ISCHEMIE RENALE AIGUË

ISCHEMIE RENALE AIGUË

Généralités

Le terme d’insuffisance rénale aiguë (IRA) englobe plusieurs pathologies rénales et est diagnostiqué chez 5% des patients hospitalisés, avec une prévalence de 10 à 30% dans les services de soins intensifs aux Etats-Unis (Kribben A, 1999). Elle est associée à une mortalité élevée entre 50% et 80%, malgré les progrès thérapeutiques. L’IRA est caractérisée par une dégradation de la fonction d’excrétion rénale se traduisant par une importante diminution ou une interruption complète de la filtration glomérulaire, survenant de façon brutale ou rapidement progressive. C’est une incapacité à éliminer les déchets métaboliques notamment azotés et à maintenir l’homéostasie hydroélectrolytique. Les conséquences biologiques sont une augmentation de l’urée et de la créatinine plasmatique, une hyperkaliémie, une acidose métabolique et une rétention hydrosodée (Schrier RW, 2004). L’IRA a été classée en 3 grandes catégories: 

L’IRA fonctionnelle ou « pré-rénale » correspond à une altération de la fonction rénale due à une diminution de la perfusion rénale sans lésion histologique préalablement existante. 

L’IRA parenchymateuse ou organique correspond à une défaillance des fonctions rénales due à des lésions cellulaires.

L’IRA d’origine obstructive ou post-rénale 

ce terme s’applique à toutes les IRA dues à une obstruction aiguë des voies urinaires supravésicales (Suc J-M. 2001). L’ischémie est une cause commune des insuffisances rénales aiguës organiques et intra-rénales. Cette pathologie est assez répandue en clinique au cours de la transplantation rénale (Tilney NL,1997), du traitement chirurgical de l’anévrisme de l’aorte thoracoabdominale sus-rénale, des interventions reconstructives des artères rénales (Ellenberger C, 2006), des situations de chocs, ou lors d’un arrêt cardio-circulatoire (Yap SC, 2012). pathophysiologie des lésions ischémiques est complexe et s’accompagne de la mort des cellules tubulaires par nécrose et/ou apoptose, conséquence d’un stress oxydatif et d’un afflux de cellules inflammatoires (Molitoris BA, 2004).

Modèle de l’ischémie–réperfusion (IR)

Le modèle de l’ischémie-reperfusion est un modèle reproductible de lésions rénales. Il est réalisé par un clampage de l’artère rénale avec un clamp vasculaire atraumatique. Elle peut être uni- ou bilatérale. Le degré des lésions rénales varie entre les espèces animales, dépend du sexe, et est corrélé directement avec le temps de l’ischémie. En général, le temps de l’occlusion pratiqué chez les rongeurs est entre 25 et 50 minutes. En cas d’I/R bilatérale ainsi que d’I/R accompagnée d’une néphrectomie controlatérale, l’insuffisance rénale aiguë s’installe pendant les 24 premières heures suivant la reperfusion (Singh AP, 2012). 

Aspects physiopathologiques de l’IR

R et activation des cellules endothéliales L’activation des cellules endothéliales après l’ischémie joue un rôle crucial dans la physiopathologie de l’insuffisance rénale post-ischémique. Une phase de reperfusion est marquée par une réduction allant jusqu’à 50% du débit sanguin rénal (Summers WK, 1971). Ces modifications hémodynamiques sont liées à un déséquilibre des médiateurs vasodilatateurs et vasoconstricteurs : d’une part, une augmentation au niveau tissulaire des concentrations des substances vasoconstrictrices comme l’endothéline-1, l’angiotensine II, le thromboxane A2, la prostaglandine H2 et, d’autre part, une inhibition de la production de monoxyde d’azote via l’inhibition de la voie eNOS, de la bradykinine et d’autres substances vasodilatatrices (Legrand M, 2008; Kwon O, 2009; da Silveira KD, 2010). Cette réduction du flux sanguin rénal est plus importante dans la zone de la médullaire externe (Karlberg L, 68 1983). L’ischémie et la production accrue des radicaux libres est responsable d’une désorganisation du cytosquelette des cellules endothéliales, de la perte des jonctions serrées et de l’augmentation de la perméabilité de l’endothélium aboutissant à une formation d’un œdème interstitiel et d’une compression des capillaires péritubulaires, compromettant la microcirculation rénale (Kevil CG, 2000; Kwon O, 2002). 

