Phénotypage de la réparation de l’ADN de lignées Xeroderma pigmentosum

La molécule d’ADN

L’acide désoxyribonucléique (ADN) fut isolé pour la première fois par le physicien Suisse, Friedrich Miescher, en 1869, grâce à la découverte d’une substance microscopique non protéique et non lipidique contenue dans du pus, retrouvé sur des bandages usagés qu’il nomme alors la nucléine (Dahm 2005). En 1919, Phoebus Levene identifie la structure du nucléotide à savoir une association d’une base azotée, d’un sucre et d’un groupement phosphate (Levene 1919). La figure 1 présente l’enchaînement de quatre nucléotides. En 1953, des clichés de diffraction aux rayons X suggèrent une structure régulière hélicoïdale (Franklin et al., 1953). La même année, s’appuyant sur ces observations, Francis Crick et James Watson (Watson et al., 1953) proposent un modèle de structure en double hélice, antiparallèle, où les deux brins sont reliés par des liaisons hydrogène formées de façon spécifique entre deux bases azotées complémentaires Adénine-Thymine (A-T) ou Guanine-Cytosine (G-C) . Ils concluent également que l’hélice possède un diamètre uniforme de 2 nm et que les bases azotées sont empilées à des intervalles de 0,34 nm. A la fin des années 50, Meselson et Stahl démontrent que la réplication de l’ADN s’opère suivant un mode semi-conservatif (Meselson et al., 1958), comme le suggérait le modèle de Watson et Crick. Lorsque la double hélice est répliquée, chaque molécule fille possède un brin ancien et un brin nouvellement synthétisé. La découverte de l’ADN constitue une avancée majeure pour la science.
L’ADN est une molécule contenant l’information nécessaire au développement et au fonctionnement de tous les organismes vivants. L’ADN assure deux fonctions fondamentales à la vie : la transmission de l’information génétique, permettant ainsi l’hérédité, et la synthèse des protéines, composants essentiels dans le fonctionnement de quasiment tous les processus biologiques. Chez les Eucaryotes, l’ADN est localisé dans le noyau et les mitochondries. Chez l’Homme, le polymère d’ADN une fois déroulé mesure jusqu’à 1 m 60 ; il est donc sous une forme extrêmement compactée dans la cellule. Dans le noyau, le polymère est présent sous forme de chromatine. Cette structure est rendue possible par les nucléosomes, complexes ADN-protéines dans lequel l’hélice d’ADN est enroulée autour d’une protéine constituée de sous-unités appelées Histones. Avant la division cellulaire, la chromatine se condense sous forme de chromosome. Durant cette étape, le compactage de l’ADN est maximal.

Les lésions de l’ADN

Les différentes lésions présentées ci-après sont classées suivant la déformation de la double hélice qu’elles entraînent. Ainsi, les lésions sont regroupées artificiellement en fonction de leur taille dans les catégories « petites lésions » et « lésions volumineuses ». Les lésions de l’ADN, sont ainsi classées selon la déformation de la structure tridimensionnelle de la double hélice qu’elles entraînent. Ainsi, certains types de lésions sont plus déformants que d’autres, comme l’illustrent les températures de fusion d’oligonucléotides comportant des lésions. Par exemple, la température de fusion (Tm) d’un oligonucléotide dodécamère contenant une base oxydée (8-oxoG) chute de 2 °C (de 57 °C à 54,5 °C, dans des conditions salines de 100 mM NaCl) . En revanche, la température de fusion d’un oligonucléotide dodécamère contenant un photoproduit (photoproduit 6-4 entre deux thymines) chute de 28 °C (de 49 °C à 21 °C, conditions salines de 1 M NaCl). Or, plus la température de fusion est basse, moins l’hybridation des deux brins est stable. Ainsi, les photoproduits déforment plus la double hélice que la 8-oxoG.

