Le vert de gris dans la peinture à huile
Structure et compositions de peintures
Définition des couches picturales Les tableaux peuvent être considérés comme des systèmes d’une remarquable variété et complexité. Ils sont constitués par plusieurs couches picturales, appliquées sur un support préalablement préparé comme le montre la Figure I-1. Figure I-1 : Schéma de la stratigraphie d’une peinture (la proportion des différentes épaisseurs n’est pas respectée). Le support consiste généralement en un panneau de bois, dont l’usage est progressivement remplacé au cours du XVIème siècle par de la toile, plus pratique à transporter. La première couche posée sur le support est la couche d’encollage. À base de colles de peau, cette couche modifie la porosité du support et l’isole des couches successives. Sur la couche d’encollage est posée la couche préparatoire [Garcia, 1990]. Elle est formée de colle et de sulfate ou carbonate de calcium (dans certains cas elle contient aussi du blanc de plomb). La préparation joue un rôle mécanique, en permettant à la matière picturale des couches sus-jacentes de s’ancrer; esthétique, elle fournit un surface homogène, de couleur neutre, blanc ou gris [Van der Weerd J., 2002]; et technique, elle va déterminer la porosité de la surface sur laquelle les couches picturales vont être appliquées. Parfois entre les couches de préparation et les couches picturales se trouvent une ou deux couches d’impression. Constituées de liants aqueux dans les cas de préparation maigre, ou à l’huile, dans le cas de préparations grasses, elles ont une fonction imperméabilisante. Leur présence est presque systématique lorsque la peinture est à l’huile, car elles permettent d’éviter que la couche peinte ne soit absorbée par le gypse [Simonot, 2002]. Les peintres réalisent souvent un dessin avant de poser les couches picturales. Ce dessin peut être réalisé en utilisant du charbon, de l’encre, de la sanguine ou bien encore de la craie. L’artiste peut aussi reporter sur la préparation un dessin effectué auparavant sur papier perforé suivant le contour de la composition (méthode du « Spolvero »). Les couches picturales sont variables par leur nombre, leur épaisseur et leur composition. Ce sont des systèmes hétérogènes comportant un liant dans lequel sont mélangées et dispersées des particules colorées absorbantes et diffusantes, les pigments. Contrairement aux colorants solubles, les pigments sont des particules solides très fines (entre quelques micromètres et quelques dizaines de micromètres), insolubles, que l’on peut mettre en suspension dans un milieu aqueux ou huileux [Champetier, 1956].
Les pigments verts organométalliques : le « vert de gris » et le « résinate de cuivre »
Jusqu’au XVIIIème siècle, quand les innovations technologiques ont permis un important élargissement de la palette du peintre, les variétés de verts disponibles étaient plutôt limitées. C’est pour cette raison ainsi que pour leur caractéristique de brillance et transparence, que le vert de gris et les résinates de cuivre étaient si répandus, malgré leur tendance au brunissement connue depuis l’AntiquitéLe brunissement n’est pas systématique4,5, bien que visible dans une importante partie des œuvres de la Renaissance. Deux exemples opposés sont la « Vierge allaitant l’Enfant entre Saint Pierre et Saint François » (Figure I-3), où le manteau de la Vierge a complètement bruni; et la « Vierge entre les Vierges » (Figure I-4), de Gérard David (1509), où le vert n’a pas viré. Dans un même tableau peuvent en outre, coexister des zones brunies et des zones non altérées qui ont conservé leur teinte verte.
Le vert de Gris
Vert de gris neutre et basique Souvent, d’après les recettes anciennes et dans le langage courant (restaurateur, historien), le terme « Vert de gris » est un terme générique renvoyant à une diversité de composés formés lors de l’action du vinaigre sur du cuivre métallique ou ses alliages, avec dans certains cas l’addition de sel (NaCl). En effet au cours de cette réaction, différents composés peuvent se former selon les modes de préparation et les produits utilisés (hydroxydes de cuivre, acétates, chlorures de cuivre). Depuis les travaux d’Hermann Kühn [Kühn, 1970], il est convenu que le « vert de gris » désigne uniquement les sels de cuivre de l’acide acétique (acétates de cuivre (II)) répondant à la formule générale: [Cu(CH3COO)2]x · [Cu(OH)2]y , nH2O