Les télécommunications par fibres optiques
Avant toute chose, il est bon de rappeler en quoi consistent les communications. Il s’agit de transmettre des informations entre un émetteur (source de l’information) et un récepteur distants l’un de l’autre. En pratique, un opérateur de communication fournit les moyens d’établir la liaison entre l’émetteur et le récepteur. En particulier, il met à disposition le matériel d’émission, de réception ainsi que vecteur de communication (fils électriques, fibres optiques, etc…). La quantité d’informations à véhiculer ne cessant d’augmenter, les opérateurs de télécommunications cherchent à accroître les capacités de leurs systèmes tout en limitant leurs coûts. En général, la méthode employée consiste à augmenter la quantité d’informations transmises en utilisant le même support physique, autrement dit améliorer le débit de transmission.
Les deux premiers choix techniques qui ont été effectués ont concerné la méthode d’envoi des informations et le vecteur de transmission. Dès le début, les informations ont été représentées sous forme numérique et transmises par modulation d’amplitude par tout ou rien (OOK pour On-Off Keying). Pour le vecteur de transmission, des années 1830 jusqu’au début des années 1980, c’est l’électricité qui a été retenue avec pour milieux successifs la paire torsadée (limitée par sa faible bande passante) et le câble coaxial. Les débits de 274 Mb/s sont réalisés avec des câbles coaxiaux commerciaux dès 1975. Cependant, dès les années 1960, l’idée d’utiliser la lumière comme moyen de transmission apparaît avec le début des lasers et les progrès en optique guidée. Elle ne devient commercialement effective qu’à partir de 1980, une fois maîtrisées la fabrication des lasers à semiconducteur émettant à 0,8 mm et la réalisation de fibres optiques à faibles pertes. La mise en place de ces systèmes optiques de première génération tient alors essentiellement au fait que l’atténuation du signal le long de la fibre permet de transmettre les informations sur 10 km (contre 1 km pour les câbles coaxiaux) sans avoir à les répéter. Le critère évaluant les performances devient alors le produit débit – longueur entre répéteurs : Db.Lg et atteint 450 Mb.km/s.
Les autres évolutions des systèmes de communications optiques visent à améliorer le produit Db.Lg et reposent sur l’exploitation de caractéristiques des fibres optiques (dispersion– atténuation), l’apparition des amplificateurs à fibre et l’utilisation du multiplexage en longueur d’onde. Ces éléments fondamentaux étant décrits dans les paragraphes suivants, nous indiquerons alors leur influence sur les communications optiques.
Amplificateurs à fibre
Comme nous venons de l’énoncer, les amplificateurs à semiconducteur possèdent des gains et des bandes passantes intéressantes mais les effets non linéaires ne les rendent pas attractifs pour l’amplification en ligne. Pour contre-carrer ces inconvénients et éviter les problèmes de couplage avec la fibre, la recherche d’amplificateurs basés sur les fibres optiques a été favorisée.
Les différents travaux permettent de démontrer que l’amplification dans les fibres peut être de natures distinctes. Soit, comme précédemment, l’amplification est de type émission stimulée et l’on a affaire à un amplificateur à fibre dopée, soit elle provient de l’interaction photons/phonons (effet Raman ou Brillouin) et l’on parle alors d’amplificateurs non linéaires. Dans les deux cas, on souligne que ces composants sont conçus à partir de fibres optiques et donc l’ensemble des propriétés des fibres.
Amplificateurs à fibre dopée : Les amplificateurs à fibre dopée ont été introduits dès 1964 et commercialisés au début des années 1990. Il s’agit de morceaux de fibres optiques de longueur variant de quelques centimètres à quelques dizaines de mètres dans le cœur desquelles ont été ajoutés des ions de terre rare. Le dopant le plus utilisé est l’erbium qui permet d’obtenir du gain sur la fenêtre de spectrale dite C (pour central wavelengths) qui couvre les longueurs d’onde de 1528 à 1563 nm. Lorsqu’un signal laser de longueur d’onde plus faible (980 ou 1480 nm) dit signal de pompe est envoyé dans la fibre, les dopants passent dans un état de plus haute énergie dit excité. Le passage d’un photon dans la bande de gain stimule les ions excités à relâcher des photons de même longueur d’onde et on retrouve le phénomène d’amplification par émission stimulée. La nature de la radiation (relaxation d’ions) fait que la dynamique de ce milieu est généralement plus lente que celle des amplificateurs à semiconducteur. Cependant le gain est quasi indépendant de la température.
L’apport de la puissance de pompe peut se faire avec un ou plusieurs lasers, de longueur d’onde identique ou différente et se propageant dans le même sens que le signal à amplifier ou non. La répartition des lasers de pompe employée est retenue pour obtenir non seulement une conversion efficace de l’énergie vers l’amplification mais aussi pour améliorer d’autres caractéristiques (niveaux de bruit, puissance de saturation, …).
