La théorie de Rogoff sur la compétitivité du taux de change réel 

L’hypothèse du modèle

Le modèle de Heckscher –Ohlin et Samuelson (car ce dernier a apporté la formulation mathématique) est aussi appelé « la théorie des proportions de facteurs par le fait qu’il existe des effets réciproques entre les proportions dans lesquelles les différents facteurs de production sont disponibles et les proportions dans lesquelles ils sont utilisés afin de produire les différents biens ».
C’est un modèle d’une économie à deux facteurs qui sont tous utilisés dans les deux industries.
Prenons une économie qui produit deux biens : vêtements et aliments dont la production nécessite deux facteurs de production, à savoir, le travail et la terre.
Le producteur choisira une combinaison de facteur de production qui dépend du coût relatif de la terre et du travail. Car si on a la rente de la terre qui est plus élevée et des salaires bas, alors les fermiers vont diminuer l’utilisation de la terre et vont accroître le travail. Si au contraire, la rente est faible et le salaire est élevé, ils utiliseront peu de travails et beaucoup plus de terres.
Le choix de facteur de production dépend donc du rapport entre les deux prix de facteurs w/r.
Avec w : le taux salarial par heure de travail
r : le coût d’un lopin de terre
Pour toute combinaison de prix des facteurs, la production d’aliments nécessitera un ratio terre /travail plus élevé que pour produire des vêtements. On parle alors d’une production d’aliments intensive en terre et d’une production de vêtements intensive entravail.

LA COMPETITIVITE ET LE TAUX DE CHANGE REEL

Introduction 

« Le taux de change est la quantité de monnaie nationale nécessaire pour obtenir une unité de monnaie étrangère » . L’analyse du taux de change peut se faire par une approche par les marchés des biens et services où sur le long terme, son évolution est déterminée par les fondamentaux à savoir : la balance courante et la parité de pouvoir d’achat. Mais à court terme, l’évolution du taux de change est due à des variables financières et du développement des mouvements de capitaux.
Dans ce chapitre, on fera l’analyse de la théorie de la parité du pouvoir d’achat et la déviation par rapport à cette théorie par l’effet Balassa- Samuelson. Dans la deuxième section, on verra les déterminants à court terme du taux de change et dans la troisième section, l’analyse du taux de change réel qui permet de comprendre les conditions macroéconomiques de demande et d’offre dans des économies ouvertes. Et pour terminer, la remise en question de la compétitivité du taux de change par Rogoff.

La parité du pouvoir d’achat et l’effet BalassaSamuelson

La théorie de la parité du pouvoir d’achat (PPA) relie les mouvements des taux de change entre deux pays à des changements dans leurs niveaux de prix car elle se définit comme une situation où le taux de change entre les monnaies de deux pays est égal au rapport des niveaux des prix entre les deux pays. Cette théorie prédit qu’une baisse dans le pouvoir d’achat intérieur d’une monnaie (donc un accroissement dans le niveau intérieur des prix) sera associée à une dépréciation proportionnelle de la monnaie sur le marché des changes.

PPA absolue 

Dans sa version absolue, le taux de change d’équilibre est celui qui égalise les niveaux de prix  entre deux régions. Cette PPA absolue est dérivée de la loi du prix unique qui stipule que sur des marchés compétitifs, sans coûts de transport et de barrières officielles aux échanges, le prix d’un bien échangeable doit être le même quelle que soit la monnaie dans laquelle il s’exprime, sachant que la loi du prix unique s’applique à des biens individuels et la PPA s’applique au niveau général des prix.
Mais la PPA absolue n’est pas vérifiée en général parce qu’elle n’a de sens que si les deux paniers de biens sont identiques. Par conséquent, elle n’est seulement satisfaite que sous des hypothèses très fortes. L’estimation des écarts de la PPA absolue est donc déterminée en fonction des biens non échangés, des coûts de transport et de la compétition monopolistique.
Le test de la PPA absolue fait la comparaison internationale des prix d’un large panier de bien de référence avec des ajustements afin de tenir compte des différences entre les pays dont la qualité des biens est supposée identique.
On peut en conclure que la PPA est loin de la réalité parce que les prix de paniers identiques diffèrent de pays à pays lorsqu’ils sont convertis dans une même monnaie.
En effet, des biens manufacturés très semblables sont vendus à des prix largement différents sur divers marchés depuis le début des années 1970. Comme la PPA absolue trouve sa base dans la loi du prix unique, il est évident qu’elle ne s’avère pas conforme aux données empiriques.

PPA relative

La PPA relative stipule que les prix et les taux de change se modifient d’une manière qui préserve le rapport des pouvoirs d’achat intérieurs et extérieurs de chaque monnaie.

