Contexte
Les thèmes de l’alimentation et de l’agriculture sont de plus en plus au cœur de la discussion internationale. Cela vient du fait que l’année 2008 a connu une crise alimentaire mondiale qui a laissé des traces jusqu’à aujourd’hui. L’assemblée générale des Nations Unies en septembre 2008 prévoit la prise de certaines mesures pour résoudre le problème posé par cette crise qui, paradoxalement, touche plus particulièrement les Pays En Développement (PED) qui, sont censés être les principaux producteurs en produits primaires.
Dans ces pays, dont l’Afrique, la prédominance du monde rural peut être un atout pour la lutte contre cette crise alimentaire mondiale. Ainsi, l’agriculture et l’élevage prennent de plus en plus de place dans les stratégies de la réduction de la pauvreté, d’autant plus que les bailleurs de fonds internationaux les accompagnent dans cette nouvelle option.
Le secteur agricole qui regroupe, rappelons-le, l’agriculture, l’élevage et la pêche, occupe une place prépondérante au sein de l’économie malgache et est le principal pourvoyeur de valeur ajoutée, le principal gisement d’emplois et l’un des principaux fournisseurs de devises, il contribue à la sécurité alimentaire du pays et des ménages. Ce secteur est actuellement secoué par les évolutions rapides des règles du commerce international des produits agricoles, auxquels il a du mal à s’adapter, bien qu’il dispose d’avantages comparatifs indéniables. Et pour conserver sa position, le secteur agricole malgache a besoin d’opérer un certain nombre de transformations. Celles-ci impliquent autant la population locale que les autorités locales car le développement de ce secteur doit être local pour être effectif.
Approche conceptuelle
La société paysanne selon Henri MENDRAS (1995)
L’économie paysanne a sa rationalité propre qui n’est pas celle de l’économie industrielle et marchande. La société villageoise d’interconnaissance recèle des formes variées de sociabilité qui peuvent être riches d’enseignement pour les sociétés urbanisées. Par leurs révoltes, leurs agitations et leurs poids politiques, les masses paysannes sont des acteurs déterminants du mouvement historique.
En même temps, en quelque lieu qu’on les étudie, les sociétés paysannes détiennent des traits et des mécanismes communs, qui autorisent à parler d’un «modèle » paysans d’économie, de société et de civilisation. Cette première tentative pour élaborer une théorie générale de la paysannerie utilise les données recueillies par historiens, géographes, ethnologues et les schémas d’analyses sociologiques et marxiens. En somme, au moment où, avec la révolution chinoise, les guerres paysannes du Sudest asiatique ou d’Amérique Latine et l’émergence politique du Tiers-monde, les nations industrielles redécouvrent brutalement que l’immense majorité de l’humanité demeure paysanne.
Il n’est surtout pas question de définir un « éternel » paysan, une « âme paysanne» pour tous les âges et toutes les sociétés. Bien au contraire, l’auteur s’attache à une société historiquement incarnée et définie, celle des paysans de l’Europe occidentale de l’an 1000 à l’an 2000. Il y a paysannerie, au sens très précis donné ici à ce terme, dès qu’apparaît une société englobante qui se différencie de la société rurale. C’est donc ce rapport, cette coexistence et les relations entre ces deux types de sociétés qui permettent de définir une paysannerie. Le paysan travaille pour se nourrir : voilà le fondement de toute théorie sur l’économie paysanne, son calcul économique s’exprime dans un système d’autoconsommation, qui commande le volume et la nature de production, comme le régime alimentaire, mais, dans le même temps, le paysan produit aussi pour les marchés de l’économie globale, soit en prélevant sur la production autoconsommée, soit en ajoutant des productions à son système d’autosubsistance.
