Connaissances générales sur la réaction sulfatique interne
La réaction sulfatique par formation d’ettringite secondaire ou par formation différée d’ettringite est considérée par le nombre et l’importance des ouvrages atteints comme la deuxième cause chimique provoquant le gonflement du béton, après la réaction alcali-silice. La présence des ions sulfates dans l’environnement extérieur, dans les granulats pouvant se dégrader, ou dans les parties constituant la matrice cimentaire provoque une réaction chimique progressive avec la portlandite. L’origine du gonflement est attribuée à la formation d’ettringite qui présente, sous certaines conditions thermodynamiques, des propriétés expansives. Dans ce chapitre nous allons présenter les différentes formes d’ettringite qui peuvent se former au cours de la vie du béton en nous concentrant sur la formation différée d’ettringite, responsable de la réaction sulfatique interne. On présentera la manifestation de cette pathologie à différentes échelles d’observation. On exposera les mécanismes de cette pathologie ainsi que les différents paramètres l’influençant. II. Formation d’ettringite dans la vie du béton L’ettringite, ou trisulfoaluminate de calcium (3CaOAl2O3.3CaSO4.(30 à 32)H2O), est un minéral cristallin de couleur blanche ou peu coloré par les impuretés, d’une apparence transparente et avec une surface vitreuse. Sa formation est due à la réaction entre les sulfates, les aluminates de calcium C3A et de l’eau. La formation de l’ettringite s’effectue selon la réaction suivante : ( ) – 2+ 2- – 4 4 2 2 3 4 2 2Al OH +6Ca +3SO +4HO+ 26H O 3CaO·Al O ·3CaSO · → 32H O Selon le processus de formation de l’ettringite, que ce soit dans la pâte, le mortier ou le béton, différents noms lui sont attribués. Les différents types d’ettringite qu’on peut rencontrer sont les suivants : Connaissances générales sur la réaction sulfatique interne 22 L’ettringite bloquante (Michaud et Suderman, 1999), elle se forme lors des premières minutes suivant le contact eau – ciment et une partie de l’ettringite, formée durant la période dormante, précipite sous forme d’aiguilles de très petites dimensions ne dépassant pas 0,25 µm de largeur et 1 µm de longueur (Metha, 1973). L’ettringite bloquante permet de retarder l’hydratation et assure, donc, la maniabilité du béton nécessaire pour sa mise en place. L’ettringite primaire (Scott, 1997), La quantité maximale d’ettringite primaire est en général formée au bout de 24 heures (Odler, 1998). Elle précipite dans la solution interstitielle sous forme d’aiguilles de plus grande dimension que celles de l’ettringite bloquante. L’épaisseur des cristaux d’ettringite primaire est supérieure à 0,5 µm alors que leur longueur est de 6 µm. Des cristaux d’ettringite dont la longueur dépasse 120 µm sont également rapportés dans la littérature (Midgley et Pettifer, 1971). Lors de l’hydratation « normale», à une température ne dépassant pas 60°C lors du pic de température dû au caractère exothermique de la prise du ciment et sous une pression atmosphérique, la majorité des ions SO4 2- se trouve dans la structure cristalline de l’ettringite primaire. L’ettringite secondaire : elle correspond à une ettringite qui cristallise dans le béton durci, à la faveur de circulations d’eau dans les bétons (phénomène de dissolution/recristallisation) et de sources de sulfates externes (sols, milieu marin…) ou internes (selon la quantité de sulfate dans les constituants du béton). Cette ettringite peut générer des gonflements internes pouvant conduire à l’apparition de désordres dans les ouvrages. Les ions SO4 2- externes ou issus de dissolutions perturbent l’équilibre ionique préexistant et conduisent à une néoformation de gypse et d’ettringite secondaire. Formation différée de L’ettringite: plus connue sous le nom de DEF – /Delayed ettringite formation/. Cette ettringite se différencie de l’ettringite secondaire essentiellement par l’origine des ions sulfate SO4 2- nécessaire à sa formation. En effet, la source des sulfates pour l’ettringite secondaire peut être le milieu extérieur (sols, milieu marin…) alors que pour la DEF les ions SO4 2- sont relâchés depuis la porosité inter-feuillets des C-S-H il s’agit d’une source interne au béton. La DEF est le sujet de notre recherche ; pour cela on examinera plus en détail sa manifestation aux différentes échelles d’observation, son mécanisme de formation et les différents paramètres intervenant dans ce phénomène. Cette analyse est faite dans la section suivante. III. Formation différée de l’ettringite Les réactions sulfatiques internes (RSI) sont des pathologies attribuées à la formation d’ettringite dans un matériau cimentaire déjà durci, sans apport de sulfates par le milieu extérieur. Elles semblent nécessiter en général un apport suffisant en eau. L’étude de la réaction sulfatique interne principalement observée est la formation différée d’ettringite. Ce phénomène concerne uniquement certains bétons ayant subi, au jeune âge, une augmentation de température conduisant à une exposition suffisamment longue à une température supérieure à 65°C-70°C. Au-delà de ce seuil, l’ettringite déjà formée se décompose, tandis que la formation de nouvelle ettringite est empêchée en effet la forme stable des sulfates à cette température est le monosulfoalumunate éventuellement dissocier sous forme ionique. Les ions SO4 -2 sont alors principalement adsorbés dans les C-S-H, dont la formation est également accélérée. De telles conditions de température peuvent se produire au cours de traitements par étuvage souvent utilisés pour les éléments préfabriqués en usine, ou dans le cas de pièces massives en béton lors que la chaleur d’hydratation du ciment ne peut pas s’évacuer assez vite. Par la suite, des cristaux d’ettringite peuvent se former dans le béton durci, après retour à la température ambiante. Les ions SO4 -2 adsorbés dans les C-S-H, ainsi que ceux des monosulfates présents à l’intérieur du béton, servant de source de sulfates, sont ainsi susceptibles de provoquer des pressions de gonflement conduisant à des phénomènes 23 d’expansion. Ce processus nécessite la présence d’une humidité élevée et peut s’étaler sur plusieurs années. Ce qui distingue la RSI des attaques sulfatiques externes, c’est que l’ettringite qui devrait se former durant l’hydratation est déstabilisée du fait d’une augmentation significative de sa solubilité consécutive à un échauffement important. Le phénomène est potentiellement réparti dans la pièce en béton, principalement à cœur, et ne connaît pas de gradient de développement associer à la diffusion d’ion sulfates en provenance de l’extérieur. La RSI est parfois qualifiée d’attaque sulfatique interne engendrée par un échauffement (Skalny et Thaulow 2002). Un échauffement tardif, par exemple celui appliqué par (Barbarulo 2002) (Barbarulo et al. 2005) (85°C pendant un mois, un an après le coulage), peut déstabiliser l’ettringite formée pendant la période de l’hydratation correspondant au durcissement du béton. Si elle a lieu, sous certaines conditions, la reprécipitation de cette ettringite déstabilisée peut aussi conduire à des dégradations.