Amplificateurs non linéaires : Contrairement aux deux précédents types d’amplificateurs que nous avons introduits, l’amplification dans ces composants ne repose pas sur une émission stimulée mais sur l’utilisation d’un des phénomènes non linéaires non résonnants que sont les effets Raman ou Brillouin. Ces effets proviennent de l’interaction avec perte d’énergie de photons avec le milieu (diffusion inélastique). La perte d’énergie, représentée par l’apparition d’un phonon, se traduit par un transfert inélastique de puissance de la fréquence initiale vers une fréquence inférieure. Dans la
fibre, un décalage fréquentiel de 11 GHz correspond à la création d’un phonon acoustique et donc à l’effet Brillouin tandis qu’à la valeur d’environ 13,2 THz est associée un phonon optique soit l’effet Raman. Dans les deux cas, cet échange est négligeable à faible puissance mais augmente exponentiellement une fois une puissance seuil dépassée. En dépit de leur origine similaire, chacun de ces deux phénomènes présente ses spécificités du fait que des relations de dispersion différentes s’appliquent aux deux types de phonons. En particulier, l’effet Brillouin se caractérise par une transformation à bande très étroite (environ 100 MHz) du photon initial en un photon contra-propagatif. L’effet Raman, quant à lui, se produit dans le même sens de propagation que le photon initial sur une bande passante bien plus étendue (environ 6 THz). Toutefois, il présente une puissance de seuil plus importante que l’effet Brillouin (@570 mW contre @5 mW à 1,55 mm).
Les réseaux de télécommunications WDM
Les techniques de multiplexage rappelées, nous nous intéressons ici aux différentes organisations possibles de la communication entre plusieurs interlocuteurs soit à la notion de réseaux. Cette présentation des architectures WDM, nous donne aussi la possibilité d’indiquer quelles sont les sources optiques les plus appropriées au cas par cas.
Présentation générale : Traditionnellement, les réseaux de communication sont classés en trois catégories en fonction de leur taille :
ß les réseaux mondiaux (WAN pour World Area Network). Ils se caractérisent par des transmissions à haute capacité, sur de grandes distances et entre un faible nombre de points d’accès. Ils comprennent notamment les liaisons transocéaniques et privilégient la technologie WDM pour permettre l’acheminement rapide des informations, ß les réseaux locaux (LAN pour Local Area Network) qui couvrent une zone géographique beaucoup plus réduite comme un campus, une entreprise, et présentent de nombreux points d’accès. Ici, c’est le multiplexage temporel qui domine, ß les réseaux métropolitains (MAN pour Metropolitan Area Network) qui font la jonction entre les deux types de réseaux précédents. Les deux formes de multiplexage y sont utilisées mais le WDM prend de plus en plus d’importance au vu de l’accroissement de la demande et des nouvelles architectures proposées.
Dans tous les cas, il faut retenir, que, à l’heure actuelle, toutes les opérations d’aiguillage des données sont effectuées dans le domaine électrique avec un débit des informations au mieux de 155 Mb/s (dit STM-1).
Notre étude concernant les réseaux WDM, nous nous concentrons uniquement sur les réseaux de haut niveau (WAN et MAN). Dans ce cas, l’incorporation du multiplexage en longueur d’onde apparaît inévitable, mais plusieurs architectures, plus ou moins sophistiquées, restent envisageables : ß les réseaux fixes où les émetteurs sont reliés à un certain nombre de récepteurs mais aucune modification possible des interconnexions établies, ß les réseaux adressés en longueur d’onde. Ils cherchent à introduire une plus grande flexibilité au niveau des interconnexions en utilisant la longueur d’onde comme système d’adressage des informations.
Lasers à fibre
L’apparition des amplificateurs à fibre dopée a créé une nouvelle vague de recherches dans le domaine des sources accordables. Elle a pris d’autant plus d’importance que la gamme d’émission laser est identique à celle de l’amplification en ligne. De plus, ces lasers offrent l’avantage d’avoir un couplage idéal avec le milieu de propagation contrairement aux systèmes à semiconducteur. Les longueurs de cavité considérées étant, en général, de l’ordre de la dizaine de mètres, l’espace entre les modes est typiquement de 20 MHz. Un accord continu en longueur d’onde, notamment en chauffant un tronçon de fibre, n’est pas d’un grand intérêt. Les méthodes pour modifier la fréquence de ces lasers reposent donc sur l’insertion intracavité d’un filtre et un accord en longueur d’onde par sauts de modes.
