Pathologies liées au Cytomégalovirus humain
Asymptomatique chez l’adulte immunocompétent, l’infection par le hCMV peut induire de graves pathologies chez les patients immunodéprimés ou chez le foetus en cours de grossesse.
L’histoire naturelle de l’infection débute par une primo-infection via différents modes de transmission (fluides biologiques, iatrogène…) qui va induire une virémie. En cours de primoinfection non contrôlée, le virus va passer de manière transitoire en phase de réplication active (productive) avant de débuter une phase de latence (Gandhi & Khanna, 2004). En effet, le hCMV appartient à la famille des Herpesviridae et possède donc la capacité de rester latent durant de longues périodes au sein de cellules réservoirs, présentant une transcription virale minimale et de fait se maintient « caché » du système immunitaire de l’hôte. Certains évènements immuno-déprimants (maladies, immunodépression pré-greffe induite, état d’immunosuppression relative lors de la grossesse) peuvent alors induire une sortie de phase delatence, et une réactivation virale avec un cycle de réplication active (Forte et al., 2020). D’autres part, les souches de hCMV étant nombreuses, il existe des cas de réinfections possibles avec une souche différente de celle de la primo-infection. L’histoire naturelle de l’infection par le hCMV et ses différentes étapes est illustrée dans la Figure 2 ci-dessous.
Modes de transmission
Le hCMV est excrété dans de nombreux liquides et fluides biologiques : sang, urines, selles, larmes, salive, mucus nasal, sécrétions cervico-vaginales, sperme et lait maternel. Les modes de transmission peuvent donc être très variables. Le taux d’excrétion virale est variable en fonction du statut du patient infecté, l’excrétion virale sera importante en phase de primo infection ou de réactivation lorsque la réplication virale est active, mais très faible voire nulle en phase de latence. On assiste par exemple à une forte excrétion virale lors de la primoinfection chez des jeunes enfants, mais également chez des personnes âgées qui, dans un contexte d’immunodépression, subissent une réactivation virale souvent asymptomatique mais productive. Il existe une transmission horizontale fréquente chez les jeunes enfants lors du début de la vie en communauté via les sécrétions nasales et la salive (entre jeunes enfants, ou vers l’entourage proche). Cette phase de primo-infection à forte excrétion virale est responsable d’une grande part des séroconversions dans la population générale dans des pays dits développés (Cannon et al., 2014). La séroconversion en cours de grossesse est notamment fréquente chez les patientes séronégatives multipares, dont l’enfant aîné débute sa vie en collectivité.
Modes de transmission
Le hCMV est excrété dans de nombreux liquides et fluides biologiques : sang, urines, selles, larmes, salive, mucus nasal, sécrétions cervico-vaginales, sperme et lait maternel. Les modes de transmission peuvent donc être très variables. Le taux d’excrétion virale est variable en fonction du statut du patientinfecté, l’excrétion virale sera importante en phase de primo infection ou de réactivation lorsque la réplication virale est active, mais très faible voire nulle en phase de latence. On assiste par exemple à une forte excrétion virale lors de la primoinfection chez des jeunes enfants, mais également chez des personnes âgées qui, dans un contexte d’immunodépression, subissent une réactivation virale souvent asymptomatique mais productive. Il existe une transmission horizontale fréquente chez les jeunes enfants lors du débutde la vie en communauté via les sécrétions nasales et la salive (entre jeunes enfants, ou vers l’entourage proche). Cette phase de primo-infection à forte excrétion virale est responsable d’une grande part des séroconversions dans la population générale dans des pays dits développés (Cannon et al., 2014). La séroconversion en cours de grossesse est notamment fréquente chez les patientes séronégatives multipares, dont l’enfant aîné débute sa vie en collectivité.
Génome viral
Le génome du hCMV est une molécule d’ADN linéaire double brin de longue taille (≈235 kpb). Il n’existe pas de consensus sur le nombre de cadres de lecture total du virus, ni sur le nombre de protéines produites. En effet, les processus de transcription du hCMV sont variés et complexes, notamment en fonction des types cellulaires ou des états d’infection (productive ou latente) (Gatherer et al., 2011). Le nombre minimal de cadres de lecture ouverts admis jusqu’à récemment était de 200. En 2012, Stren-Ginossar et al. ont montré par des méthodes d’analyse de transcrits que le hCMV pouvait présenter plus de 700 cadres de lecture (Stern- Ginossar et al., 2012). Le génome du hCMV possède deux régions uniques : une région unique longue (Unique Long : UL) et une région courte (Unique Short : US). De part et d’autre on retrouve les séquences terminales répétées (Terminal Repeat TR) : respectivement TRS côté US et TRL côté UL. L’assemblage entre les séquences US et UL se fait par une répétition inversée de TRL et TRS : IRL et IRS (internal repeat long : IRL et internal repeat short : IRS). Cette organisation du génome est présentée de manière schélatique dans la figure 4. Le nom des gènes issus des cadres de lecture est défini selon leur position dans les différentes séquences (UL1, US1…) (Mocarski Jr., 2007).