L’effet Balassa-Samuelson 

Les biens non échangeables remettent en cause le respect de la PPA lorsque les niveaux de développement entre pays sont très différents. L’effet Balassa – Samuelson montre que la forte croissance constatée dans les nouveaux pays émergents explique la tendance à l’appréciation réelle de leur monnaie. En effet, ces pays connaissent une croissance de la productivité des biens échangeables plus forte que dans les pays développés tandis que le taux de croissance de la productivité des biens non échangeables (les services) croît au même rythme.
L’origine de cet effet est la productivité moindre. Balassa et Samuelson ont supposé que dans les pays en voie de développement, les salaires soient plus faibles dans le secteur des biens non échangeables comparativement à ceux des pays développés. Mais que les différences de productivité entre pays pour les bien non échangeables sont négligeables. Avec des bas salaires, les coûts de production des biens non échangeables sont faibles et par conséquent le niveau des prix est plus faible pour ces derniers. Les pays riches ayant une productivité plus élevée du travail dans le secteur des biens échangeables, auront des prix plus élevés pour les biens non échangeables et donc des niveaux de prix plus élevés. Alors que plus l’économie se développe, les gains de productivité du secteur des biens non échangeables des pays en développement provoquent une hausse des salaires dans ce secteur et qui se diffusent peu à peu au reste de l’économie et au secteur des biens non échangeables. Le niveau des prix des biens non échangeables connaît une augmentation qui s’accompagne de la hausse du niveau de développement et par ailleurs, le taux de change réel tend à s’apprécier.

Le taux de change d’équilibre

Les déterminants structurels du taux de change se font sur l’estimation de taux de change d’équilibre.
Le taux de change d’équilibre est le taux de change qui prévaudrait lorsque les équilibres internes et externes sont réalisés.
Le taux de change réel selon les travaux de Martine GUERGUIL et Martin KAUFMAN dépend des facteurs de l’offre et de la demande.

Les déterminants du taux de change réel d’équilibre du côté de l’offre

Du côté de l’offre, les principaux déterminants du taux de change réel d’équilibre sont la croissance de facteurs totaux de productivité (effet Balassa – Samuelson) et la dotation relative des facteurs du pays.
L’effet Balassa –Samuelson, comme on a vu, indique que tout processus menant à un taux de croissance plus rapide de la productivité dans les secteurs échangeables plutôt que dans les secteurs non échangeables, impliquera une appréciation du taux de change réel d’équilibre reflétant la croissance de la compétitivité de l’économie du pays.

L’estimation du taux de change réel d’équilibre 

On distingue 3 types d’estimation du taux de change d’équilibre.

Le modèle de Balassa –Samuelson 

Ce modèle qui montre qu’une hausse d’une productivité plus rapide dans les secteurs des biens non échangeables et un accroissement du salaire nominal dans les secteurs des biens échangeables et non échangeables provoquent une hausse des coûts dans le secteur des biens non échangeables. Les gains de productivité sont donc plus élevés dans le secteur échangeable entraînant ainsi une augmentation des prix relatifs des biens non échangeables. Cette hausse du prix des biens non échangeables entraîne un accroissement de l’inflation généralisée. La productivité différentielle du pays est donc supérieure à la productivité extérieure d’où une inflation différentielle attendue positive et qui tend à une appréciation du taux de change.

Estimation du taux de change d’équilibre par le FEER

Ensuite, cette estimation peut se faire par des modèles macro économétriques plus larges. Williamson en 1985 a défini le taux de change d’équilibre dit FEER (Fundamental Equilibrium Exchange Rate) comme le taux de change qui permet à la balance courante d’atteindre une cible donnée, lorsque l’équilibre interne est réalisé. Pour rendre cohérentes les différentes variables, on utilise un modèle macroéconométrique.
Le FEER est le taux de change qui prévaudrait quand l’économie atteint simultanément l’équilibre externe (par la soutenabilité du compte courant) et l’équilibre interne (par l’utilisation complète du potentiel productif) dans le moyen terme.

Estimation de l’équilibre du compte courant

L’équilibre externe de moyen terme est égal à la soutenabilité du compte courant qui est la différence entre l’épargne domestique et l’investissement dans le moyen terme.
Les pays ont des configurations différentes des investissements et de l’épargne afin d’atteindre une allocation optimale du capital au niveau international et intertemporel.
Le compte courant est égal à l’équilibre entre l’épargne et l’investissement à moyen terme.
Les principaux déterminants du compte courant dans le moyen terme sont :
– l’équilibre du budget du gouvernement par le fait que le déficit public entraîne un effet négatif sur le compte courant.
– le ratio de dépendance des populations jeunes et âgées par rapport à la population en âge de travailler. Sachant qu’une influence négative de ce ratio implique plus de dépenses.
– le PIB réel relatif par habitant ayant une influence non linéaire selon les étapes de développement.
– les avoirs extérieurs nets qui peuvent apporter des effets positifs sur le revenu du capital.
– les investissements directs étrangers
– le ratio d’ouverture
– l’output gap qui est une variable de court terme
On peut prendre comme exemple l’estimation du taux de change d’équilibre de la Costa Rica par la méthode FEER de Claudio Paiva en 2001. Cet équilibre est conduit par les fondamentaux économiques et peut donc dévier substantiellement de la théorie de la PPA.

