Développer le secteur privé constitue à la fois un défi et un passage obligé pour les pays en voie de développement de notre époque dans cette ère de mondialisation et de globalisation. En effet la démarche de privatisation des entreprises publiques dans les pays en voie de développement notamment les pays africains a été amorcée dans les années 80 sous l’impulsion du groupe de la Banque mondiale, la promotion de l’entrepreneuriat en est une composante non négligeable étant donné que non seulement elle constitue un palliatif de chômage dû par la compression des personnels des entreprises privatisées mais elle contribue aussi à l’augmentation du PIB d’un pays.
Cette promotion de l’entrepreneuriat joue donc un double rôle : social et économique. Madagascar ne fait pas exception à cette situation. Nombreuses sont les actions initiées pour promouvoir la création d’unité de production (notamment les MPME) en l’occurrence de la création du Ministère de développement du secteur privé et de la privatisation, le renforcement et l’extension des appuis aux créateurs d’entreprise,… Cependant, tout cela n’a pas été encore suffisant. Créer une entreprise est déjà une initiative louable mais encore faut-il la rendre viable, rentable et pérenne. Promouvoir l’entrepreneuriat devient plus qu’une nécessité car on constate que 95% des entreprises privées formelles en 1997 sont de très petites et petites entreprises alors que 1,2% des entreprises (SQS) seulement sont à l’origine de 80% du PIB du système industriel formel. De ce fait, il est question de savoir quels sont les facteurs clés du succès de l’entrepreneuriat à Madagascar. C’est, d’ailleurs, l’objet du présent mémoire.
Approche théorique de l’entrepreneuriat
L’Entrepreneuriat et l’Entrepreneur
Définitions
La conception de l’entrepreneuriat change d’un auteur à un autre. Il peut se définir comme la création d’entreprise. Ce qui exclut l’acte entrepreneurial au niveau de la gestion de l’entreprise. Il se limite à la démarche jusqu’à la création de l’entreprise. Gartner soutient cette idée en affirmant comme suit : « entrepreneurship is the creation of new organizations. Entrepreneurship ends when the creation stage of the organizations ends ». Dans ce cas l’entrepreneur reste initiateur du projet.
D’un autre point de vue, l’entrepreneuriat peut inclure des démarches au-delà de la création d’entreprise. En terme plus simple, l’entrepreneuriat est la gestion de l’entreprise ainsi crée en vue de rentabiliser et de pérenniser ses activités grâce à l’apport comportemental individuel ou processus organisationnel innovateur de l’entrepreneur ; il est évident dans ce cas le rôle de dirigeant que doive assumer l’entrepreneur sans qu’il soit nécessairement un créateur.
Isabelle Guérin et David Vallat (2000), Ken Morse (1999), C Jean Bernard (1989), Gasse Yvon (1982), Shapero (1982), Schumpeter Joseph (1934) se rangent de ce côté. Prenons une à une leur définition.
Isabelle Guérin et David Vallat : « Au cours des différentes étapes de la création (anté-création, création et post-création), une même personne est successivement porteur de projet, créateur, entrepreneur ».
Le porteur de projet désigne la personne qui a une idée, un projet mais que cette idée n’est pas encore concretisée ; c’est la phase anté-création.
Le créateur est la personne qui décide de créer. En théorie la création consiste simplement en une déclaration d’existence de l’entreprise en tant qu’unité autonome juridiquement. Dans la pratique, la création est souvent progressive ; elle se fait par tâtonnements, par apprentissages successifs d’essais/erreurs, plusieurs mois parfois quelques années sont nécessaires avant que l’activité se révèle viable et trouve un rythme stable.
Enfin, on parle d’entrepreneur quand son activité se révèle viable. C’est la phase post création.
Ken Morse : « J’appelle entrepreneur une personne se lançant dans un projet sans avoir toutes les ressources (humaine, financière,…) pour le faire aboutir. Autrement dit, quelqu’un qui poursuit un objectif sans maîtriser d’abord les éléments nécessaires à sa réalisation ».
C Jean Bernard : « ce qui apparaît unique à l’approche entrepreneuriale, à l’innovation est qu’elle met en évidence l’apport comportemental individuel au processus organisationnel innovateur. Cet apport prend essentiellement deux formes : la contribution à la création d’une nouvelle organisation ou la contribution à un projet innovateur au sein d’une organisation existante. L’entrepreneuriat peut être défini comme une forme de comportement individuel orienté vers le changement organisationnel dans ce sens innovateur ».
Schumpeter Joseph : « The function of entrepreneurs is to reform or revolutionize the pattern of production by exploiting an invention or more generally an untried technological possibility for producing a new commodity or producing an old one in a new way by opening up a new outlet of products, by reorganizing an industry and so on. This function doesn’t essentially consist in either inventing anything or otherwise altering the conditions which the enterprise exploits. It consists in getting things done ».
