L‟entrepreneuriat, associé généralement aux concepts de création d‟entreprises et d‟esprit d‟entreprise, montre un caractère plus complexe et multidisciplinaire. Actuellement, l‟entrepreneuriat devient l‟objet de plusieurs études surtout celles des grands organismes internationaux tels que l‟ONUDI, l‟OCDE et la Banque mondiale. « Promouvoir l‟entrepreneuriat devient indispensable tant pour les pays développés que pour les pays en développement » (ONUDI, 2003 ; OCDE, 2015 ; CNUCED, 2015). Mais pourquoi véhiculer une si grande importance à l‟entrepreneuriat ? Pourquoi promouvoir l‟entrepreneuriat plutôt que d‟autres phénomènes ? La réponse réside dans le fait que « l’entrepreneuriat, en ce qu’il crée des emplois, stimule la croissance économique et l’innovation, améliore les conditions sociales et contribue à répondre aux défis environnementaux et demeure ainsi important pour l’accomplissement des objectifs de développement durable » (CNUCED, 2015).
Notions et concepts de l’entrepreneuriat
Définitions
Le concept d‟entrepreneuriat est difficile à définir puisqu‟il se met dans un champ large et interdisciplinaire. En général, la littérature renvoie ce terme aux notions de créations et d‟esprit d‟entreprise. Pourtant, les termes « entreprise » et « esprit d‟entreprise » peuvent prendre toutes sortes de significations dans des contextes différents (Bridge, et al., 2003) donc celui-ci est complexe et sa définition ne peut pas se limiter à ces notions. C‟est pourquoi divers auteurs se sont plutôt penchés sur la définition des caractéristiques d‟ «un entrepreneur » que sur celles de l‟entrepreneuriat.
Faisant partie des définitions génériques de l‟entrepreneur, le dictionnaire n‟offre pas de précisions en définissant l‟entrepreneur comme celui qui entreprend quelque chose. Par ailleurs, Raymond W.Y.Kao et Tan WeeLiang considèrent l‟entrepreneur comme étant «un facteur de production, la personne qui met ensemble les autres facteurs (terrain, travail et capital)» et «une personne qui organise et gère une affaire» (Kao et Tan, 2001, p5). Dans une approche plus orthodoxe, l‟entrepreneur est la personne qui est à la direction d‟une entreprise et qui met en œuvre divers facteurs de production tels que les ressources naturelles, le travail et le capital en vue de produire des biens ou des services (Le petit robert, 1993, p782).
Mais comme dit auparavant, cette considération est trop étroite à laquelle il faut apporter d‟autres notions comme « le risque, l’innovation, l’art de la gestion, le talent, le savoir-faire » (Secretan, 1986) pour construire et motiver une équipe selon H.K. Secretan. Selon Julien et Marchesnay (1996), l‟acte d‟entrepreneuriat demeure la création d‟entreprise, l‟innovation en est le moteur, l‟entrepreneur est l‟acteur, le marché représente les opportunités et le milieu constitue l‟incitation à l‟entrepreneuriat. De ce point de vue, nous rejoignons l‟approche de Marsden (1991) qui identifie les entrepreneurs comme étant ceux qui « innovent et assument des risques. Ils emploient et dirigent de la main d’œuvre. Ils ouvrent des marchés et trouvent de nouvelles combinaisons de produits et de traitement de matières premières. Ils initient des changements et facilitent l’ajustement dans des économies dynamiques ».
A cela s‟ajoute aussi la notion d‟ordre selon lequel «L’entrepreneur agit, structure et engage ou met en scène son environnement à des fins socio-économiques […] Son action induit du changement et conduit à une modification partielle d’un ordre existant. L’entrepreneur construit son ordre. Celui-ci ne lui est profitable (pas seulement économiquement) que si l’ordre socio-économique dans lequel il s’insère y trouve également un intérêt et en tire de la valeur.» (Verstraete, 2001, p8). L‟entrepreneur serait alors celui qui innove en fonction des opportunités qui seprésentent dans le milieu où il se trouve, mais également celui qui organise enparallèle les ressources qui rendent possible la production et lacommercialisation de son idée, tout en lui permettant de trouver intérêt à la situation grâce au profit qu‟il réalise.