IR et inflammation

Le relargage des dérivés réactifs de l’oxygène (ROS) comme les anions superoxydes, le peroxyde d’hydrogène, ou les radicaux hydroxyles est corrélé à la durée de l’ischémie rénale. Les ROS sont synthétisés à la fois par les cellules tubulaires proximales abîmées (Nath KA, 2000 ; Chien CT, 2001) mais aussi par les neutrophiles et macrophages activés (Kelly KJ, 1996, Rembish SJ, 1994). Les ROS réagissent immédiatement après leur libération sur les tissus de voisinage, passent librement à travers les bicouches lipidiques des membranes en alternant les composants de base de la structure cellulaire: les lipides, les glucides, les protéines et les acides nucléiques (Nath KA, 2000). Ils peuvent activer la voie NF-kB, qui induit la transcription des gènes responsables de la synthèse des médiateurs proinflammatoires (Roebuck KA, 1999). Les ROS peuvent également contribuer à la surexpression des molécules d’adhésion leucocytaires comme ICAM-1, ligand de LFA1(Lymphocyte function-associatedantigen 1) exprimé sur les cellules inflammatoires. Ces dernières, après activation par l’IL-1 et le TNF-α, se lient à l’endothélium, formant le complexe ICAM-1/LFA-1 et pénètrent ainsi dans le parenchyme rénal. Le blocage ou un déficit de l’ICAM-1 est associéà une réduction de la séquestration des leucocytes et à une protection rénale contre l’ischémie (Kelly KJ, 1996; Nath KA, 2000, Burne-Taney MJ, 2003). A l’inverse, la surexpression des L-, E-, et P-sélectines, présentes à la surface des leucocytes, des cellules endothéliales et des plaquettes, amplifie la réaction inflammatoire (Takada M, 1997). 69 Il parait évident que l’épithélium tubulaire n’est pas une simple cible « subissant passivement l’ischémie ». Les cellules tubulaires lésées produisent des médiateurs proinflammatoires et des cytokines : le TNF-α, Monocyte chimio attractant protein 1(MCP-1), les interleukines IL-8, IL-6, IL-1β, le TGF-β, Regulated upon Activation, Normal T-cell Expressed, and Secreted (RANTES) etc. (Bonventre JV, 2004). Les cellules tubulaires expriment également des fractions du complément et des récepteurs Toll-like (TLRs) et notamment les récepteurs TLR2 et TLR4. Cette expression semble être proportionnelle aux lésions tubulaires après l’IR (Jang HR, 2009). Les neutrophiles s’accumulent dans les reins, et particulièrement, dans le réseau capillaire péritubulaire de la médullaire externe, produisent des protéases, les ROS et des cytokines, contribuant à une perméabilité vasculaire et aggravant les lésions rénales (Jang HR, 2009). Attirés par MCP-1, les monocytes affluent dans le rein dés la première heure après la réperfusion, avec un pic, chez la souris, à 24 heures, leur nombre restant élevé pendant 7 jours. Provenant des monocytes « pro-inflammatoires », les macrophages de type 1 produisent des ROS et des cytokines pro-inflammatoires (y compris IL-1β, et TNF-α). Ils peuvent contribuer au développement de la fibrose. En revanche, les monocytes « noninflammatoires » : globalement considérées comme «réparateurs» (Friedewald JJ, 2004; Li L, 2008). Les lymphocytes affluent dans le rein entre le troisième et le dixième jour après l’ischémie et, étant stimulés différemment, jouent un double rôle : pro- et anti- inflammatoire (Gandolfo MT, 2009; Linfert D, 2009). (Figure 19)

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