fractures extensives sont régulièrement espacées d’une vingtaine de centimètre et un petit crochon mets en évidence le jeu normal de cette faille. La deuxième branche est observée au niveau du site 16OM80 (726 m). Puissant d’une dizaine de mètres, le coeur de faille expose une passée très serpentinisée sur une trentaine de centimètres, parfois en association avec des carbonates (Figure 6.49A), ainsi que des blocs dunitiques séparés par des lits serpentineux (Figure 6.49B). L’orientation mesurée dans le coeur de faille est N160.85E. Cependant, différents plans N160.55SW ont également été observés au sein de la dunite encaissante irrégulièrement fracturée. L’étude de la zone n’a montré aucun jeu décrochant clair, indiquant uniquement une absence de fort cisaillement avec la préservation de nombreux blocs de dunites dans le coeur de faille.
D’autres failles N170 à N-S de moindre importance présentent un pendage plus raide, 80W (16OM84, 695 m), vertical (16OM75, 760 m) ou encore 85E (16OM47, 780 m ; 16OM61, 954 m). Les failles mineures N-S, décalant localement les filons ont en revanche un pendage similaire, d’une soixantaine de degrés vers le SW. Le décalage des filons gabbroïques est dextre avec des mouvements limités à quelques dizaines de centimètres (Figure 6.49C).
Deux failles majeures N130.65SW et 55SW interrompent la coupe au niveau des échantillons 16OM48 et 49 (795 m) et entre 16OM55 et 56 (895 m) respectivement. Malgré un plan de faille très lisse pour l’accident N130.55SW, marqué par l’absence de stries, les rares gradins visibles suggèrent un mouvement normal avec le glissement du bloc SW sur le bloc NE. Une brèche tectonique faite d’éléments dunitiques compris dans une matrice à carbonates et serpentines tapisse la base du toit de faille sur environ deux mètres d’épaisseur (Figure 6.49D).
La coupe de Buri 2014
La coupe de Buri 2014 est la plus septentrionale du flanc ouest avant la coupe terminale de Buri Nord, s’étalant entre 635 (16OM153) et 930 m (14OM105). Echantillonnée en février 2014, elle a fait état d’observations plus fines au cours des campagnes de mars-avril 2015 et de janvier 2016.
Le wadi dans lequel a démarré l’échantillonnage de la coupe de Buri 2014 ne donne pas accès aux harzburgites. La base de la coupe est faite de quelques mètres d’alternances de dunites et de wehrlites ayant le même faciès que les wehrlites observées à la base des coupes de Buri 1 et d’Arrière-Tuff (14OM101, 16OM153 et 154) (Figure 6.50). Quelques mètres plus bas un dyke de chromitite et des plaquages et schlierens associés ont été observés (15OM08). La coupe est ensuite clairement structurée en trois portions : 1) de 14OM124 à 14OM112 (637 à 824 m) les échantillons de dunite prélevés sont exempts d’imprégnation magmatique. De rares très petits grains de clinopyroxène (de l’ordre de la centaine de microns) sont localisés en position interstitielle entre les gros grains (millimétriques) d’olivine recristallisée (texture mosaïque avec jonctions triples à 120°). L’absence de plage de clinopyroxène bien développée amène à classer ces dunites comme des dunites pures ; 2) à partir de
14OM111 (842 m) le clinopyroxène apparait en quantité variable et le plagioclase est rare ; 3) à partir de 15OM06 (859 m) et jusqu’à 14OM105 (930 m) le plagioclase apparait plus abondant et les imprégnations plus nombreuses, amenant localement à des compositions modales de troctolites ou wehrlites (Figure 6.50). Cette organisation verticale se rapproche assez de la coupe de Buri 2 (Figure 6.46). La texture est variable pour ce haut de coupe. Certains échantillons présentent malgré les imprégnations une texture bien recristallisée. Au contraire, d’autres échantillons présentent une texture intermédiaire entre recristallisée – avec des reliques de jonctions triples à 120° entre les olivines – et cumulative avec quelques olivines clairement automorphes. Cette texture correspond aux échantillons les plus imprégnés, à la fois de plagioclase et de clinopyroxène. L’aspect automorphe des olivines est bien exprimé du fait qu’elles sont isolées les unes des autres par les phases d’imprégnation.
L’examen pétrographique a mis en évidence une quantité importante de diopsides interstitiels pour les dunites pures avec une abondance croissante en montant dans la section. Ils deviennent ensuite plus rares pour le haut de coupe. De l’amphibole magmatique a été observée dans quelques échantillons, notamment 14OM111A. Des imprégnations d’orthopyroxène apparaissent à partir de l’échantillon 15OM06 (859 m) et ne concernent que le haut de coupe au-dessus de cet échantillon. Leur quantité est variable et n’est pas corrélée au degré d’imprégnation. Il a en effet été observé à la fois dans les échantillons moyennement imprégnés (texture de recristallisation) et fortement imprégnés (texture intermédiaire). La lame mince de l’échantillon 15OM02A montre la plus forte proportion en orthopyroxène observée au sein de la zone de transition dunitique le long du paléo-axe de dorsale, atteignant ~ 15% (Figure 6.50).
Plusieurs intrusions troctolitiques décimétriques sont localisées dans la partie supérieure de la coupe.
L’examen pétrographique a également révélé la présence d’orthopyroxène, à la fois au niveau des épontes au contact avec les dunites mais aussi dans la masse. Les contacts entre troctolites et dunites encaissantes sont faits de troctolites pegmatitiques, occasionnellement cisaillées dans un régime plastique parallèlement aux contacts. Les troctolites ont toutes une texture purement cumulative contrairement aux dunites environnantes.