Cycle viral
Cycle viral réplicatif
La biologie du hCMV in vivo alterne des cycles réplicatifs, des phases de latence et des épisodes de réactivation.
Au cours d’un cycle viral classique d’une primo-infection, les particules virales de hCMV interagissent via leurs glycoprotéines virales avec des récepteurs cellulaires conduisant à leur internalisation (Figure 5.1). Le contenu du tégument ainsi que la capside sont relargués dans le cytosol. Certaines protéines virales débutent immédiatement leur rôle immunorégulateur et promoteur de réplication virale (Figure 5.2). La capside est transportée dans le noyau cellulaire et y largue le génome qui y est alors circularisé (Figure 5.3).
L’expression des gènes viraux débute par les gènes très précoces IE (Immediate Early), suivis des gènes retardés précoces DE (Delayed Early) et enfin les gènes tardifs L (Late). L’expression des gènes tardifs induit dans le noyau l’assemblage génomique au sein des capsides puis leur sortie dans le cytosol. Au sein du cytosol la capside s’associe aux protéines du tégument néoformées et cette structure immature est dirigée vers l’usine d’assemblage virale (sites d’assemblages intracellulaires formés notamment par l’appareil de Golgi et le complexe endosomal) (Figure 5 .4). La capside s’additionne alors d’autres protéines du tégument et s’entoure de l’enveloppe virale par bourgeonnement dans des vésicules intracellulaires de l’usine d’assemblage virale. Les particules virales complètes (capside comprenant le matériel génétique viral, protéines du tégument virales et cellulaires et enveloppe) sont alors sécrétées dans le milieu extracellulaire (Figure 5.5) (Beltran & Cristea, 2014; Crough & Khanna, 2009).
Phase d’entrée
La phase d’entrée du virion dans la cellule se compose de plusieurs étapes. L’entrée virale peut se faire par fusion des membranes virales et cellulaires à la surface ou après un processus d’endocytose. En premier lieu l’interaction entre la particule virale et la cellule est non spécifique (notamment via des héparane-sulfates). La liaison devient spécifique via la fixation à des récepteurs, variables selon le type cellulaire (PDGFR-a, EGF-R, DC-SIGN, TLR- 2…). Les glycoprotéines virales (gB, gH, complexe pentamérique) se lient alors avec des intégrines et initient la signalisation cellulaire conduisant à l’internalisation du virion. La fixation des glycoprotéines virales sur des récepteurs cellulaires variés (TLR…) peut induire avant même l’internalisation du virion des effets immuno-régulateurs ou immuno23 manipulateurs. Les glycoprotéines virales sont hautement conservées, elles sont essentielles à la fusion et l’entrée virale (Gardner & Tortorella, 2016; Vanarsdall & Johnson, 2012).
La fusion de l’enveloppe virale avec la membrane plasmique induit la libération dans le cytosol de la capside virale et du tégument. Les protéines présentes dans le tégument peuvent être d’origine virale mais également d’origine cellulaire (incluses dans la particule virale au moment de son enveloppement dans la cellule d’origine productrice du virion). Ces protéines du tégument relarguées dans le cytosol peuvent avoir un effet immédiat dès la fusion avec la cellule cible, notamment au niveau immun, en modifiant la signalisation cellulaire ou en facilitant la transcription virale via un adressage au noyau de la capside (Figure 6). Des protéines virales sont également adressées au noyau indépendamment de la capside. Deux protéines virales abondantes dans le tégument, pp65 et pp71, jouent un rôle respectivement dans l’évasion immunitaire et dans la mise en place de l’expression des gènes IE (ces protéines jouent également un rôle aux phases plus tardives du cycle viral) (Kalejta, 2008).