La première méthode que nous décrirons ici est l’accordabilité par rotation de la polarisation. Le laser est alors constitué d’un amplificateur à fibre, de deux miroirs et d’un polariseur. Comme la fibre optique possède une dispersion chromatique, on retrouve le fonctionnement du système électro-optique décrit au paragraphe précédent lorsqu’on modifie l’angle du polariseur par rapport aux axes de la lame dispersive. Cette technique permet de réaliser des accords en longueur d’onde pouvant atteindre 42 nm quand la biréfringence totale dans la cavité est suffisante. Malheureusement, le contrôle électrique d’un tel système n’est pas aisé. Pour palier à ce problème, il convient de mettre en œuvre d’autres méthodes. Une solution est de concevoir une cavité dont au moins un des miroirs est un filtre de Bragg inscrit dans une fibre. Si l’on suppose le gain uniforme, la longueur d’onde laser est alors donnée par le mode longitudinal le plus proche du pic de transmission du filtre de Bragg. L’accordabilité en longueur d’onde est alors obtenue soit par effet thermique sur un morceau du filtre (variation de neff), soit par compression (modification de L). Les limites d’accordabilité en longueur d’onde sont alors fixées par la résistance thermique ou mécanique de la fibre et conduisent à des plages d’accord de 2,15 nm et 32 nm (respectivement). La commutation en longueur d’onde prend environ une milliseconde.
Matrice de lasers à semiconducteur
La source idéale recherchée doit être capable d’émettre plusieurs longueurs d’onde précises, de moduler les signaux individuellement et de fournir un système d’injection vers une fibre optique adapté. La méthode la plus directe pour y parvenir consiste à recourir à une série de lasers auxquels on adjoint un système d’injection vers la fibre, un modulateur externe (pour éviter le chirp) et un circuit d’alimentation qui assure les contrôles de la puissance émise et de la longueur d’onde (contrôle thermique ou autre).
L’élaboration de matrices de lasers à semiconducteur cherche à simplifier et/ou miniaturiser ce système d’émission ainsi que sa fabrication. Il s’agit alors de réaliser sur un seul wafer un ensemble de lasers de caractéristiques données.
Un des problèmes que pose l’utilisation des lasers à semiconducteurs émettant par la tranche est l’insertion de la puissance optique dans une fibre optique. Afin de réduire considérablement le nombre de couplages à effectuer, on peut élaborer une puce qui comporte à la fois les lasers et un système combinant leur émission vers un seul guide, notamment grâce à un phasar , ou coupleur interférentiel multimode .
La structure matricielle autorise aussi le développement de nouvelles méthodes pour fabriquer les composants. En particulier, pour élaborer des matrices de lasers dont la longueur d’onde varie d’un laser à l’autre, on peut ne recourir qu’à une seule illumination holographique pour l’inscription des réseaux de Bragg. Cette stratégie simplifie alors le procédé de fabrication tout en conservant des précisions et des répétabilités similaires à celles éprouvées auparavant. Cette approche a notamment donné lieu à la fabrication de matrices de 4 lasers DBR et 21 lasers SGDBR.
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I INTRODUCTION AUX SYSTÈMES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS OPTIQUES
1 Les télécommunications par fibres optiques
1.1 Bref historique
1.2 Les fibres optiques
1.3 Les amplificateurs optiques
1.4 Conclusion
2 Les réseaux WDM
2.1 Techniques de multiplexage
2.2 Les réseaux de télécommunications WDM
2.3 Réseaux WDM et sources optiques adaptées : un résumé
3 Les sources pour les réseaux WDM
3.1 Les lasers
3.2 Les sources fixes des liaisons point-à-point
3.3 Sources accordables
3.4 Sources multi-longueurs d’onde
4 Notre étude
5 Bibliographie
CHAPITRE II LE LASER À FIBRE DOPÉE ERBIUM
1 Milieu amplificateur
1.1 L’ion erbium
1.2 Modélisation du milieu amplificateur
2 Obtention des sections efficaces
2.1 Principe de la détermination des paramètres de modélisation
2.2 Initialisation de la méthode d’obtention des sections efficaces
2.3 Paramètres de modélisation : résultats
3 La fonction d’amplification
3.1 Régime continu de l’amplificateur
3.2 Régime dynamique de l’amplificateur
4 Le laser à fibre
4.1 Architectures de lasers à fibre
4.2 Modélisation
4.3 Propriétés d’un laser continu
5 Bibliographie
CHAPITRE III LA SOURCE IMPULSIONNELLE ACCORDABLE
1 Description de la source
1.1 Architecture laser
1.2 L’accordabilité du laser
1.3 Génération d’impulsions
2 Le filtre électro-optique
2.1 Conception
2.2 Réalisation pratique
2.3 Caractérisation
3 Accordabilité
3.1 Effet de l’insertion dans la cavité
3.2 Résultats expérimentaux
3.3 Temps de commutation
4 Comportement impulsionnel
4.1 Régime de mode déclenché
4.2 Synchronisation de modes
5 Conclusion
5.1 Rappel des résultats et applications
5.2 Améliorations envisageables
6 Bibliographie
CHAPITRE IV LA SOURCE MULTI-LONGUEURS D’ONDE
1 Principes
1.1 Faible cadence de répétition
1.2 Haute cadence de répétition
2 Méthodes de caractérisation
2.1 Les techniques classiques
2.2 Les méthodes avec fenêtrage
3 Résultats expérimentaux
3.1 Comportement à faible fréquence
3.2 Comportement à haute fréquence
4 Conclusion
5 Bibliographie
CONCLUSION
APPENDICE A LES RESEAUX DE TELECOMMUNICATIONS