Les théories économiques de l’entrepreneuriat
Au départ, la présence d‟une théorie économique traitant l‟entrepreneuriat était encore très floue du fait que la pensée néoclassique a, pendant longtemps, empêché l‟émergence de tout intérêt pour l‟étude de l‟entrepreneur comme acteur de la prise de décision, en banalisant celle-ci, la réduisant à l‟application mécanique de règles mathématiques d‟optimisation. Mais d‟un autre côté, c‟est aussi dû à l‟approche subjectiviste de l‟école autrichienne qui a freiné l‟élaboration d‟une théorie de l‟entrepreneur en interdisant toute prédiction du comportement individuel (Casson M, 1991). Des réflexions sur l‟entrepreneur avaient toutefois été constatées avant que les théories classiques et néoclassiques ne relèguent le sujet à l‟arrièreplan. Ces réflexions n‟ont pas, pour autant, donné naissance à une véritable théorie de l‟entrepreneur. De ce fait, certaines d‟entre elles étaient encore empreintes de considérations morales, politiques ou religieuses. On peut à l‟instar parler de la pensée des mercantilistes vers le 16ème et le 17ème siècle alors que les entreprises privées agricoles, industrielles et commerciales ne commencèrent qu‟à se développer. Elle considère l‟entreprise comme un instrument permettant l‟accroissement des richesses valorisant ainsi les activités marchandes reconnues comme étant d‟intérêt public. Dans cette lignée de pensée, De Monchrétien A, en 1616, dit de l‟entrepreneur que c‟est « un individu qui passe contrat avec l’autorité publique pour assurer la réalisation de divers travaux ou d’une mission quelconque» (cité par Boutillier, Uzunidis, 1999, p23). Vu de la chaîne des idées, le 16ème siècle est marqué par l‟émergence de l‟individualisme et de la notion de souveraineté de la personne par rapport à la collectivité dans lesquelles les mercantilistes s‟aventurent jusqu‟à donner à l‟égoïsme le rôle d‟institution régulatrice de la société : un climat plutôt favorable aux projets entrepreneuriaux individuels. Cette idéologie mercantiliste est pourtant contradictoire à celle du Moyen-Âge prônant pour la condamnation du profit et de la cupidité. A cela se rejoignent les physiocrates représentés principalement par Quesnay F. qui stipule que l‟entrepreneur ne fait que superviser le travail d‟autrui et appartient à la « classe stérile » ou « improductive » (cité par Boutillier S et Uzunidis D, 1995, p15). Ce n‟est qu‟au début du 18ème siècle que les notions d‟entrepreneur et d‟entreprise deviennent des concepts théoriques, une époque où l‟économie représente une science indépendante (Vérin H., 1982) et l‟on observe le développement des échanges et de l‟entreprise pré-capitaliste.
En s‟appuyant sur une revue de la littérature depuis cette période, Cantillon, Say et Shumpeter s‟avèrent être les principaux origines et fondateurs de la théorie économique de l‟entrepreneur et leurs écrits permettent de soutirer l‟équation entrepreneuriale suivante : « Entrepreneur=incertitude+risque+innovation » (Boutillier et Uzunidis, 2015). Cantillon établit un lien entre entrepreneur, risque et incertitude en définissant l‟entrepreneur comme toute personne prenant le risque de mener une affaire commerciale à son propre compte dans le but de réaliser des profits, un agent économique qui supporte le risque inhérent à l‟économie de marché. L‟entrepreneur fait partie de la classe de ceux qui vivent dans l‟incertitude selon un ordre dicté par les exigences de la raison. Dès lors, l‟entreprise est définie comme étant une forme d‟intervention économique produite par un ordre ou une classe d‟entrepreneurs (Vérin H., 1982, p12).
INTRODUCTION |