Le choix du constructivisme pragmatique

Le choix du constructivisme pragmatique

Le paradigme épistémologique constructiviste est composé de deux courants principaux, le constructivisme comme le conceptualisent Guba et Lincoln (1989, 1998) et le constructivisme pragmatique qui selon Avenier et Thomas (2012), a été théorisé par von Glaserfeld (1988, 2001) Positionnement épistémologique 149 puis développé par Le Moigne (1995, 2001, 2007). C’est ce dernier courant que nous choisissons. En effet, « (…) les connaissances développées dans celui-ci ne visent pas à décrire comment le réel peut fonctionner, mais à développer de l’intelligibilité dans les flux d’expériences humaines.

Autrement dit, elles expriment la manière dont le chercheur comprend que le réel fonctionne. Les critères de légitimation des connaissances sont leur adaptation fonctionnelle et leur viabilité pour cheminer dans le monde (von Glaserfeld, 2001). Ainsi ces connaissances doivent convenir à l’expérience du chercheur et des acteurs concernés, et leur offrir des repères viables pour agir intentionnellement par rapport au phénomène étudié. Ces connaissances sont exprimées sous forme de construction symboliques appelées représentations ou modélisations. » (Gavard- Perret et al., 2012, p.36).  

Implications méthodologiques

Les postulats sur lesquels repose le PECP induisent des choix méthodologiques. En effet, l’épistémologie au même titre que la logique est indissociable de la méthodologie : « Mais si la considération des méthodes est fondamentale, on ne peut cependant pas considérer la méthodologie comme une branche indépendante, possédant la même unité organique que la logique et l’épistémologie, et cela précisément parce qu’en traitant de ces deux dernières disciplines on se retrouve déjà constamment en présence de problèmes de méthodes. » (Piaget et al., 1967, p.8).

Pour Avenier (2011/3), toutes les méthodes herméneutiques, c’est-à-dire qui s’intéressent à l’analyse de contenu, et dialectiques sont mobilisables dès lors que trois principes fondamentaux sont respectés : – Adopter et justifier d’un comportement éthique. 152 – Expliquer clairement les hypothèses sur lesquelles se fondent la recherche et le processus d’élaboration des connaissances. – Adopter et justifier d’une rigueur critique dans la conduite du processus.

Ce point spécifique remet en question les résultats de la contribution de Charreire et Huault (2001) évaluant la mise en pratique du PECP dans 16 thèses de doctorat. En effet, ces dernières déplorent « (…) l’absence d’objets et d’objectifs de recherches propres au constructivisme, le manque de dispositifs méthodologiques spécifiques voire l’inadéquation entre l’instrumentation et le paradigme de référence. » (p.55). Toujours d’après Avenier (2011/3), tous les types de phénomènes peuvent être analysés par le prisme de ce paradigme épistémologique qui, tout comme le positivisme ou le réalisme, a une portée générale et permet un large spectre d’hypothèses de travail.

Le constructivisme pragmatique et la théorie du noyau d’Abric (1976)

Cette section vise à situer la manière dont la théorie des représentations sociales de Moscovici (1961) et son approche structurale que représente la théorie du noyau central d’Abric (1976), se positionnent épistémologiquement. Tout d’abord, nous souhaitons souligner la rareté des travaux de ce champ de recherche qui font état d’un quelconque positionnement épistémologique. Cette observation est aussi relevée par Garnier (2015) : « Il n’est pas toujours 153 évident de l’identifier [l’option constructiviste] dans les usages de la théorie faits par les chercheurs étant donné que rares sont les rapports de recherche qui clarifient les présupposés sur lesquels s’appuie leur démarche. » (p.28).

L’analyse la plus complète que nous avons trouvée est signée par Catherine Garnier en 2015. Dans cette dernière, l’auteure rattache dans un premier temps la théorie des représentations sociales au socio-constructivisme, qui selon cette dernière serait un constructivisme social : « Ainsi, toutes ces réflexions font nettement ressortir que le constructivisme dont il est question est résolument social, car il s’appuie sur le fait que la connaissance n’est pas une construction individuelle, mais qu’elle s’articule dans le social et au cours des interactions sociales. » (p.35) Pour Garnier, le socio-constructivisme est un paradigme épistémologique sur lequel se base les études théoriques et empiriques.

Or, selon Avenier et Thomas (2011), le socio-constructivisme n’est pas un paradigme épistémologique : « ces différents types de constructivismes [notamment le socioconstructivisme] sont des paradigmes méthodologiques ou sociologiques qui sont rarement attentifs à leur légitimation épistémologique et ne revendiquent pas particulièrement une légitimation épistémologique constructiviste. Ce ne sont pas des paradigmes épistémologiques. » (p.47). Toutefois selon cette citation, le socio-constructivisme peut tout à fait se positionner comme appartenant au PECP. C’est, d’après Garnier (2015) le cas de plusieurs courants de ce champ de recherche : « C’est dans ce contexte que les différents courants ont plus ou moins choisi la voie du constructivisme et du positionnement par rapport au social. » (p.30).

Voyons à présent comment la théorisation des représentations sociales se positionne par rapport aux hypothèses fondatrices du PECP. Si la focale est résolument sociale, l’hypothèse ontologique revendiquée par la théorisation des RS est en phase avec celle du PECP : « l’enjeu d’une étude inscrite dans le cadre théorique des représentations sociales n’est pas d’accéder à la réalité en tant que telle mais bien de comprendre comment les groupes sociaux se l’approprient. » (Roussiau et Le Blanc, 2001, p.33). Ainsi la question n’est pas de savoir si la réalité existe en soi mais bien de comprendre les représentations que les groupes sociaux s’en font.

Et ces représentations se construisent par les interactions sociales, ce qui renvoie à la première hypothèse épistémique. Pour Gonzàlès Rey (2002), les représentations sociales, en raison de leur aspect à la fois social mais aussi individuel (cf. chapitre 3) poussent les chercheurs à appréhender leurs démarches de recherche comme : « (…) un processus interactif, complexe, constructif et différencié. » (p.252). C’est la co-construction susmentionnée

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