Microchimérisme et prédiction des complications de la grossesse chez les femmes primigestes
L’Homme est une chimère
Le mot chimérisme provient de la mythologie grecque où la chimère est une créature fantastique composée de plusieurs parties de différents animaux. Généralement, elle est représentée avec un corps de chèvre, une tête de lion et une queue de serpent (Figure 1). En génétique, le chimérisme correspond à la présence de plusieurs génotypes différents dans un même organisme, sous diverses formes, cellules ou ADN. On distingue diverses sources de chimérisme que l’on peut qualifier de « iatrogène » ou de « naturel ». Le chimérisme « iatrogène » peut s’observer lors de transplantations d’organes [1] ou encore lors de transfusions sanguines (Figure 2).
Le chimérisme « naturel » fait référence à celui observé lors de la grossesse pour décrire la présence de cellules fœtales chez la mère venant d’un échange transplacentaire (Figure 2). On parle alors plutôt de microchimérisme (Mc), qui correspond au chimérisme en petite quantité. Cet échange est bidirectionnel entre la mère et son fœtus, apportant un Mc fœtal chez la mère et maternel chez l’enfant [2].Il est à noter que toute grossesse, à terme ou non (interruption volontaire de grossesse, IVG, ou fausse couche spontanée précoce, FCS) laisse un Mc fœtal chez la mère [3].
Un Mc entre jumeaux lors des grossesses multiples monochoriales ou non est aussi possible [4, 5]. L’apparition de cet échange transplacentaire est précoce, dès 5 à 6 semaines d’aménorrhée (SA) [6], ce qui permet l’étude de l’ADN fœtal via un prélèvement de sang maternel. Dès 1979, Herzenberg et al. [7] met en évidence la présence de cellules fœtales dans le sang maternel par tri de cellules marquées par fluorescence (FACS, Fluorescence Activating Cell Sorting).
Cependant la méthode la plus facile pour détecter du Mc fœtal chez une femme est basée sur l’amplification par PCR (Polymérase Chaine Réaction) d’ADN fœtal et ce, en amplifiant une séquence du chromosome Y chez des femmes portant un fœtus mâle [8]. Cependant cette méthode limite l’étude à du Mc fœtal masculin. La présence de cellules fœtales dans le sang maternel au cours de la grossesse peut permettre un dépistage de trisomie 21 sans réaliser d’amniocentèse. Ce n’est qu’en 2013 que l’Hôpital Américain de Paris avec la collaboration du laboratoire d’analyses américain Sequeman Laboratories propose pour la première fois le diagnostic prénatal non invasif aux patientes porteuses d’un fœtus à haut risque de trisomie 21.
Les complications de la grossesse
Les complications de la grossesse sont variées et ont un impact plus ou moins grave sur le déroulement de la grossesse et sur le devenir de la mère et du fœtus/nouveau-né. Ce mémoire se concentre sur les syndromes vasculo-reinaux, en particulier la prééclampsie et ses conséquences sur le fœtus, notamment le retard de croissance in utero (RCIU). Il se focalisera également sur les femmes ayants donné naissance à un nouveau-né de petit poids pour l’âge gestationnel (PAG). Pourquoi la pré-éclampsie ?
C’est l’une des premières causes de mortalité maternelle dans les pays développés [17], elle touche environ 5% des grossesses en France. 4 a. Qu’est-ce que la pré-éclampsie ? C’est une anomalie placentaire due à un défaut de la placentation dont les manifestations cliniques apparaissent en général au 3ème trimestre de la grossesse. Elle se caractérise, selon la Haute Autorité de Santé (HAS), par l’association d’une hypertension artérielle ou HTA (une pression artérielle systolique ≥ 140mmHg et une pression artérielle diastolique ≥ 90mmHg) et d’une protéinurie supérieure à 0,3g/24h.
Son mécanisme d’installation est multifactoriel et reste encore mal connu. Les symptômes seraient la conséquence de deux voies partiellement indépendantes : une voie touchant certains gènes modulant le développement placentaire et une voie impliquant certains mécanismes résultant d’une anomalie de la disponibilité de l’oxygène. Ces deux voix seraient coordonnées précocement via le principe de tolérance immunitaire lors d’une grossesse (permettant l’installation d’une hémi-greffe dans l’utérus) [18]