Phase très précoce
La phase très précoce de réplication virale résulte en la production des protéines IE (Immediate Early), impliquées dans des processus variés, notamment la mise en place de la transcription virale ainsi que l’instauration d’un environnement cellulaire propice à la réplication virale. Les deux phosphoprotéines nucléaires essentielles de cette phase, IE1 (72 kDa) et IE2 (86 kDa), sont sous le contrôle du MIEP (Major Immediate Early Promotor). Les rôles de IE1/2 sont variés : elles favorisent la réplication virale et la transcription de gènes viraux, elles modulent la transcription des gènes hôtes (notamment à visée immunotolérante) et inhibent le cycle cellulaire ainsi que l’entrée en apoptose. IE1 inhibe notamment l’activité méthyl transférase de ND10 et maintient ainsi un contexte chromatinien permissif à la réplication virale. IE1 et IE2 participent également à la tolérance immunitaire de la cellule cible, respectivement en diminuant l’ampleur de la réponse aux interférons et en inhibant la production de cytokines proinflammatoires (Paulus & Nevels, 2009). IE1 et IE2 ne jouent pas seulement un rôle dans le cycle viral réplicatif mais également au cours de l’initiation et du maintien de la latence.
D’autres protéines produites au cours de la phase très précoce, comme IRS1 et TRS1, limitent via une inactivation de la protéine kinase R la réponse cellulaire aux interférons et ainsi l’apoptose (Braggin et al., 2016).
Phase précoce
Les protéines synthétisées au cours de la phase précoce sont majoritairement impliquées dans la transcription virale (initiation de la réplication ADN-polymérase) afin d’amplifier le génome viral. En parallèle les gènes Early codent également pour des protéines « du tégument » comme pp65, pp71, pp150 pUL48 qui jouent des rôles de modulation immunitaire (pp65, pp71), et qui sont essentielles pour l’entrée virale et doivent être inclues dans les virions néoformés (Kalejta & Albright, 2020; Tomtishen III, 2012).
Phase tardive
La phase tardive correspond à la phase finale d’assemblage des néo-virions. C’est à cette phase que sont produites les protéines structurales capsidiques nécessaires à la formation des capsides et de leurs protéines associées. Les capsides sont assemblées au sein du noyau puis transportées vers le cytoplasme où elles rejoignent le complexe d’assemblage viral. Les protéines Late produites jouent des rôles dans le processus d’assemblage des particules virales au sein des usines virales et le mécanisme d’enveloppement par bourgeonnement au sein de vacuoles dérivant de l’appareil de Golgi (trans-Golgi network) (Homman-Loudiyi et al., 2003).
Au cours de l’enveloppement, des protéines virales, des protéines du tégument mais également des protéines cellulaires sont incluses dans l’espace tégumental entre la capside et l’enveloppe.
Les particules virales complètes sont alors sécrétées dans le milieu extracellulaire. On note que certaines particules virales non fonctionnelles, des corps denses, peuvent également être produites et stockées au sein de la cellule (cytomégalique) ou sécrétées, sans avoir de potentiel infectieux.
Réactivation
La latence virale est ponctuée d’épisodes de réactivation périodique, asymptomatiques pour le patient infecté, mais qui permettent la production de virions, une virémie et la transmission à d’autres hôtes, après quoi se remettra en place l’équilibre de persistance virale chez l’hôte infecté. Il peut également se présenter en cas d’immunosuppression un épisode de réactivation important, non contrôlé conduisant à des symptômes potentiellement létaux (Collins-McMillen et al., 2018). La réactivation a lieu au sein des macrophages ou des cellules dendritiques lors de la différenciation des progéniteurs myéloïdes (Figure 7) (Dupont & Reeves, 2016). La réactivation est également un mode fréquent de transmission materno-foetale chez les femmes séropositives pour hCMV, conduisant à des atteintes moins graves que les primoinfections mais importantes par leur nombre (sous-estimé) (Lanzieri et al., 2014).
A ce jour il n’est pas d’évènement connu qui déclencherait une réactivation du hCMV, il semblerait que l’initiation de la réactivation soit liée à un ensemble de processus viraux, cellulaires et dépendants de l’homéostasie de l’hôte. Tout évènement perturbant la relation virus-hôte (co-infection, switch immunitaire, traitement immunosuppresseur…) pourrait ainsi induire une rupture dans l’équilibre et provoquer une sortie de latence.
Infection congénitale à Cytomégalovirus humain
Epidémiologie de l’infection congénitale
La séroprévalence pour le hCMV est variable en fonction des zones géographiques, notamment selon l’état socio-économique. La séroprévalence peut aller de 50% de la population générale, dans les pays « du Nord », jusqu’à plus de 90% de la population générale dans des pays à plus faible niveau socio-économique (Cannon et al., 2010; Gkrania-Klotsas et al., 2013).
