Modélisation du comportement mécanique du béton
Théorie de l’endommagement
Le phénomène d’endommagement d’un matériau décrit l’évolution progressive de sa détérioration. Initiée par les déformations irréversibles (évolution des liaisons intermoléculaires, dislocations, micro-décohésions…), ce phénomène induit l’altération des caractéristiques mécaniques et ainsi l’évolution de la réponse du matériau étudié (Figure I-1). Initialement conceptualisée par [Kachanov, 1958] dans le cadre des matériaux métalliques, la théorie de l’endommagement vise à caractériser l’évolution comportementale, et notamment des phénomènes de ruptures, lors de sollicitations à long terme et/ou cycliques.
Afin de caractériser la fragilité évolutive des matériaux sollicités, l’auteur introduit une variable d’endommagement visant à généraliser les effets et impacts des microfissurations. Développée en 1D, cette théorie fut par suite étendue au cas tridimensionnel, notamment dans sa définition énergétique, par [Lemaitre and Chaboche, 1978]. Soit un solide de section S, soumis à une contrainte σ. En supposant ce système endommagé par σ, il s’agit de considérer une surface résistance réduite comparée à la section initiale (Sd plutôt que S sur la Figure I-2). Bornée entre 0 et 1, la variable traduit l’évolution entre l’état Figure I-1 Evolution comportementale d’un échantillon d’aluminium soumis à un chargement cyclique, [Lemaitre, 1971] Modélisation du comportement mécanique du béton 8 sain (0) et l’état totalement fissuré du matériau (1), et peut alors être obtenu par le ratio de la surface endommagée sur la surface totale, tel que : 𝐷 = 𝑆𝑑 𝑆 (I-1) Afin de décrire l’évolution anisotrope du matériau, cette loi peut être réécrite en 3 dimensions à l’aide d’un tenseur si l’endommagement est anisotrope : (𝛿𝑖𝑗 − 𝐷𝑖𝑗)𝑛𝑗𝛿𝑆 = 𝑛̃𝑖𝑗𝛿𝑆̃ (I-2) Avec 𝛿𝑖𝑗 le symbole de Kronecker et 𝐷𝑖𝑗 la matrice d’endommagement.
Cet endommagement évalué, la contrainte associée 𝜎̃ peut en être déduite. Cette contrainte est dite effective dans le sens de la mécanique de l’endommagement (à distinguer de la notion de contrainte effective au sens de la poromécanique qui sera également définie dans ce chapitre) et représente la contrainte réellement exercée sur le squelette solide du matériau. Elle est obtenue en considérant la contrainte totale 𝜎 et la variable d’endommagement D tel que : 𝜎 = (1 − D)𝜎̃ (I-3) Enfin, les lois de comportement pour un matériau endommagé sont les mêmes que pour un matériau sain, en remplaçant la contrainte usuelle σ, par cette contrainte effective.
Différentes modélisations du comportement du béton
L’établissement de cette théorie a permis le développement de nombreux modèles de comportement propres au béton. Ceux-ci peuvent être définis par rapport à leur caractérisation de l’endommagement. Certains modèles postulent une altération identique des caractéristiques mécaniques dans toutes les directions de l’espace (modèles isotropes), et d’autres peuvent prendre en compte une différence de dégradation selon la direction (modèles anisotropes). Endommagement isotrope L’un des premiers modèles développés pour le béton à l’aide de cette théorie est celui de [Mazars, 1986]. De nature isotrope, l’endommagement mécanique évalué par ce modèle permet de reproduire l’évolution du comportement de matériaux fragiles soumis à des sollicitations extérieures.
Défini dans le cadre de la thermodynamique, ce modèle fait l’analogie entre l’endommagement ainsi défini et des concepts issus de la mécanique de la rupture. Cette considération lui permet de relier l’endommagement et l’énergie consommée induite avec une surface de fissuration équivalente. Néanmoins, cette relation n’est valable que si la continuité du modèle est assurée, et donc, induit l’obligation que l’endommagement D soit une fonction croissante.
Par ce fait, le modèle ne peut prendre en compte les phénomènes de refermeture de fissure et le possible regain de rigidité induit. Afin d’évaluer la réponse du matériau, l’auteur introduit dans son modèle un « critère d’endommagement » sur les déformations. Ce critère est activé par les déformations élastiques de type extensions uniquement. De cette façon, l’endommagement en traction est induit par la déformation dans la direction de la charge, et l’endommagement en compression est induit par les déformations perpendiculaires à la contrainte appliquée, induite par les effets de Poisson (Figure I-3).