Les conséquences cellulaires des lésions de l’ADN

Les différents dommages de l’ADN sont capables d’activer des points de contrôle (checkpoint) tout au long du cycle cellulaire. Les protéines Cdk (Cycline Dependent Kinases) sont les actrices de ces points de contrôle : grâce à leur action, la cellule ralentie ou arrête sa progression dans le cycle pour pouvoir répondre à l’agression subie par le génome. Les points de contrôle sont activés lorsqu’une lésion provoque un blocage de la réplication ou de la transcription. Etant donné la diversité des dommages, il est difficile de rationaliser le lien entre la nature du dommage et la fréquence des dommages, et l’activation d’un point de contrôle. Par exemple, les cassures doubles brins provoquent un arrêt du cycle cellulaire en G2/M . L’activité de la protéine ATM augmente extrêmement rapidement après une irradiation ionisante ; ATM joue le rôle de senseur des cassures doubles brins. Les photoproduits sont eux repérés par ATR. Ces senseurs activent ensuite des cascades de réactions où un grand nombre de facteurs interviennent. Plusieurs issues à ces cascades de réactions sont possibles selon la nature des dommages, leur fréquence, l’état physiologique de la cellule au moment de l’apparition du dommage . Tout d’abord, l’ADN peut être réparé par l’élimination du dommage pour retrouver une molécule d’ADN intacte. Un arrêt du cycle cellulaire est souvent nécessaire, pour que la cellule puisse réparer.

La réparation de l’ADN chez l’Homme

Il existe plusieurs mécanismes de réparation des lésions de l’ADN. Chaque mécanisme prend en charge un ensemble de lésions de l’ADN aux caractéristiques communes, mais des zones de recouvrement existent entre les différents voie de réparation c’est-à-dire qu’un type de lésion peut être réparé par plusieurs mécanismes.
Chez l’Homme, les bases alkylées de l’ADN comme l’O6-méthylguanine peuvent être réparées par la réversion directe, les mésappariements de bases sont eux pris en charge par le système MMR (MisMatch Repair) et les cassures doubles brins sont réparées par recombinaison homologue (HR) ou par la recombinaison non homologue des extrémités (NHEJ). Ces systèmes de réparation ne seront pas plus détaillés dans ce manuscrit, nous nous intéresserons, par ailleurs, largement à deux mécanismes d’excision-resynthèse (BER et NER) puisque ce sont les voies de réparation étudiées lors des tests in vitro, présentés dans ce travail.
Les sites abasiques, les bases oxydées, les bases alkylées, l’uracile dans l’ADN, les cassures simples brins sont des lésions de l’ADN prises en charge par le système d’excision de base (BER). Ce système de réparation consiste en un processus multienzymatique où la base endommagée est excisée puis une étape de resynthèse de l’ADN permet de reformer une molécule exempte de dommage.
Enfin, les adduits volumineux de l’ADN, les photoproduits ou les pontages intra et inter-brins sont, eux, réparés par le système d’excision de nucléotides (NER). Comme pour le système BER, le dommage est excisé puis il y a une resynthèse d’ADN. Un fragment de plusieurs nucléotides est, ici, excisé contrairement à ce qui se passe lors de la BER.