Estimation du taux de change réel d’équilibre par la méthode BEER

Cette estimation du taux de change réel d’équilibre peut aussi se faire par une définition statistique du taux de change d’équilibre par la méthode de (BEER : Behavioural Equilibrium Exchange Rate) par Clark et MacDonald en 1999.
Les déterminants fondamentaux du taux de change réel sont quantifiés par des estimations économétriques avec une version plus large sur la parité du taux d’intérêt non couverte comme théorie d’origine.
Le BEER met en évidence une estimation de la relation entre le taux de change réel d’équilibre et le nombre de fondamentaux et des facteurs transitoires par la technique de cointégration.
Les effets transitoires sont nuls et les valeurs actuelles des fondamentaux sont remplacés par la relation estimée. La déviation d’équilibre actuelle est obtenue par la comparaison du taux de change réel actuelle et le taux de change estimé. La valeur de long terme ou durable des fondamentaux est estimée soit par la décomposition des séries de questions aux composants permanents et transitoires, soit par l’évaluation subjective de la valeur de long terme.
L’estimation des valeurs de long terme est remplacée aux estimations (cointégration) de la relation entre le taux de change réel d’équilibre et les fondamentaux.
Pour dériver l’élargissement de la déviation totale de l’équilibre, la différence du taux de change réel d’équilibre actuel et estimé est calculée.

Les problèmes rencontrés pour mesurer le taux de change réel d’un pays

En mesurant le taux de change réel, on vise à comparer l’évolution du pouvoir d’achat entre les monnaies. Les problèmes principaux rencontrés pour mesurer le taux de change réel sont que les niveaux des prix élaborés par les autorités nationales de statistiques sont des indices invariables que des niveaux. En effet, on peut comparer les indices de prix et les taux de change de deux pays et dire que les biens sont devenus plus chers au cours du temps d’un pays par rapport à l’autre. Mais les données du niveau de prix national ne peuvent jamais montrer si les niveaux des prix ajustés des taux de change sont plus élevés dans un pays qu’à l’autre. Rogoff a pris le cas de l’Argentine qui a un taux de change le plus compétitif selon les listes de la moyenne des taux de change effectif réel de 59 pays durant la période 1990-2004. Les pays de l’Europe de l’Est ont connu une énorme appréciation de leur taux de change de 30% et plus qui est due par une très forte croissance leur productivité et une immense arrivée de capitaux. Mais ce n’est pas pour autant que l’Argentine soit le pays le plus compétitif au niveau mondial, mais cela montre que son taux de change réel est très éloigné des normes récentes. D’après le tableau A-3 , en l’absence d’un grand choc de productivité, un taux de change réel élevé est souvent un signe de faiblesse du compte courant. Pour le cas de l’Argentine, qui a un taux de change bas par rapport aux normes récentes a un surplus du compte courant. Les pays de l’Europe de l’Est, ayant une grande appréciation de leurs taux de change réels connaissent des déficits de leur compte courant. Tandis que les Etats-Unis qui ont un déficit record du compte courant à un taux de change réel à peu près le même qu’en 1990 où ce pays a connu un surplus de leur compte courant. Mais les situations du compte courant ne sont qu’une manifestation de la compétitivité. D’autres moyens sont aussi utilisés pour mesurer les taux de change réels comme l’utilisation de l’ensemble des données spécialisées afin de mesurer le coût absolu des paniers identiques de biens dans différents pays. Ces données sont utilisées par la banque mondiale pour comparer les revenus entre les pays par les indices de prix.

Les problèmes conceptuels pour interpréter les taux de change réels et les indices de compétitivité

La croissance du taux de change réel n’est pas toujours un signal de surévaluation. Les pays qui connaissent une croissance rapide de leur productivité peut constater une hausse des taux de change réels. En effet, les pays de l’Europe de l’Est ont connu une croissance plus rapide de leur productivité que les pays de l’Europe de l’Ouest mais pas à la même allure de l’appréciation de leur taux de change réel. Pour les pays qui ont des ressources naturelles abondantes, une hausse rapide de leur taux de change réel entrave la compétitivité dans d’autres industries, ce phénomène est connu sous le nom de: « Dutch disease ». Les prix élevés des matières premières de la Nouvelle-Zélande, l’Australie, et le Canada, qui sont des grands exportateurs, conduisent à un taux de change réel élevé par le fait que les effets richesse s’étendent à la demande interne pour les biens non échangés de ces pays.

