Complexité économique et Inégalité de Genre en Education
Introduction
Le 20e siècle a été marqué par un mouvement généralisé vers l’égalité de genre. Bien que cela ait conduit à de meilleures opportunités pour les femmes, essentiellement dans les économies développées, des constats parfois effrayants peuvent être analysés dans certaines économies en développement où l’égalité des sexes est encore un objectif lointain. Le taux de mortalité des femmes et des filles, par exemple, est beaucoup plus important en Asie du Sud par rapport à leurs homologues masculins (Sen, 1989; Klasen, 1994, WB, 2016). L’éducation diffère considérablement entre les sexes essentiellement dans les économies en développement et les écarts de rémunération existent toujours (OIT, 2004, WB, 2016). Au-delà des souffrances humaines souvent sévères des femmes qui sont soumises à la discrimination, les conséquences économiques pour l’économie concernée peuvent être considérables. À savoir, les préjugés sexistes peuvent réduire les taux de croissance économique à travers la mise en place de mesures commerciales protectionnistes contre la concurrence étrangère en dénonçant les normes du travail de leurs concurrents à faible coût (WEF, 2010). Dans la littérature, il est démontré que le commerce extérieur a un effet significatif sur l’inégalité entre les sexes dans l’éducation, mais il n’y a pas de consensus sur la direction de l’impact , à savoir positif ou négatif (ILO, 2004; Korinek, 2005; Arora, 2012). Cependant, ces travaux ne tiennent pas compte de la structure productive. En effet, la productivité d’une économie résultant de la diversité de sa capacité de production et des lacunes en termes de revenu par habitant entre les économies pourrait être expliquée par les différences des niveaux de complexité économique (Hausmann et al., 2007, Hausmann et Hidalgo 2010, McMillan et Rodrik, 2011, Aditya et Acharyya 2012, Felipe et al., 2012.). Dans ce chapitre nous utilisons la mesure théorique de la complexité économique fondée uniquement sur des données commerciales (Hidalgo et Hausmann, 2009) pour établir un lien entre les inégalités de genre en éducation et la complexification des structures productives. Nous partons de l’hypothèse que l’égalité de genre en éducation a des effets directs sur les capacités productives et est donc un atout pour l’économie, où les femmes constituent plus de 39% de la population active Chapitre 4 : Complexité économique et Inégalité de Genre en Education : Approche par la théorie d’HOS 159 totale, 42% de la main d’œuvre agricole, et près de 55% des étudiants universitaires à l’échelle internationale en 2014 (WB, 2015). Il importe alors que les aptitudes et compétences des femmes soient consacrées à des activités qui les mobilisent au mieux. La question est de savoir de quelle manière la complexification des systèmes productifs affecte-t-elle les inégalités de genre en éducation ? Et, si cette complexité a un effet significatif, peut-elle amener les économies en développement vers une égalité de genre en éducation ?
Inégalités de Genre
Un nouvel éclairage L’inégalité de genre (IG) représente un obstacle majeur au développement humain. Depuis ces trois dernières décennies, les filles et les femmes ont réalisé des progrès considérables, sans pour autant atteindre l’égalité des sexes. Plus de deux tiers de l’ensemble des économies du monde affichent dorénavant les mêmes taux de scolarisation primaire pour les garçons et les filles. Et dans plus d’un tiers des économies, les filles sont sensiblement plus nombreuses que les garçons dans le secondaire. Enfin dans l’enseignement supérieur, il n’est pas rare que la situation soit désormais inversée : les hommes sont en moins bonne posture que les femmes. (WB, 2016). Les handicaps auxquels elles sont confrontées représentent une source majeure d’inégalité notamment dans les domaines fondamentaux tels que l’accès à la santé, à l’éducation, à l’emploi, … avec des répercussions négatives pour le développement de leurs capacités et leur liberté de choix. Ainsi, l’IG mesure les inégalités de genre dans trois dimensions importantes du développement humain. La première est la santé reproductive mesurée par le taux de mortalité maternelle et le taux de fertilité des adolescentes. La deuxième est l’autonomisation, mesurée par la part de sièges parlementaires occupés par des femmes et la part de femmes et d’hommes adultes âgés de 25 ans et plus ayant atteint au moins un niveau d’éducation secondaire. Le troisième est le statut économique exprimé en participation au marché du travail et mesuré par le taux d’activité de la population active chez les femmes et les hommes âgés de 15 ans et plus. Cet indicateur offrira un nouvel éclairage sur la situation des femmes dans plus de 133 pays sur la période de 1984 à 2014. Nous donnerons un aperçu des écarts entre les sexes dans l’un des domaines majeurs du développement humain : l’éducation. Une éducation de qualité basée sur les droits fondamentaux Chapitre 4 : Complexité économique et Inégalité de Genre en Education : Approche par la théorie d’HOS 162 et enracinée sur le concept d’égalité des sexes, génèrera des opportunités qui présenteront un effet bénéfique jusqu’aux générations à venir. 2.1. Mesure et principales limites L’IG est conçu sur le même modèle que l’IDH (Indice de Développement Humain) afin de mieux démontrer les différences de répartition et les déséquilibres entre les hommes et les femmes en matière de réalisation. Il mesure les coûts de l’inégalité de genre en termes de développement, cela signifie que plus la valeur de l’IG est grande, plus les inégalités entre les femmes et les hommes sont importantes. Les valeurs de l’IG varient considérablement entre les économies. En matière d’éducation, la parité entre les sexes est calculée dans notre étude en divisant le taux brut de scolarisation des femmes (F) par le taux brut de scolarisation des hommes (M) pour le niveau d’enseignement donné i et à l’instant t. Nous parlons alors d’inégalité de genre en éducation (IGE). Cette méthode nécessite des informations sur la structure de l’enseignement, les inscriptions dans chaque niveau d’éducation et les populations des groupes d’âge correspondant aux niveaux donnés de l’éducation. Cette mesure reflète également le niveau de l’autonomisation des femmes dans la société. En effet, cet indice peut être aussi désagrégé par type d’établissement (public / privé) et situation géographique (région, urbain / rural). Dans cette étude, nous avons choisi de désagréger par niveau d’enseignement primaire, secondaire et tertiaire. Ainsi, l’IGE est formalisé comme suit: 𝐼𝐺𝐸𝑖 𝑡 = 𝐹𝑖 𝑡 𝑀𝑖 𝑡 Lorsque l’IGE est égal à 1 cela indique une égalité parfaite entre les femmes et les hommes. Une valeur inférieure à 1 indique une inégalité en faveur des garçons/hommes et une valeur supérieure à 1 indique une inégalité en faveur des filles/femmes.