Impacts de l’AICT sur le développement social urbain
AICT et Politique de la Ville : entre théorie et pratique
La Politique de la Ville a été instaurée dans la toute fin des années 70 par les pouvoirs publics dans le but de revaloriser les zones urbaines en difficulté et de réduire les inégalités entre les territoires584 . Les actions de la Politique de la Ville sont mises en œuvre par les collectivités territoriales et EPCI. Dès 1981, elles font l’objet d’une contractualisation avec l’État par le biais des programmes de Développement Social des Quartiers (DSQ), remplacés en 1989 par les Contrats de Ville puis, en 2007, par les Contrats Urbains de Cohésion Sociale (CUCS). Elles regroupent un grand nombre d’actions qui complètent et qui prolongent les politiques publiques locales du logement, de l’emploi et du développement économique des quartiers, de l’éducation (à travers l’enseignement scolaire et l’égalité des chances), de la sécurité et de la prévention de la délinquance et la santé, qui sont leurs six principaux axes. Elles mobilisent donc à la fois l’État et les services municipaux, mais également les partenaires des territoires concernés : les associations, les bailleurs sociaux, les caisses d’allocations familiales, etc. Ces territoires, considérés comme étant « prioritaires » partagent la caractéristique de comporter une forte concentration d’habitats sociaux ou dégradés. La politique de la Ville prévoit un système de zonage, à l’exemple des Zones d’Urbanisation Sensibles (ZUS dont la liste a été établie en 1996 et toujours en rigueur). Elle englobe également des dispositifs, à l’exemple des PRU (Programme de Renouvellement Urbain), opérations portant principalement sur le logement. Ce système devrait connaître d’importants changements dans le cadre d’une réforme prochaine de la géographie prioritaire visant à simplifier et à concentrer les moyens alloués à la Politique de la Ville. Les ZUS devraient notamment disparaître585 . A ce jour les passerelles entre la Politique de la Ville et l’Action Internationale des Collectivités Territoriales diffèrent entre la théorie et la pratique. En théorie, leurs relations restent encore limitées. Le rôle de l’AICT en tant qu’outil transversal, moteur de développement social dans les quartiers est sous-estimé. Elle relève encore d’une politique sectorielle répondant à une logique de projet ou d’actions ponctuelles plutôt que d’une stratégie politique structurante586 .Ce constat est lié à la question du choix que les collectivités peuvent être amenées à opérer en période de crise: se recentrer sur les inégalités internes ou continuer à élargir leur sphère d’intervention publique à l’échelle internationale. Face à une précarisation parfois importante des populations sur certains territoires urbains, les différentes politiques publiques peuvent entrer dans un conflit de priorisation. Dans la pratique, des stratégies peuvent être mises en place pour établir un lien entre les inégalités à ces différents niveaux. Selon Marc Levy, la solidarité serait le ferment de la cohésion sociale au niveau local quand la montée des inégalités la met à mal. « Le fait d’être une collectivité, une communauté, ou tout simplement de « vivre ensemble » repose le besoin de solidarité. On dit même que la preuve du sentiment d’appartenance se fait par l’acceptation de participer à la solidarité : je partage avec ceux que je considère comme mes proches (mes concitoyens à travers l’impôt, par exemple ; ou encore un groupe, à travers mes dons). Autrement dit, trop d’inégalités empêchent de vivre ensemble587». Si au niveau local elle permet de travailler sur les questions sociales, l’AICT sera mieux comprise. Pour qu’elle continue d’y trouver sa place, elle doit représenter une piste de réponse aux problématiques rencontrées localement. Enjeu sociétal souvent rencontré à l’échelle des différents territoires partenaires, les inégalités infra-territoriales peuvent représenter un domaine de coopération et faire l’objet de réflexions croisées.
Reconnaissance du rôle de l’AICT en termes de citoyenneté et d’insertion sociale et professionnelle de la jeunesse
Les politiques publiques locales menées en direction de la jeunesse sont généralement des axes forts des projets de territoires. Elles visent, pour la majorité, à favoriser son implication dans la vie locale, créer des dynamiques où l’utilité sociale et la réalisation de soi soient imbriquées et mises en œuvre591 , lutter contre les discriminations, et développer la citoyenneté locale. Pour faire face aux attentes des jeunes, en partie mises en lumière par les épisodes d’émeutes urbaines de 2005, les collectivités territoriales sont donc amenées à mettre en place des stratégies adaptées. On retrouve dans la plupart des discours sur l’Action Internationale des Collectivités Territoriales le rôle important qu’elle joue dans ces dynamiques. L’ « ouverture au monde » de la jeunesse est par exemple considérée comme étant l’un des leviers de lutte contre les discriminations et d’apprentissage de la citoyenneté592 . Nous vérifierons cette affirmation, souvent convenue, sous l’angle des apports de l’action internationale aux politiques « jeunesse » au niveau de la citoyenneté locale et de l’insertion sociale et professionnelle. Nous analyserons ensuite les conditions de réussite de la mobilité des jeunes et notamment son niveau d’accompagnement avant, pendant et après l’expérience internationale.
L’engagement international des jeunes : un facteur de citoyenneté locale
Afin d’identifier la manière dont l’action internationale peut représenter un facteur de citoyenneté locale des jeunes, nous verrons dans un premier temps sa place dans les orientations de l’Éducation Nationale. Il s’agira ensuite, pour comprendre l’attention portée par les pouvoirs publics sur la mobilité des jeunes, d’identifier les enjeux des multiples dispositifs existants, de manière générale puis ceux mis en place spécifiquement par les collectivités territoriales pour inciter les jeunes à s’engager à l’international.
L’implication de l’Éducation Nationale sur les questions internationales depuis les années 8
Maître de conférences en Sciences de l’Éducation, Philippe Foray identifie la transmission culturelle que l’on peut traduire par l’idée d’un apprentissage du monde, comme faisant partie des missions et fonctions éducatives de l’école593 . La manière dont l’Éducation Nationale s’approprie les questions internationales atteste de leurs potentiels éducatifs et pédagogiques. Depuis la première note de service sur l’Éducation au Développement parue en 1981, les programmes portés par l’Éducation Nationale dans ce sens se sont développés et ont évolué au fil du temps. Les opérations « bol de riz594 » suite à la grande famine en Chine de 1962 sont devenues un concept démultiplié : « bol de riz » pour Haïti, pour le Chili, etc. A l’école, on voit se multiplier les journées thématiques (journées du tiers-monde, courses contre la faim, etc.) et les correspondances épistolaires, et maintenant numériques entre des établissements scolaires du monde entier.