Table des matières

INTRODUCTION 
PREMIERE PARTIE : APPROCHE THEORIQUE 
Chapitre 1 : THEORIES ECONOMIQUES DU COMMERCE EXTERIEUR
Section 1 : Le concept de l’avantage comparatif
I-1 : La différence entre avantage absolu et avantage comparatif
A- Avantage absolu
B- Avantage comparatif
I-2 : L’avantage comparatif et les gains de l’échange
I-3 : Les coûts de transport et biens non échangés
Section 2 : Les limites de l’avantage comparatif
Section 3 : Le modèle de Heckscher – Ohlin et Samuelson
III-1 : L’hypothèse du modèle
III-2 : L’importance des prix relatifs
III-3 : Les effets de l’échange international sur le modèle
Chapitre 2 : LA COMPETITIVITE ET LE TAUX DE CHANGE REEL
Section 1 : La parité du pouvoir d’achat et l’effet Balassa-Samuelson
I-1 : PPA absolue
I-2 : PPA relative
I-3 : L’effet Balassa-Samuelson
Section 2 : Les déterminants à court terme du taux de change
II-1 : La parité du taux d’intérêt
II-2 : Les bulles spéculatives et taux de change
II-3 : La théorie de la surréaction
Section 3 : L’évaluation du taux de change réel d’équilibre
III-1 : Le taux de change réel
A- Définition
B- Le taux de change réel et la balance courante
III-2 : Le taux de change d’équilibre
A- Les déterminants du taux de change réel d’équilibre du côté de l’offre
B- Les déterminants du taux de change d’équilibre du côté de la demande
III-3 : L’estimation du taux de change réel d’équilibre
A- Le modèle de Balassa- Samuelson
B- Estimation du taux de change d’équilibre par le « FEER »
C- Estimation du taux de change d’équilibre par la méthode « BEER »
III-4 : La théorie de Rogoff sur la compétitivité du taux de change réel
A- Les problèmes rencontrés pour mesurer le taux de change réel d’un pays
B- Les problèmes conceptuels pour interpréter les taux de change réels et les indices de compétitivité
Chapitre 3 : LA THEORIE DES FONDATIONS MICROECONOMIQUES DE Michael E PORTER
Section 1 : Les instruments utilisés pour mesurer la compétitivité
I-1 : « The Growth Competitiveness Index » : GCI
I-2 : « The Business Competitiveness Index » : BCI
Section 2 : L’importance des fondations microéconomiques pour l’amélioration de la compétitivité
II-1 : Les fondations microéconomiques de la productivité
II-2 : Les sources de compétitivité
II-3 : Les mesures de la compétitivité
Section 3 : La compétitivité et le développement économique
III-1 : Les pays à bas revenu
III-2 : Les pays à revenu intermédiaire
III-3 : Les pays avec un revenu élevé
DEUXIEME PARTIE : CAS DE MADAGASCAR 
Chapitre 1 : L’EVOLUTION DU TAUX DE CHANGE DE MADAGASCAR DE 1994 A 2004
Section 1 : La politique de change
I-1 : Le régime de change adopté depuis 1994
I-2 : Le Marché Interbancaire de Devise (MID)
Section 2 : L’évolution du taux de change de 1994-2004
Section 3 : Le taux de change effectif réel
Chapitre 2 : L’EVOLUTION DE LA COMPETITIVITE DE MADAGASCAR : 1994-2004
Section 1 : La performance de Madagascar en matière d’exportation
I-1 : Les principaux produits d’exportations
A- Les exportations d’origine agricole
B- Les exportations d’origine non agricole hors entreprises franches
C- Les exportations des entreprises franches
I-2 : Principaux traits du commerce extérieur de Madagascar
A- Les importations
B- Les exportations
C- Evolution de la Balance commerciale
Section 2 : Le niveau salarial de Madagascar
Section 3 : Le tourisme
Chapitre 3 : LES ATOUTS ET FAIBLESSES DE MADAGASCAR EN TERME DE COMPETITIVITE
Section 1 : Situation macroéconomique de Madagascar en général
I-1 : L’évolution de la croissance
I-2 : Le niveau des réserves de la Banque Centrale et l’évolution du taux d’inflation
I-3 : La comparaison du commerce extérieur de Madagascar et son taux de change
Section 2 : Les atouts et les faiblesses en terme de compétitivité
II-1 : La performance des entreprises franches
II-2 : Le rôle de l’Etat et du secteur privé
Section 3 : La compétitivité et le taux de change effectif réel selon le rapport du FMI par S JAHJAH et Alii
CONCLUSION 

projet fin d'etude

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