La séroprévalence au sein d’une population influe directement sur le risque de primoinfection, notamment en cours de grossesse, sur le risque de réactivation ainsi que sur le développement de pathologies associées (Gandhi & Khanna, 2004). La plupart des études de séroprévalence et de suivi des cas d’infection congénitale par le hCMV ont été réalisées dans des pays nord-américains et européens, et Lanzieri et al. concluent suite à leur méta-analyse que l’impact de l’infection congénitale par le hCMV dans les pays dits en voie de développement reste largement méconnu (Figure 8) (Lanzieri et al., 2014).
Généralités sur l’infection congénitale
L’infection congénitale se définit comme l’infection en cours de grossesse du foetus par le hCMV. L’infection maternelle est généralement asymptomatique, elle peut conduire à un syndrome pseudo-grippal non spécifique, mais les lésions foetales peuvent être majeures. Il existe deux modes de transmission du hCMV depuis la mère vers le foetus. La plus décrite est la transmission sanguine, via les échanges sanguins au sein du placenta suite à une virémie maternelle. Une transmission virale ascendante depuis la filière génitale (vagin, sécrétions cervico-vaginales) est théoriquement possible mais très difficile à monitorer (Forman et al., 2017). De manière générale l’histoire de l’infection est la suivante : infection ou réinfection ou réactivation chez la femme enceinte avec virémie, infection du placenta et réplication virale active au niveau placentaire, transmission du virus au foetus puis infection foetale suivie ou non d’atteintes foetales.
L’infection congénitale par le hCMV concerne en France entre 0,5 et 2% des naissances vivantes. Les infections sont plus rares et plus graves en péri-conceptionnel et au premier trimestre de grossesse. Certains auteurs retrouvent respectivement des pourcentages de transmission de 26%, 28% et 65% au premier, second et troisième trimestre de grossesse. En effet au premier trimestre l’embryon est en plein développement, la placentation est en cours et n’importe quel évènement peut activer la loi du « tout ou rien » et induire une fausse couche ou bien des lésions importantes. Au troisième trimestre de grossesse, les infections sont plus fréquentes, mais également moins pourvoyeuses d’atteintes péjoratives dans la mesure où l’organogénèse est plus avancée. Après une primo-infection au premier trimestre, entre 40% et 50% des nouveau-nés développeront des séquelles neurosensorielles (Figure 11) (Leruez-Ville et al., 2020).
Physiologie placentaire
Le bon fonctionnement placentaire est essentiel pour le maintien d’une grossesse physiologique et des échanges harmonieux entre la mère et l’embryon. Le placenta est un organe transitoire, qui va évoluer tout au long de la grossesse en parallèle de l’évolution foetale, avec une durée de vie optimale équivalente à celle de la grossesse : 9 mois.
Origine embryonnaire et modèles placentaires
Le placenta fait partie des annexes foetales, il possède le même matériel génétique quel’embryon (semi allogreffe temporaire pour la mère). Nous allons détailler rapidement le développement du placenta précoce afin d’y positionner les deux modèles de placenta utilisés dans ce travail de thèse.
Au stade blastocyste de l’embryon, la phase la plus précoce de l’implantation débute avec l’accolement dirigé du blastocyste sur l’endomètre. A partir du 6ème jour de développement débute la nidation, c’est-à-dire la pénétration active et totale de l’oeuf dans la muqueuse utérine.
C’est au cours de cette phase de nidation que débute la différenciation de certaines annexes embryonnaires et notamment le placenta précoce. On observe la différenciation d’une partie du trophoblaste en syncytiotrophoblaste qui envahit la muqueuse utérine, le reste du trophoblaste devient alors le cytotrophoblaste et sépare la masse embryonnaire du syncytio-trophoblaste. Le syncytio-trophoblaste lyse l’endomètre et entraîne avec lui l’oeuf jusqu’à son inclusion entière dans la muqueuse utérine en se creusant également de lacunes permettant une irrigation par le sang maternel. En suivant le stade lacunaire, les villosités primaires vont se mettre en place via la prolifération des cytotrophoblastes. Le mésoblaste extra-embryonnaire va les creuser pour former les villosités secondaires et enfin après mise en place de la vascularisation les villosités trophoblastiques tertiaires seront formées (3ème semaine). Les villosités tertiaires vont se multiplier et se développer jusqu’à la fin du troisième mois de grossesse, augmentant ainsi la surface d’échange entre les versants maternel et embryonnaire (Handschuh et al., 2007; Staun- Ram & Shalev, 2005).