Notations privées et systèmes de notation prudentielle
Les notations financières des agences privées
La notation est née au Etats Unis à la fin du 20ème siècle pour sécuriser le marché financier et constituer un outil d’aide à la décision d’investissement et d’accès au marché de capitaux. Cette activité s’est développée suite à la désintermédiation bancaire, permettant ainsi aux investisseurs d’accéder à des informations synthétiques sur le risque de défaillance d’un émetteur.
Objectifs et limites
Les agences de rating contribuent à atténuer les asymétries d’information qui existent entre l’emprunteur et l’investisseur et à limiter les phénomènes d’anti-sélection. Si la littérature sur leur rôle, notamment dans le cas des industries non bancaires, est abondante, elle est relativement peu développée sur le rating bancaire. Dans le cas particulier de l’industrie bancaire, l’information privée détenue par les banques sur les crédits distribués, Notations privées et systèmes de notation prudentielle 215 rend leur évaluation externe plus difficile et contribue à développer une opacité informationnelle : « Why do we regulate and protect banks? Why not leave it to the savers and investors who put their money in banks? The regulator’s rationale goes something like this: Banks are black boxes.
Money goes in, and money goes out, but the risks taken in the process of intermediation are hard to observe from outside the bank», Morgan (2002), p. 874. En théorie, la notation financière devrait contribuer à mieux appréhender les risques liés à l’opacité des bilans bancaires. Les agences de notation sont nombreuses au plan mondial mais seules trois agences dominent le marché, Fitch, Moody’s et Standard & Poor’s, Fitch se positionnant comme leader de la notation des établissements bancaires. Malgré l’essor du marché des émissions publiques, cette profession reste pour le moment dominée par ces trois grandes agences qui détiennent plus de 90% du marché. En conséquence, la structure oligopolistique61 du marché de la notation, assurée par des barrières à l’entrée de ce secteur suffisamment importantes, peut générer des dysfonctionnements (P. Raimbourg, 2003).
Tant que les agences ne subiront pas une véritable concurrence et ne seront pas sanctionnées pour leurs erreurs, la qualité de leurs prestations ne sera probablement pas améliorée (B. Einchengreen, 2008). Comme nous l’avons déjà souligné dans la première partie de notre étude, il convient cependant de noter que l’inclusion des agences privées dans le contrôle prudentiel nécessitera à terme une multiplication des agences de notation pour étendre les ratings à d’autres populations que les grands emprunteurs corporate et proposer des notations à des coûts raisonnables pour les prêteurs (Dietsch, 2003).
Méthodologie de la notation financière
Les agences de notation financière évaluent le risque crédit selon une méthodologie propre, méthodologie rendue ou non publique et conduisant à l’émission d’une opinion sous 61 Le lecteur intéressé par un développement sur la réglementation des agences de notation pourra se référer à Champsaur (2005). 216 forme de note. La typologie et les échelles de notation sont relativement similaires d’une agence à l’autre. Leur vision de l’entreprise et leurs méthodes sont relativement proches et très souvent, si l’une de ces agences dégrade la notation d’une entreprise, les autres agences font de même.
En dégradant la note d’un emprunteur, elles créent un phénomène cumulatif de fuite des investisseurs et renchérissent ainsi le coût de l’endettement, ce qui à terme peut justifier une nouvelle baisse de la notation. Acteurs incontournables de la réforme Bâle II dans l’évaluation du risque crédit, ces organismes fournissent donc un bien public en apportant un information cruciale sur l’exposition au risque, qu’il s’agisse d’une entreprise bancaire ou autre. Les agences de notation, pour être qualifiées et reconnues par le régulateur comme « organismes externes d’évaluation de crédit », doivent répondre à des critères stricts d’objectivité, d’indépendance, de fiabilité et de transparence de leur méthodologie (voir chapitre 2).
La notation résulte de l’analyse d’éléments quantitatifs et qualitatifs relatifs à la position actuelle et prévisible de l’entreprise dans son environnement de marché (position concurrentielle en termes de produits et de marché, stratégie de développement, etc.) et à la situation financière de cette entreprise (étude de la rentabilité, liquidité, gestion de la dette, capacité d’autofinancement et plus globalement de la politique financière). La note attribuée fait l’objet d’un suivi et l’agence procède à des examens réguliers de la situation de la société afin de confirmer ou de modifier la notation initialement attribuée. Chaque agence possède son propre système de notation. Schématiquement, les notes s’établissent de triple A à D avec des échelons intermédiaires. Les trois agences pratiquent deux types de notation : une notation de long terme, qui s’applique à l’endettement dont la maturité initiale est supérieure à un an, et une notation de court terme (maturité inférieure à un an). Les notes d’endettement à long terme sont composées de lettres majuscules chez Fitch et Standard & Poor’s, chez Moody’s, les lettres sont en majuscules et minuscules.
L’échelle de Fitch et S&P est affinée en ajoutant aux notes des signes + ou – signalant que l’émetteur se trouve plutôt dans le haut ou dans le bas de la classe attribuée. De manière semblable, l’échelle Moody’s affine chaque note d’un coefficient numérique 1, 2 ou 3 (à l’exception de Aaa). Ainsi, par exemple, Moody’s éclate la note Baa en Baa1, Baa2, Baa3. Les échelles de notation court terme sont beaucoup plus resserrées et comportent entre cinq et sept crans. Pour l’endettement à court terme, la terminologie est différente : « prime-1 » jusqu’à « prime- 217 3 », pour la catégorie investissement de Moody’s et « non prime » pour le spéculatif, correspondant à A-1+, A-1, A-2, A-3, puis B, C, D chez Standard & Poor’s et enfin à F1, F2, F3, puis B, C, D pour Fitch.
Chaque échelle de notation est scindée en deux catégories permettant de renseigner les investisseurs sur le niveau de risque, dans une optique d’investissement et de gestion de portefeuille. La catégorie « investment grade » recense les titres faisant courir un risque de crédit acceptable et la catégorie « spéculative grade » recense les valeurs présentant un risque de défaut significatif. Le tableau suivant synthétise la typologie des notes à long terme.