Table des matières

CHAPITRE I : Etude bibliographique
I. L’ADN, UNE MOLECULE FRAGILE ET REPAREE
A. LA MOLECULE D’ADN 
B. LES LESIONS DE L’ADN 
1. Les « petites » lésions de l’ADN
2. Les lésions volumineuses
3. Les cassures de chaîne
4. Les mésappariements de base
C. LES CONSEQUENCES CELLULAIRES DES LESIONS DE L’ADN
1. La réparation de l’ADN chez l’Homme
2. La mutagénèse et la cancérisation
3. L’apoptose
II. LA REPARATION DE L’ADN : DEUX MECANISMES D’EXCISION-RESYNTHESE (BER ET
NER) 
A. LA VISION CLASSIQUE DES MECANISMES DE REPARATION PAR EXCISION RESYNTHESE 
1. Réparation par excision de base : BER
2. Réparation par excision de nucléotides : NER
B. VOIES ALTERNATIVES
1. AP endonucléase et la voie NIR (Nucleotide Incision Repair)
2. La glycosylase NEIL, enzyme alternative pour la réparation des adduits et pontages inter-brins
3. Endonucléase V
C. INTERACTION ENTRE LES SYSTEMES DE REPARATION 
1. Rôle des protéines XP dans la réparation des dommages oxydatifs
2. Rôle des protéines CS dans la réparation des dommages oxydatifs : couplage de la BER et de la
transcription
III. LE XERODERMA PIGMENTOSUM 
A. SIGNES CLINIQUES ET ORIGINES DE LA MALADIE 
1. Description de la maladie
2. Les patients XP sont déficients pour la NER
3. Spécificités cliniques des différents groupes de complémentation
B. DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT 
C. REVUE SUR XPA 
1. Le gène XPA
2. La protéine XPA
3. Les différentes mutations dans le gène XPA
4. Le ou les rôle(s) de XPA
IV. METHODES POUR ETUDIER LA REPARATION DE L’ADN
A. TECHNIQUES D’IMAGERIE : REGARDER LA DISTRIBUTION DES PROTEINES DE REPARATION 
B. TESTS IN VIVO : MESURE D’ACTIVITES DE REPARATION AU SEIN DE LA CELLULE
1. Le test UDS (Unscheduled DNA Synthesis)
2. Le test HCR (Host Cell Reactivation)
C. TESTS IN VITRO : MESURE D’ACTIVITE DE REPARATION EN DEHORS DE LA CELLULE 
1. Du lysat cellulaire au système reconstitué de protéines purifiées
2. Utilisation de lysats cellulaires
3. Systèmes reconstitués avec des protéines purifiées
OBJECTIFS
CHAPITRE II : Résultats
Partie I Introduction
I. COMPARAISON DE NOTRE TEST AVEC LE TEST DE REFERENCE
II. LES CONTRAINTES DU TEST SUR LA PUCE PLASMIDE
III. DEFINITION ET ILLUSTRATION DES PARAMETRES MESURES SUR LA PUCE PLASMIDE
A. QUANTIFICATION DES SIGNAUX DE FLUORESCENCE
B. DEFINITION DU PHENOTYPE REPARATION
C. LE NIVEAU DE FLUORESCENCE DU PLASMIDE CONTROLE
IV. VARIABILITE DES INTENSITES DE FLUORESCENCE ENTRE LES EXPERIENCES
Partie II Etude préliminaire à partir du modèle HeLa siRNA
I. CARACTERISATION D’ACTIVITES DE REPARATION DE L’ADN AU NIVEAU BASAL
II. CARACTERISATION D’ACTIVITES DE REPARATION DE L’ADN EN REPONSE A UN TRAITEMENT GENOTOXIQUE 
A. SURVIE CELLULAIRE APRES UNE IRRADIATION UVB
B. ACTIVITE DE REPARATION DE L’ADN EN REPONSE A UNE IRRADIATION UV
Partie III Etude à partir de lignées de fibroblastes de patients XP
I. CARACTERISATION D’ACTIVITES DE REPARATION DE L’ADN AU NIVEAU BASAL
A. CARACTERISATION DES LYSATS CELLULAIRES
B. MESURE D’ACTIVITES D’EXCISION-RESYNTHESE
1. Excision-resynthèse d’un lysat nucléaire témoin
2. Caractérisation de phénotypes de réparation XPA et XPC
3. Profils de réparation obtenus à partir de cellules XPC-/-, XPD-/- et XPG-/-
4. Caractérisation de phénotypes de réparation XP avec des extraits totaux
C. EXCISION SEULE
1. Activités d’excision d’un lysat nucléaire témoin : détermination des conditions de concentrations
protéiques
2. Caractérisation de phénotypes d’excision XPA et XPC
II. CARACTERISATION D’ACTIVITES DE REPARATION DE L’ADN EN REPONSE A UN
TRAITEMENT GENOTOXIQUE 
A. REPONSE A UNE IRRADIATION UVB
1. Etudes préliminaires
2. Activité de réparation de l’ADN en réponse à une irradiation UV
3. Effet de la confluence des cellules au moment de l’irradiation
B. REPONSE A UN TRAITEMENT OXYDANT
1. Etude préliminaire
2. Excision-resynthèse en réponse à un traitement oxydant
CHAPITRE III Discussion
I. SPECIFICITES LIEES AUX MODELES CELLULAIRES UTILISES DANS CETTE ETUDE
II. INTERACTION ENTRE LES SYSTEMES DE REPARATION BER ET NER
III. LE NIVEAU BASAL D’EXCISION-RESYNTHESE
IV. REPONSE A UNE IRRADIATION UVB
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
CHAPITRE IV Matériels et Méthodes
I. PREPARATION DE L’ECHANTILLON 
A. CULTURE CELLULAIRE
1. Produits et matériels
2. Culture des HeLa siRNA
3. Culture des fibroblastes
4. Détection des mycoplasmes
5. Congélation de cellules
B. REPONSE CELLULAIRE FACE A UN TRAITEMENT GENOTOXIQUE
1. Irradiation UVB
2. Traitement à la riboflavine photo-excitée
3. Test de cytotoxicité
4. Récolte des cellules après un traitement génotoxique en vue de préparer des culots de cellules
II. EXPLOITATION DE L’ECHANTILLON
A. ETUDE DU CYCLE CELLULAIRE PAR CYTOMETRIE EN FLUX
B. ETUDE DE LA REPARATION
1. Préparation des lysats cellulaires
2. Dosage de protéines
3. Caractérisation des lysats vis à vis de la présence de la protéine XPA
4. Test de mesure d’activités de réparation sur support miniaturisé
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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