L’exploitation agricole à Madagascar, selon Jean-Claude ROUVEYRAN (1966)
Un grand effort est fait dans les pays en voie de développement et à Madagascar en particulier, pour diffuser des techniques agricoles améliorées, cette vulgarisation se heurte à de nombreux obstacles, l’observation en est courante, les « résistances au progrès » sont imputées à la force des traditions, à la crainte de l’innovation, bref à des éléments socioculturels. Ceci est vrai dans une assez large mesure ; l’on tend néanmoins à négliger d’autres causes possibles ; la technique nouvelle proposée bouleversera des habitudes d’une entreprise, aussi rudimentaire soit-elle ; ces perturbations économiques prévisibles sont pensées, plus ou moins confusément, par le paysan, alors que, dans de très nombreux cas, l’encadreur agricole s’en préoccupe ; curieusement, un « dialogue de sourds » peut s’instaurer, dans lequel le moins bien informé n’est pas le paysan ; d’où un surcroît d’incompréhension.
Nous voulons montrer en quoi des études d’exploitations peuvent permettre d’éviter certaines erreurs par une connaissance plus juste de l’entreprise agricole et particulièrement de l’entreprise agricole confrontée avec le progrès. Une tendance fâcheuse consiste à assimiler « progrès » et « progrès technique » ; le «progrès » ne proviendrait que d’une amélioration des techniques et d’un accroissement consécutif des rendements ; cette conception est juste au niveau du pays, on comprend aisément pourquoi elle est fausse, expliquée à l’unité économique de base dont le revenu, sous quelque nature qu’il se trouve, est une différence entre des produits et des charges, le progrès techniques s’il accroît généralement les produits, accroît aussi les charges. Tout compte fait, cette conception est dangereuse car le risque est grand de suggérer, d’imposer peut être, une technique ou une amélioration dans les techniques qui ne soient pas suivies d’un progrès économiques, c’est-à-dire, pour simplifier, d’un accroissement du revenu net.
Problématique de la pauvreté et de la sous-alimentation selon Michel GRIFFON (2005)
La recherche a des difficultés à éclairer avec précision et perspicacité la problématique de la pauvreté et de la sous-alimentation. Il existe selon lui, cinq (5) aspects qui expliquent cette situation. D’abord, le « bousculade » épistémologique entre la nécessité d’agir rapidement (tout en faisant de la recherche), et la nécessité de comprendre (par la recherche et avec la finalité d’agir). Ensuite, cette problématique est vaste et complexe parce que pour la représenter et pour identifier des solutions, il faut recourir à un grand nombre de disciplines. Or dans presque tous les cas, les approches sont mono-disciplinaires et les disciplines débattent peu entre elles.
Puis, la relation entre la recherche et les sociétés, plus particulièrement les décideurs de ces sociétés est peu fréquente, dans les pays en développement, la recherche n’est pas souvent appelée à donner des avis à propos des politiques publiques, après, dans la plupart des pays qui souffrent de la faim et la sous-alimentation, il y a peu de recherches qui prennent en charge réellement cette problématique : la recherche qui le fait se trouve dans les pays industriels et dans quelques pays en développement comme l’Inde. Les pays les plus pauvres ont souvent sacrifié leur appareil de recherche peu de temps après l’avoir créé dès lors que les Etats ont connu de sévères crises financières dans les années quatre-vingt et quatre-vingt dix, cette situation peut mettre mal à l’aise dans leur collaboration, aussi bien les chercheurs du Nord engagés dans la recherche de solutions, que les chercheurs du Sud qui manquent de moyens.
Enfin, le dernier aspect est l’aspiration inévitable de la recherche finalisée vers l’édition de normes et de prescriptions, par exemple, la recherche peut être amenée à proposer des normes pour limiter les captures de poissons afin d’éviter l’épuisement des ressources, ou encore, à proposer des normes sanitaires dans la production pour protéger les consommateurs. Cette prescription est raisonnable mais elle s’oppose à une tendance comportementale lourde qui existe dans beaucoup de sociétés des Pays en développement où l’accroissement des revenus se traduit par une hausse rapide de la consommation.
De la pauvreté à la participation paysanne
Pauvreté
Définitions de la population pauvre
Avant d’entamer cette définition, il est plus judicieux de parler de la pauvreté. C’est un phénomène tant urbain que rural : 80% de la société rurale sont pauvres contre 54% en milieu urbain (selon l’INSTAT, 2005). La pauvreté peut être liée à plusieurs facteurs : économiques, sociaux,… . Les organismes de développement à Madagascar la lient à la situation économique d’un individu ou d’un ménage qui ne peut pas satisfaire ses besoins matériels (nourriture, vêtements, …) à cause d’un faible niveau de revenu. Elle se définit ainsi comme une incapacité à satisfaire les besoins primaires : la santé, la nourriture, les infrastructures,… et selon la perception des communautés, la première référence qui détermine la pauvreté est l’accès à la nourriture.
