Modernité vers une approche nouvelle de l’état de propreté d e la ville
Modernité et propreté : un choix réussi, l’exemple de Séville
L’histoire de la ville individualise Séville : tour à tour ville charnière, ville contact ou ville frontière. Tantôt ville du Nord pour un Sud dominant, tantôt ville du Sud pour un Nord dominant, tantôt capitale d’un immense empire, porte d’accès au monde sud américain, elle offre aujourd’hui un palimpseste étonnant. En matière d’état de la propreté urbaine, il existe Mod ernité vers une approche nouvelle de l’état de propreté d e la ville des gestions différentes en fonction des quartiers et, de la part des résidents et des nonrésidents, des perceptions diverses de l’état de propreté.
Le modèle urbain de maintien de la propreté du quartier historique
Santa Cruz. De son passé musulman, le centre historique (quartier de Santa Cruz) rappelle une médina : des ruelles étroites et tortueuses bordées de maisons aux murs aveugles organisées autour d’une cour intérieure, tels les ryads des villes musulmanes. C’est la ville « anti-rurale », symbolique de la modernité d’alors, portée par la brillante civilisation musulmane. La ville se dote de monuments, dont des mosquées et des bâtiments administratifs, et des résidences de prestige pour la bourgeoisie locale. Comme pour les médinas des villes du Maghreb, les éléments dits naturels sont quasi absents : pas de jardins, ni de parcs, très peu d’arbres. Les espaces verts sont absents de la vieille ville.
Les maisons n’ont pas plus de jardins privatifs : les cours intérieures (les patios) sont carrelées et aujourd’hui encore, seules quelques plantes vertes en pots viennent esthétiser le lieu. Ce « donné à voir » de la maison est propre, à l’image vraisemblablement du domicile, caché au regard du passant. On retrouve en Espagne, comme à Fès au Maroc, l’opposition très nette entre le dehors et le dedans du domicile. La nécessité d’une maison propre a favorisé l’utilisation du carrelage : il permet le nettoyage à grande eau, sèche relativement vite et a une durée de vie longue. Les pays méditerranéens (Italie, Espagne mais aussi Portugal) ont une tradition de la céramique, du carrelage (azulejos au Portugal). Il n’est pas rare de trouver deux cuisines en Espagne, une cuisine tout équipée, carrelée qui ne sert quasiment jamais, la cuisine d’apparat, et une autre cuisine, dite d’été, installée dans le garage et qui sert quotidiennement, mais que l’on ne montre pas aux invités. Face à cette quasi-absence d’éléments de la nature, cette ville minérale, carrelée, pavée aujourd’hui enrobée, semble ne pas ressentir le poids des saisons et notamment l’influence de la pluie qui rend la terre boueuse et salissante et serait susceptible de salir la ville et ses habitants.
Gestion de la propreté urbaine des quartiers centraux (hors Santa Cruz)
Après la chute de Grenade en 1492, la Reconquista s’achève, concomitamment avec la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. L’Espagne entre dans une ère de prospérité. Le XVIe siècle est le grand siècle de l’Espagne, celui où la famille des Habsbourg, Charles-Quint puis Philippe II, règnent sur une large partie de notre planète. Au centre de cet empire se trouve Séville, d’où partent les routes américaines. La ville connaît un brillant âge d’or, mais sa prospérité repose exclusivement sur le commerce : Séville devient ainsi la plaque tournante du commerce mondial. Grand port sur le Guadalquivir, protégé des attaques ennemies, Séville s’agrandit et atteint près de 200 000 habitants, et devient une des plus grande ville d’Europe.
Toute l’activité de la région s’oriente vers le commerce maritime ; l’industrie est sacrifiée ; l’évolution de l’agriculture se fait au profit des grands propriétaires nobles, extrêmement puissants en Andalousie, qui ont d’immenses propriétés et peuvent avoir recours à une main-d’œuvre nombreuse, regroupée dans les grands bourgs agricoles caractéristiques de la région. Ils exportent leurs productions de vins et d’huile d’olive vers tous les autres centres commerciaux d’Europe et d’Amérique. Le luxe de la vie sévillane éblouit les contemporains. Celui-ci se voit dans la splendeur des maisons et des bâtiments. La ville devient le grand centre culturel de l’Espagne, et les plus grands artistes espagnols du XVII° siècle sont plus ou moins sévillans (Vélasquez y effectue sa formation, Zurbaran y travaille longtemps, de même que Murillo).