L’émergence d’une nouvelle solution de financement : le capital-investissement

Les petites et moyennes entreprises : des moteurs du développement

Une croissance accélérée mais insuffisamment inclusive

Pendant la décennie 2000-2010, 6 parmi les 10 pays à la plus forte croissance étaient situés en Afrique Sub-saharienne1. Avec une croissance du PIB de 5% en moyenne par an, la région n’est devancée que par l’Asie de l’Est. L’Investissement Direct Etranger (IDE) a été multiplié par 6 depuis 2000 et les perceptions des investisseurs changent significativement : l’Afrique a même été identifiée par les professionnels du capital-investissement comme le marché émergent le plus attractif2. Ceux-ci ont réalisé plus de 8 milliards USD en transactions en 2014 sur le continent4.
La croissance des dix dernières années est portée par l’expansion rapide de nouveaux secteurs et par l’amélioration des opportunités pour une classe moyenne en expansion.
Elle bénéficie des tendances structurelles profondes que sont l’urbanisation, le développement de marchés intérieurs dynamiques, l’amélioration de la gouvernance et l’assainissement des fondamentaux macroéconomiques.
Néanmoins, elle reste principalement concentrée sur quelques secteurs (télécommunications, infrastructures, hydrocarbures, extraction minière, services financiers) et a encore peu touché les domaines les plus intensifs en main d’œuvre et à forte valeur ajoutée pour le continent (agroalimentaire, industrie manufacturière)5. Ainsi, seuls 3% des Africains sont aujourd’hui employés dans des entreprises manufacturières, contre 15% au Bangladesh par exemple6.
Par conséquent, les indicateurs de développement humain sont encore très fragiles, avec 46% de la population sub-saharienne qui vit en dessous du seuil de 1, 25 USD par jour et seulement 16% des Africains ayant accès à un salaire régulier7. Les pays les plus pauvres sont aussi confrontés à de fortes tensions sociales générées par la poussée démographique et le changement climatique, qui mettent une pression forte sur l’offre d’emploi et sur l’accès aux services de base.
Les troubles politiques des dernières années en Afrique de l’Ouest et Centrale trouvent souvent leurs causes dans ces facteurs de fragilisation des économies, et notamment dans la difficulté des jeunes à accéder à l’emploi8. Avec 125 millions d’Africains qui arrivent sur le marché du travail entre 2010 et 20209, les pouvoirs publics et les opérateurs économiques doivent trouver de nouvelles sources d’emplois durables, à la fois pour les travailleurs peu ou non qualifiés et pour les nouveaux diplômés qui arrivent sur le marché du travail.

Les PME créent des emplois nombreux et de qualité

L’augmentation des capacités productives et la création d’emplois durables par le secteur privé sont des conditions nécessaires pour la réduction de la pauvreté, pour la stabilisation politique et pour l’émergence économique du continent. Malheureusement, le secteur privé africain n’est pas suffisamment structuré pour créer de l’emploi à grande échelle. Seul un petit nombre de grandes entreprises formelles sont en mesure de créer des emplois de bonne qualité et durables. 84% de l’emploi reste assuré par un secteur informel à faible productivité10 (entreprises individuelles, petites exploitations agricoles) qui n’est pas assez structuré pour absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail. Les petites et moyennes entreprises (PME)11 formelles, piliers de la création d’emplois dans les pays développés et émergents, sont pour l’instant très rares : elles sont le « chaînon manquant » du tissu économique africain.
Or, les entreprises formelles créent des emplois non seulement avec des rémunérations supérieures au secteur informel (de 50% à 60% supérieures d’après une étude réalisée au Ghana et en Tanzanie)13, mais aussi plus sécurisés, donnant accès à des formations, à la sécurité sociale et surtout au paiement d’un salaire régulier14. En plus de son impact significatif sur les revenus, obtenir un emploi formel permet à une famille d’anticiper l’avenir, d’épargner et d’améliorer son accès au crédit, au logement et à l’éducation des enfants15. L’accès à l’emploi formel est un facteur déterminant pour la sortie de la pauvreté des travailleurs non qualifiés ; il permet aussi aux travailleurs qualifiés d’entrer dans la classe moyenne. Le développement d’un segment d’entreprises formelles et compétitives capables de créer des emplois est essentiel pour une croissance inclusive en Afrique.
L’Afrique Sub-Saharienne souffre de l’étroitesse de son tissu économique : on y compte si peu de PME qu’elles sont définies par leur absence : elles sont « le chaînon manquant » du secteur privé africain. Or, les PME sont une pièce essentielle du puzzle de la croissance inclusive en Afrique et le manque à gagner pour le continent est énorme.
Ce sont notamment les PME à fort potentiel d’aujourd’hui, qui construiront ce « chaînon » et deviendront les grandes entreprises formelles de demain. Nous définissons les PME à fort potentiel comme des sociétés d’au moins 5 employés gérées par un management qui a l’ambition et le potentiel de croître rapidement. Ces entreprises ont typiquement besoin d’investissements compris entre 20 000 USD et 2 million USD, ce qui les exclue des stratégies d’intervention de la grande majorité des investisseurs internationaux.
Notre recherche a conclu que la création d’emplois a été historiquement portée par un très petit nombre d’entreprises dans le monde développé : ce sont les 5 à 10% des entreprises les plus performantes qui y génèrent 50% à 80% de la création d’emplois16.
Ceci semble vrai également pour le monde émergent : en Indonésie, les 16% des entreprises à plus forte croissance créent 52% des emplois ; en Colombie les 8% des entreprises les plus performantes créent 46% des emplois.
Un des grands défis de la croissance inclusive en Afrique est d’identifier ces PME à fort potentiel et de leur offrir les capitaux et les compétences nécessaires pour les faire émerger. L’Aspen Network of Development Entrepreneurs (ANDE) soutient les organisations qui financent et accompagnent ces entreprises. Nous avons constaté avec satisfaction que le nombre d’acteurs au service des PME est en croissance constante, notamment en Afrique Sub-saharienne.
Malgré ces bonnes nouvelles, le segment des petites entreprises à fort potentiel reste très délaissé. Celles-ci ont la capacité et l’ambition de croître rapidement mais elles sont un peu plus jeunes, un peu moins structurées, et elles nécessitent des investissements généralement inférieurs à
500 000 USD. Elles sont beaucoup plus nombreuses que les entreprises moyennes déjà établies, mais très peu d’investisseurs sont capables de les accompagner. Financer ce segment des petites entreprises à fort potentiel est le plus grand défi du financement des PME aujourd’hui, et l’une des perspectives les plus prometteuses de l’impact investment en Afrique.

