Vulnérabilité intrinsèque de la maternité et psychopathologie du péripartum

Vulnérabilité intrinsèque de la maternité et psychopathologie du péripartum

 Les troubles prénataux 

La dépression prénatale 10 à 20% des femmes durant leur grossesse souffrent de dépression anténatale. En fonction du trimestre de la grossesse, sa prévalence varie : au premier trimestre, 7,4 % des femmes présenteraient des symptômes dépressifs, contre 12,8 % au deuxième et 12 % au troisième trimestre. (Bennett et coll., 2004 ; Gaugue-Finot et coll., 2010) La symptomatologie n’est pas spécifique de la grossesse, si ce n’est la culpabilité centrée sur le fœtus et le sentiment d’incapacité concernant la maternité. Dans sa forme majeure, elle est dominée par une intense tristesse souvent douloureuse, une difficulté à tirer du plaisir d’activités quotidiennes et de la grossesse en elle-même. La future mère est irritable, hostile, agressive spécifiquement envers les proches. La vie sociale, familiale et professionnelle est souvent altérée. La libido est diminuée, des troubles alimentaires et du sommeil sont souvent au premier plan. La dépression prénatale est peu identifiée du fait de la ressemblance entre certains symptômes de la dépression et les maux classiques de la grossesse (par exemple les troubles du sommeil ou la fatigue), et de ce fait pourrait être souvent sous-estimée. Notons qu’une femme présentant des signes de dépression en pré-partum à plus de risque de développer une dépression du post-partum. (Felice et coll.,2004) Dans leur méta-analyse Robertson et coll. (2004) ont démontré qu’un faible soutien social, des troubles psychiatriques, des conditions socioéconomiques difficiles et des événements de vie négatifs sont fréquemment liés à la dépression prénatale. L’existence d’éventuels troubles psychopathologiques avant la grossesse et l’histoire de chaque femme modulent ces variables psychosociales (Fericelli, 2009). Ross et coll. (2004) ont proposé un modèle biopsychosocial suggérant que la dépression prénatale pourrait résulter de l’interaction entre facteurs biologiques (concentration hormonale) et psychologiques (événements de vie stressants, manque de support social). Enfin, les femmes primipares sont plus à risque que les multipares (Gaugue-Finot et coll., 2010).

L’anxiété prénatale

En ce qui concerne l’anxiété anténatale, les études rapportent des taux allant de 12 % à 59 % pendant la grossesse (Faisal-Cury et Menezes, 2007 ; Skari et coll., 2002). Ce trouble se définit par des inquiétudes démesurées qui se transforment en angoisses à propos des modifications corporelles, des futures compétences maternelles et sur le fœtus puis le bébé (peur qu’il meurt, qu’il s’étouffe, voire que la mère elle-même étouffe son bébé..). Ces angoisses peuvent avoir une expression somatique. L’anxiété maternelle a été mise en évidence comme un facteur de risque important pour la santé physique de la future mère et de son bébé (Nierop et coll.,2008 ; Reading, 1983)

Co-occurrence de la dépression et de l’anxiété prénatales

La dépression et l’anxiété prénatales sont fréquemment co-occurrentes et semblent s’influencer mutuellement (Field et coll., 2006 ; Skouteris et coll., 2009). De plus, l’association entre dépression et anxiété semble, être un facteur de risque pour la dépression du post-partum (Van Bussel et coll., 2006), surtout chez les primipares. Leigh et Milgrom (2008) ont mis en évidence que l’anxiété et le faible soutien social pendant la grossesse favorisent la dépression prénatale, qui est un facteur de risque de la dépression du post-partum. E-2- Les troubles postnataux Le postpartum est, en comparaison du pré-partum, une période à plus haut risque. Les hospitalisations des jeunes mères sont 18 fois plus fréquentes durant le premier mois post-natal que durant la grossesse, trente-cinq fois plus lorsqu’il s’agit d’un premier enfant (Dayan, 2016 ; Paffenbarger, 1964). Le risque de décompensation délirante (psychoses puerpérales) est 22 fois supérieur aux deux années précédant la grossesse (Brengard et coll., 2006). Enfin, le “risque relatif” pour une femme d’être hospitalisée en milieu psychiatrique dans les deux ans qui suivent une naissance est de 1,6, c’est-à-dire que le risque est de 60% plus élevé que chez une 83 femme du même profil psychosocial mais qui n’a pas accouché dans les deux ans précédents (Kendell et coll. 1981). E-2-1- Dépression post-natale C’est la version pathologique du blues du post-partum par son intensité et sa durée. La dépression post-natale est une pathologie atypique marquée par une asthénie importante, une humeur triste, une irritabilité, une anxiété s’exprimant parfois sous la forme de phobies d’impulsion. Les auto-accusations et le sentiment d’incapacité concernent la fonction maternelle et tout particulièrement les soins à donner à l’enfant et occasionnent de la culpabilité. Ces troubles sont fréquemment minimisés, voire dissimulés à l’entourage par crainte d’être jugée. C’est pourquoi ils s’expriment parfois de façon indirecte par le biais de plaintes somatiques, de craintes excessives à propos de la santé de l’enfant amenant à des consultations pédiatriques répétées. Ils peuvent encore se manifester à travers des troubles fonctionnels précoces du nourrisson (alimentation, sommeil…) des pleurs fréquents ou encore des coliques. Ils peuvent enfin être révélés par des troubles des interactions mère-bébé. La dépression avec des caractéristiques psychotiques : À la symptomatologie de l’épisode dépressif peut s’associer une production délirante dont le thème est centré sur le bébé (idée de substitution, d’envoûtement, d’empoisonnement,) ou sur la filiation (négation du couple, de la maternité, enfant de Dieu…). Les angoisses de mort sont massives et concernent l’enfant, la mère elle-même. Le risque de suicide et/ou d’infanticide est majeur. Les facteurs de risques sont multiples et de mieux en mieux cernés par des études internationales. Voici les principaux repris par Tissot (2011) : des facteurs biologiques et obstétriques, liés par exemple aux complications pendant la grossesse et l’accouchement, l’histoire psychiatrique personnelle et familiale des mères, une attente idéalisée d’être parent et un support social défectueux. Les femmes atteintes de dépression post-partum rapportent un sentiment de solitude dû à un isolement et/ou un manque de soutien social. 84 Les différentes études s’accordent sur une prévalence s’évaluant entre 10% à 20% (O’Hara, 2001). Même s’il touche un nombre important de nouvelles mères, seuls 3% de ces dépressions sont diagnostiquées et traitées (Guédeney, 1998). Il est intéressant de relever que dans plusieurs pays où les rites autour de la naissance sont toujours effectifs, la dépression du postpartum est inexistante (Stern et Kruckman, 1983).

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