. Discours de révolution messianique

Discours de révolution messianique

Nouveaux possibles pour les individus, eldorado économique, évolution citoyenne… Les discours de révolution messianique, qui dominent légèrement le corpus, se structurent autour de trois grands propos.

De nouveaux possibles pour les individus

Le premier propos voit à travers WeChat de nouveaux possibles ouverts aux individus, dans leur quotidien comme dans leurs relations sociales. Un quotidien augmenté La praticité des services et fonctionnalités à disposition dans WeChat suscite une certaine fascination dans les discours de presse, imaginant un quotidien simplifié, où les individus peuvent accéder à tout ce qui les entoure depuis un réseau social numérique. Discuter avec ses amis, partager des contenus, faire ses courses, payer ses factures, louer un vélo, commander à manger… Tout autant de possibles désormais à portée de main. Le mythe du pouvoir identifié par Scardigli est ici pleinement convoqué. La technique libère des contraintes domestiques et apporte une forme d’autonomie individuelle. Cela nous rappelle aussi le miracle de l’espacetemps ainsi que la promesse d’une société dématérialisée, c’est-à-dire virtuelle, fluide et libérée des contraintes spatio-temporelle. Les propos qui quantifient les services et fonctionnalités reviennent régulièrement, en référence aux mini-programmes dans WeChat, qui ont récemment atteint le million d’applications disponibles57. Ainsi, la promesse d’hyperchoix est mobilisée : « tout avoir, tout savoir et tout voir, telle est la promesse de transparence absolue et de croissance annoncée par les discours réitérés sur les TIC »5 Annexe 4 – Tableau des mythes et imaginaires 57 Siècle Digital – « WeChat atteint 1 million de mini-app dans son app store » https://siecledigital.fr/2018/11/08/wechat-atteint-1-million-de-mini-app-dans-son-app-store/ 58 Pierre Musso, « La révolution numérique : techniques et mythologies ». La Pensée, no 355, 2008, pp.103-120. Interprétation MF! mythe de l’androgyne est également présent : WeChat peut en quelque sorte prendre une identité différente selon l’utilisateur et les mini-programmes installés. Ainsi, la définition du réseau social numérique que nous avions précédemment évoquée semble reconfigurée, avec un objet désormais protéiforme. L’idée d’un quotidien augmenté apparaît donc de façon récurrente dans les discours, tout comme l’expression « super app », pour désigner WeChat. Cette micro-représentation sociale témoigne du caractère héroïque de l’objet, désormais capable de répondre à tous les besoins, partout, tout le temps, mais aussi d’une lecture résolument orientée vers l’idée de performance et d’augmentation des possibles. Une prospérité sociale WeChat est également présenté comme un objet qui tend à encourager et amplifier les interactions sociales grâce à son écosystème de possibles. La plateforme pourrait connecter, relier et faciliter le partage entre les individus. Nous retrouvons constamment dans les discours une association entre la dimension fonctionnelle de WeChat et le mythe du lien social, correspondant à l’« accentuation de la fréquence des échanges interindividuels et à la création de communautés ». Précisons cependant que les discours font très peu référence à l’idée de communautés ou même d’intelligence collective pour citer le miracle du pouvoir. La dimension de praticité de WeChat semble prédominer et permet surtout d’envisager une forme d’amplification des interactions et des relations. Pour désigner cette conception, nous proposons la notion de « prospérité sociale », fusionnant les mythes du lien social et de la prospérité économique. Cette conception prend également une forme plus culturelle lorsqu’il s’agit, par exemple, d’accélérer ou de donner un nouveau souffle à des pratiques ancestrales chinoises. Nous pouvons mettre en relation cette idée de prospérité sociale et culturelle avec une micro-représentation souvent associée à WeChat : l’ « app sociale mobile ». Forme du propos À travers ce premier propos, les auteurs montrent une volonté de fasciner et intéresser le lecteur. Le discours oscille entre ces deux formes, avec d’un côté, une mise en récit qui objective les contextes d’utilisation de l’objet dans un processus de socialisation de WeChat, avec souvent une volonté d’impressionner et de montrer la dimension avancée voire futuriste de l’objet. De l’autre, nous retrouvons un propos plus explicatif, qui documente le contexte ainsi que la dimension technique de WeChat. Si le thème social est dominant, la dimension culturelle et technologique des propos apparaissent aussi de façon récurrente. Le récit et le MJ! commentaire sont les deux catégories textuelles dominantes. La première s’illustre à travers des portraits et reportages, tandis que la seconde se caractérise par un discours plus idéologique, qui voit dans la performance technologique une forme d’accomplissement. Ce premier grand propos, des nouveaux possibles, est présent dans seize articles.

Un nouvel eldorado

Nouvel accès aux consommateurs, opportunités de développement pour certains secteurs et conquête d’une nouvelle économie… Le second grand propos fait de WeChat un nouvel eldorado. Un nouvel accès aux consommateurs WeChat apparaît dans les discours de presse comme une opportunité d’accéder aux consommateurs. La centralisation des services et fonctionnalités, précédemment évoquée, devient un moyen pour les marques de localiser les consommateurs, dans un espace de relative dépendance technologique, qui rappelle le mythe du pouvoir évoqué dans les couples des miracles et frayeurs de Scardigli, et selon lequel les « TIC aliènent et asservissent l’homme à la machine ». Dans ce contexte, notons que l’asservissement aux objets techniques est mis en récit comme une opportunité de rendre captif les individus, et non pas comme une perspective catastrophiste. Dans ce sens, il est question d’investir un espace permettant d’établir ou de renforcer un lien avec les consommateurs ou même les communautés de consommateurs. Le mythe du lien social de Scardigli est activé, dans la mesure où la technique permet bien la « création de communautés », même si l’objectif ne semble pas être d’accentuer la fréquence des échanges inter-individuels mais plutôt des échanges entre marques et individus. Le mythe de la prospérité économique est évidemment présent, WeChat étant perçu comme la source de nouvelles opportunités pour les marques et entreprises. À titre d’exemple, la possibilité d’offrir aux clients des expériences dites « phygitales » serait un moyen d’améliorer les dispositifs de vente en magasin. Aussi, la centralisation des services et fonctionnalités serait une opportunité de récolter les données afférentes. De nombreux discours font ainsi état des opportunités de ce nouvel accès aux consommateurs, notamment grâce aux données disponibles sur WeChat. La quantité d’informations suscite une véritable fascination, avec des micro-représentations sociales telles que « or noir » ou « mine d’or ». Si le miracle de la prospérité économique est évidemment présent, celui du savoir apparaît au premier plan. Il ne prend pas le sens donné par Pierre Musso, qui voit dans la technique un moyen d’apporter l’intelligence collective ou de former des agents intelligents. Ici, le savoir MM! est surtout synonyme de connaissance voire des surveillance des consommateurs. Parmi les mythes dynamiques de Moles, nous identifions celui de l’ubiquité, car les marques et entreprises pourraient désormais être partout à la fois, et à tous les points de contact. Le miracle de la mémoire de Scardigli est aussi bien présent, dans la mesure où les traces laissées par les utilisateurs sont enregistrées et exploitables dans le temps.

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