Les courants de pensée en entrepreneuriat
De ces différentes définitions, on peut distinguer 2 courants de pensés en entrepreneuriat :
– L’approche par le trait
– L’approche par le comportement .
L’approche par le trait
L’approche par le trait ou «trait approaches» se focalise sur la personne de l’entrepreneur en cherchant à identifier les traits ou profils caractérisant les entrepreneurs aux non-entrepreneurs.
L’approche par les comportements
L’approche par les comportements ou «behavioural approaches» s’intéresse plutôt sur l’action ou le comportement de l’individu.
Actuellement, la tendance s’est convertit peu à peu à l’approche par le comportement. C’est ce que confirme J M Morin en disant : « L’entrepreneur évoque un personnage mythique initiateur d’une aventure économique. En cherchant à l’identifier, l’entrepreneur ne se réduit à aucun personnage précis. Ce n’est pas le créateur d’entreprise puisqu’il y a les héritiers méritants et les repreneurs performants. Ce n’est pas le propriétaire car il y a les dirigeants salariés, parfois brillants et puissants. Ce n’est pas non plus le chef d’entreprise (propriétaire ou salarié) quand l’esprit d’entreprise anime des gens qui n’occupent pas ou plus des fonctions de direction. Ces personnages évoqués cumulent en revanche souvent plusieurs fonctions : fondateur et propriétaire, propriétaire et dirigeant, dirigeant et salarié. Là est alors la solution. Il convient de cerner une fonction et non un personnage ».
Ceci nous emmène à faire la typologie de l’entrepreneur.
Typologie d’entrepreneur
La classification de l’entrepreneur peut se faire soit suivant son origine, la frontière où il opère ainsi que ses activités soit selon les aspirations et les buts des dirigeants ou encore selon le modèle de prise de décision des dirigeants.
Si on croise les trois dimensions origine/frontière/activité de l’entrepreneur, on peut distinguer cinq types d’entrepreneur : l’Etat entrepreneur, l’entrepreneur transnational, l’entrepreneur étranger, l’entrepreneur national, l’entrepreneur informel (C Albagli 1996). Abdelali E El Alami distingue à son tour : « l’entrepreneur national stratégique (Etat), les entrepreneurs locaux organisés (PME), les entrepreneurs locaux informels (SI) et les entrepreneurs étrangers ».
Si on croise les aspirations des dirigeants (pérennité et survie des affaires, indépendance et autonomie de décision, croissance et pouvoir) et leurs buts qui dépendent de leurs considérations personnelles et sociales (la culture propre au secteur d’activité, à l’environnement local ou national), deux types d’entrepreneurs peuvent être identifiés selon Michel Marchesnay (1986) : les entrepreneurs PIC (Pérennité, Indépendance, Croissance) et les entrepreneurs CAP (Croissance, Autonomie, Pérennité).
Les entrepreneurs PIC donnent la priorité à la pérennisation de leurs activités en y cantonnant des innovations éventuelles sur les procédés que sur les marchés. Leur logique d’action est une logique d’accumulation de patrimoine car leur désir d’indépendance se traduit par la volonté d’accumuler des actifs, de détenir un capital et d’éviter l’endettement long. La croissance n’est souvent acceptée que si elle remmet en cause leurs aspirations prioritaires.
Quant aux entrepreneurs CAP, ils ont comme premier objectif la croissance. On favorise les secteurs d’activités qui rapportent des marges de profits élevées même s’ils sont parfois risqués. Les CAP se préoccupent davantage de l’autonomie de décision que de la pérennité de l’organisation.
Cette typologie PIC/CAP bien qu’elle ne représente que de type extrême a le mérite de faire apparaître l’incohérence dans les buts des propriétaires dirigeants.
Miles et Snow proposent aussi quatre types d’entrepreneur selon leur comportement : les défenseurs, les explorateurs, les analyseurs (bifides) et les réactifs.
Les défenseurs ne cherchent pas de nouvelles opportunités à l’extérieur du domaine d’activité restreint de l’entreprise. Leur entreprise se caractérise par des couples produits/marchés étroitement limités, des dirigeants compétents dans leur domaine d’activité qui recherchent l’efficience dans les activités traditionnelles ; on y rencontre peu de mutations technologiques ni organisationnelles.
Les explorateurs, à la recherche d’opportunités commerciales permanentes, ils accordent la priorité à l’innovation au détriment de l’efficience. Ce sont des adeptes du changement au niveau de leur secteur d’activité.
Les bifides ou analyseurs recherchent l’efficience et profitent de l’expérience accumulée avec des structures et des procédures formalisées. Leur organisation est stable et évolutive car ils surveillent la concurrence tout en étant toujours en quête d’idées nouvelles.
Les réactifs sont sensibles aux changements et aux menaces de l’environnement sans qu’ils soient capables de les affronter à cause de l’incohérence de leurs choix stratégiques et organisationnels.
INTRODUCTION |