L’univers des pages personnelles approprié par le net.art de la valorisation à la médiation
L’appropriation des artefacts en contexte Web
La construction de l’univers des pages personnelles
Dans l’industrie des technologies, la recherche et le développement en conception et production d’artefacts techniques attribuent des rôles aux utilisateurs qu’ils visent (Akrich, 2008). Ces rôles sont attribués afin d’intégrer les utilisateurs à des processus d’innovation, et ainsi de mieux préparer l’artefact à l’usage. Les concepteurs sont toujours les premiers utilisateurs des objets qu’ils conçoivent, par le biais de tests et de débogages, mais aussi parce que nombre de ces outils sont d’abord destinés à la communauté.
Les utilisateurs sont ainsi un public visé, voire deviné, au-delà des besoins élémentaires de la communauté des concepteurs : leurs usages sont d’autant plus difficiles à définir que leur utilisation des artefacts ne peut être véritablement anticipée. L’utilisation prescrite est le plus souvent dépassée par les usages réels, pratiques, en contexte : « force est de reconnaître que les patterns d’usages effectivement stabilisés ne correspondent que rarement aux usages anticipés par les concepteurs » (Proulx, 2000). Jusqu’à maintenant, le développement de l’Internet était globalement pris en main par les usagers eux-mêmes, dans la logique du « public récursif » (3.1.2.4.B.). Mais l’arrivée du Web va changer la perspective : le public d’utilisateurs s’élargit jusqu’à atteindre les dimensions d’un public de consommateurs de technologies. Les années 1990 vont voir se creuser la séparation entre experts et amateurs en matière de technologies de réseau. Comment penser la créativité des usagers dans un tel contexte ?
Des appropriations composites : la reproductibilité des langages Web
Les théories de la conception, de l’innovation et de l’usage technique, que ce soit en sciences cognitives et ergonomie, ou en sociologie et en sciences sociales plus généralement, ont dégagé l’idée que l’appropriation par les utilisateurs visés était une continuation de l’innovation. L’approche instrumentale a intégré cette idée non seulement à ses descriptions du champ d’appropriation des objets techniques, mais aussi à l’élaboration de concepts d’analyse réinjectés (réappropriés, dans un sens) dans l’industrie elle-même : Au plan empirique, la grande variété des usages développés à partir d’un artefact donné témoigne de l’écart qui existe entre l’utilisation et l’appropriation des artefacts en situations et les usages prévus en conception. Cet écart, conceptualisé au sein de l’ergonomie de tradition francophone en termes de « prescrit/réel », est considéré dans l’approche instrumentale comme un indicateur du développement par les utilisateurs d’instruments au service de leurs activités, et une source pour la conception
— la conception se poursuivant dans l’usage. Cette proposition partagée au sein de différentes communautés scientifiques (participatory design, ingénierie concourante par ex.) conduit à envisager les processus de conception dans l’articulation étroite des contributions d’acteurs de statuts différenciés : utilisateurs, concepteurs, marketeurs, gestionnaires… L’enjeu est celui de la rencontre entre le « design-for-use » fruit de l’activité des concepteurs qui se traduit dans un artefact proposé à l’usage, et le « design-in-use » fruit de l’activité des utilisateurs qui se concrétise dans l’usage et les processus d’appropriation. (Folcher, 2005)
L’expression « beta test », utilisée couramment lors du lancement de produits informatiques sur le marché, résulte de la prise de conscience qu’un produit, terminées les phases de conception en interne, n’est pas pour autant achevé. Le temps du « beta test » est celui où l’on fournit des indications d’utilisation et l’on observe tous les comportements d’usage possibles, afin de bénéficier des meilleurs retours pour améliorer le produit, voire intégrer des idées nouvelles idées, imprévues, et suggérées par les usagers. Ces usagers, recrutés ou invités à participer au projet, sont en général motivés par le rôle qu’on leur donne à jouer. Cet esprit de participation positive et intentionnelle à des projets de conception technologique marque depuis ses débuts le développement du Web