Généralités sur le modèle caprin
Le modèle d’étude choisi pour ma thèse est le modèle caprin. En effet, la chèvre est une espèce importante du paysage agricole et son comportement alimentaire spécifique en fait un modèle de choix pour étudier le comportement alimentaire. De plus, les études sur le comportement alimentaire des caprins sont peu nombreuses par rapport aux nombreuses études réalisées sur les autres ruminants, notamment les bovins. Dans cette deuxième partie introductive, nous allons aborder les généralités du modèle caprin, avec tout d’abord quelques chiffres de la filière caprine dans le monde puis en précisant pour la France et la Nouvelle-Zélande, les deux pays où les études présentées dans les chapitres 3, 4 et 5 ont été réalisées, avant de nous intéresser aux caractéristiques des principales races d’élevage, l’alpine et la Saanen. Enfin, nous aborderons la chèvre comme un ruminant au comportement alimentaire particulier en traitant de ses spécificités.
L’élevage caprin
L’un des premiers animaux domestiqués en tant qu’animal d’élevage était la chèvre, il y a environ dix mille ans (Colli et al., 2015). Néanmoins elle a été pendant très longtemps considérée comme étant la « vache du pauvre », réputée comme un animal qu’on élève quand on ne peut rien élever d’autre étant donné l’investissement en capital et les coûts de production nécessaires plus faibles que pour les bovins. Un renouvellement générationnel rapide des animaux permet aussi une production de lait plus précoce par rapport à d’autres espèces laitières. La chèvre a connu un regain d’intérêt en France après mai 1968. Les consommateurs s’intéressent alors de plus en plus aux produits caprins et l’élevage de chèvres devient une activité à part entière.
La filière caprine
2.1.1.1. Dans le monde Depuis les années 1960, le nombre de caprins présents dans le monde a triplé : il est passé de 350 millions de têtes à plus d’un milliard en 2017 (Figure 8 ; FAO, 2017). Le cheptel caprin se retrouvait alors majoritairement en Asie et en Afrique, suivies des Amériques et dans une moindre mesure en Europe et en Océanie (Figure 9 ; FAO, 2017). Figure 8. Évolution du nombre de têtes de caprins dans le monde entre 1961 et 2017. Source FAOSTAT consultée le 18/08/2020. Chapitre 1. Introduction générale 54 Figure 9. Répartition mondiale du cheptel caprin en 2017. Source FAOSTAT consultée le 18/08/2020. En Asie et en Afrique les chèvres sont principalement élevées dans des systèmes extensifs (Escareño et al., 2012). Ainsi, la majorité des chèvres dans le monde passe leur vie en plein air. En Europe et en Amérique du Nord, les chèvres laitières sont principalement élevées dans des systèmes intensifs (Solaiman, 2010) se caractérisant par une productivité élevée, des apports en ressources importants et des chèvres hébergées en bâtiments avec un accès limité voir pas d’accès à l’extérieur. La production mondiale de lait s’élevait en 2017 à 18,7 millions de tonnes avec plus de 10 millions de tonnes en Asie, plus de 4 millions de tonnes produites en Afrique, presque 3 millions de tonnes en Europe et seulement 0,75 millions de tonnes en Amérique (FAO, 2017). L’Asie et l’Afrique sont les producteurs les plus importants en raison de leur forte population caprine. Cependant, en termes de production par animal, l’Europe dépasse les autres régions avec un rendement moyen presque cinq fois supérieur à la moyenne du reste du monde (FAO, 2017). La production de viande caprine quant à elle a beaucoup augmenté durant la période 2000-2012, avec 41,66 % d’augmentation (Skapetas et Bampidis, 2016). Elle reste néanmoins faible avec moins de 6 millions de tonnes dans le monde en 2017.
En France
Avec ses 1,3 millions de têtes qui représentent presque 10 % du cheptel européen, la France se place 4ème après la Grèce, l’Espagne et la Roumanie au classement des pays européens producteurs caprins en 2017 (FAO, 2017). Toutes les régions de France sont concernées par l’élevage caprin, avec un nombre élevé de têtes, notamment dans le sudouest. Il est essentiellement à vocation laitière. La France est d’ailleurs le leader européen en termes de production de lait, devant l’Espagne, la Grèce et la Roumanie, avec plus de 610 millions de litres de lait de chèvre produits en 2017 (FAO, 2017) et également le premier fabricant de fromages de chèvre au monde (ANICAP, 2017). C’est aussi un pays très consommateur de fromages de chèvre : plus de 58 % de la production de fromages est achetée par les ménages (FAO, 2017). La viande caprine, quant à elle, est peu consommée en France. Une filière laine avec de la laine de mohair est également présente sur le territoire dans une moindre mesure. Les systèmes d’alimentation caprins sont très diversifiés allant de systèmes pastoraux à des conduites hors-sol utilisant fortement le concentré. Caillat et al. (2016) ont rapporté que 57 % des élevages caprins laitiers ont un système alimentaire reposant sur l’utilisation de fourrages conservés (secs ou humides) contre 43 % utilisant des fourrages verts (affouragement, pâturage). Les chèvres sont donc le plus souvent élevées toute l’année en bâtiments et le fourrage distribué est majoritairement du fourrage conservé. Plusieurs types de rations fourragères sont possibles : les rations à dominante foins, les rations à base de foin de légumineuses (par exemple la luzerne), l’ensilage de maïs, les foins secs, et les foins humides ou enrubannages (Caillat et al., 2016). Des pulpes ou des fourrages déshydratés présentés sous forme de granulés sont également souvent utilisés pour limiter les refus. Bien que des races traditionnelles existent, les races laitières constituant l’essentiel du cheptel français sont l’alpine, et la Saanen, qui représentent 55 % et 42 % du cheptel français, respectivement (France Génétique Elevage, 2014). Leurs caractéristiques respectives sont développées dans la partie 2.1.2 de ce chapitre