La population pauvre, c’est la partie de la population qui n’a pas d’accès suffisant et durable au revenu, c’est-à-dire elle ne peut pas satisfaire ses besoins fondamentaux. De plus, les pauvres sont ceux qui n’ont pas de « capacité à payer» ou tout simplement, les démunis. Ils représentent aussi, ceux qui ont un revenu insuffisant pour acheter le panier alimentaire quotidien de référence de 2133 Kilocalories par jour, ainsi que les besoins non alimentaires correspondants. Ce revenu est fixé à moins de 1$ US par jour (selon le PNUD, 1999).
Indicateurs de la pauvreté
– Dans le milieu urbain :
Les pauvres habitent surtout au niveau des bas quartiers ou dans la rue, leurs maisons présentent un aspect délabré, précaire et sans finition : murs en carton, en sachet ou en bois. La surface de l’habitation est faible par rapport à la taille du ménage et les conditions d’hygiène et de sécurité font défaut.
Le revenu mensuel est bas (inférieur au Salaire Minimum Garanti) et le type de travail du chef de ménage reste instable, il fait tout : porteur d’eau, lavage des véhicules,…). La malnutrition se traduit par les caractéristiques de la ration alimentaire (qualité, quantité, fréquence) d’un individu ou d’un ménage. En général, les malgaches mangent trois fois par jour : le matin, le midi et le soir, et le plat habituel est composé du riz. Mais, à cause de la pauvreté, la plupart des gens ne mangent qu’une fois par jour, le midi. Dans le milieu rural, à part le riz, il y a le manioc, les patates, le maïs comme aliment de base.
A part ces indicateurs, ajoutons : l’état de santé est dégradé (non accès aux soins médicaux) , absence de fonds de roulement nécessaire à l’achat de matières premières , faible équipement ménager, situation socio-économique du chef de ménage : femme seule, le fait de recourir périodiquement aux aides, difficulté d’accès aux services publics comme l’eau et l’électricité, donc non accès à l’eau potable , non possession d’installation appropriée d’évacuation (habitude à aller dans la nature), absence de vision à long terme, absence de la notion d’avenir (incapacité de réaliser un projet d’avenir), aucune épargne donc endettement, non scolarisation des enfants : analphabétisme et illettrisme.
– Dans le milieu rural :
Il existe des points communs entre les indicateurs de pauvreté dans le milieu urbain et le milieu rural : aspect délabré, précaire et sans finition de la maison : murs et toit en mauvais état, malnutrition qui se traduit par les caractéristiques de la ration alimentaire (qualité, quantité, fréquence) d’un individu ou d’un ménage, état de santé dégradé, situation socioéconomique du chef de ménage : femme seule, fait de recourir périodiquement aux aides, non accès à l’eau potable, non possession d’installation appropriée d’évacuation (habitude à aller dans la nature), absence de vision à long terme (le fait de vivre au jour le jour), aucune épargne.
Le milieu rural connait plus de difficultés à savoir : faible niveau d’éducation de la population, faible taux de scolarisation, inexistence de pièces séparées pour les animaux d’élevage et les humains, non possession de terre (accès au foncier), faible équipement agricole, durée plus longue de la période de soudure par rapport aux autres membres de la communauté.
D’une manière générale, selon le DSRP, les indicateurs de pauvreté se concentrent sur trois (3) aspects essentiels à savoir : la longévité, l’instruction et les conditions de vie décente. Et selon l’INSTAT, d’après une enquête auprès des ménages en 2002, le seuil de pauvreté a été évalué à 234760 Ariary/ an; les individus extrêmement pauvres sont ceux dont la consommation totale correspond au panier alimentaire sans pouvoir acheter d’autres produits de première nécessité. Par ailleurs, en 2003, les individus les plus pauvres sont ceux qui ont une consommation mensuelle par tête de moins de 42686 Ar.
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