Des PME ralenties par des obstacles importants

Les petites entreprises à fort potentiel profitent du regain de croissance et du développement des marchés intérieurs ; elles regorgent de projets de croissance créateurs de valeur et d’emplois. Néanmoins, elles sont freinées dans leur expansion non seulement par les faiblesses générales de l’environnement des affaires en Afrique (infrastructures fragiles, etc.), mais en plus par trois obstacles qui les touchent en particulier : le manque de financements de long terme, l’accès limité aux compétences et des standards de gouvernance insuffisants.
L’accès au financement de long terme
Les petites entreprises souffrent d’un accès très limité au secteur financier formel en Afrique : plus de 40% d’entre elles citent l’accès au financement comme une contrainte majeure18 à leur croissance. Les institutions financières existantes sont peu outillées pour répondre à leurs besoins d’investissements de long terme.
Le secteur de la microfinance est en développement rapide en Afrique mais ses procédures standardisées (taux d’intérêts élevés, maturités courtes, prêts rarement supérieurs à 20 000 EUR) sont peu adaptées aux besoins des petites entreprises à fort potentiel et ne leur permettent pas d’investir sur le long terme.
Les banques commerciales se sont également multipliées sur le continent mais le profil des petites entreprises reste très éloigné de leurs cibles classiques, du fait de quatre facteurs structurels :
 Le manque de données financières fiables sur les petites entreprises et l’absence de centrales de risque efficaces.
 Un niveau de risque significatif, car les petites entreprises évoluent dans des environnements incertains et souvent fragiles. Le taux de prêts en souffrance est de 14,5% pour les petites entreprises africaines contre 5,5% en moyenne dans les pays en développement19.
 Un manque de fonds propres et de compétences internes au sein des petites entreprises pour mitiger ces risques.
 Des besoins de financement relativement faibles qui génèrent des coûts de transaction élevés pour les banques du fait du temps nécessaire pour instruire et suivre les dossiers de crédit.
Ces quatre facteurs augmentent à la fois le coût du financement et la perception du risque pour les banques commerciales. Celles-ci n’étant ni équipées ni incitées pour y répondre, elles réagissent en posant des conditions très strictes pour l’accès au financement :
 Garanties matérielles et en numéraire supérieures au montant du crédit.
 Apports de fonds propres importants.
 Taux d’intérêt élevés.
 Conditions de crédit rigides, avec notamment des différés de remboursements courts et des maturités courtes.
Rares sont les petites entreprises capables de s’adapter à ces conditions. Les banques restent pour la plupart mieux outillées pour financer les grandes entreprises formelles ou certains secteurs spécifiques (commerce, immobilier), ou bien pour financer les besoins de court terme des petites entreprises (découverts, fonds de roulement). Elles répondent encore difficilement à leurs besoins d’investissement de long terme. En Afrique, les crédits d’investissements aux petites entreprises ne représentent que 1,5% du crédit à l’économie, soit quatre fois moins que la moyenne des pays en développement20.
Enfin, l’investissement en fonds propres demeure peu structuré en Afrique, et principalement conduit par les amis ou la famille des entrepreneurs pour des montants très limités. Rares sont les réseaux structurés de « business angels » ou les sociétés d’investissement en mesure de financer un nombre important de petites entreprises. Cela est notamment dû au caractère encore naissant de l’industrie de l’investissement en capital, et à la rareté des modes de « sortie » classiques (voir section 2, 3.)

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