Variabilité spatiale des précipitations en modélisation hydrologique
Le problème de la variabilité spatiale des précipitations
Mesure et estimation des précipitations
Les outils de mesure
Les hydrologues travaillent essentiellement avec des précipitations observées. L’instrument de mesure le plus ancien pour mesurer les précipitations est le pluviomètre qui permet la mesure du volume d’eau collecté sur un intervalle de temps. C’est donc une mesure ponctuelle qui n’est pas représentative des précipitations sur une grande surface sans l’utilisation de techniques d’extrapolation s’appuyant sur un réseau de mesure ayant une densité spatiale appropriée. D’après L’hôte (1990), les premières estimations plausibles des pluies sur des grands bassins versants à partir des mesures ponctuelles de terrain sont attribuées aux savants Pierre Perrault (1611-1680), Edmé Mariotte (1620-1684) et Edmund Halley (1656-1742). Quelques siècles plus tard, avec les avancées technologiques réalisées pendant la seconde guerre mondiale sur la détection et l’estimation à distance par ondes radio, le RADAR (RAdio Detection And Ranging) apparaît comme un nouvel outil de mesure des précipitations. Marshall et al. (1947) montrent qu’il existe une forte corrélation entre la réflectivité des ondes émises par un radar et l’intensité des précipitations. Ils soulignent que : « il devient possible par conséquent de déterminer avec une précision suffisante l’intensité de la pluie en un point assez éloigné (de l’ordre de 100 km) à travers l’écho radar issu de ce point ». Le radar apparaît alors comme un outil de mesure très intéressant puisqu’il permet d’accéder à une observation spatialisée des champs de précipitation. Ces premiers travaux ont suscité d’abondantes recherches sur la mesure des précipitations par télédétection. Plus récemment encore, l’utilisation des images satellites est à l’origine de nombreux projets de recherche pour l’estimation des précipitations (Yilmaz et al., 2005; Gourley et al., 2011; Moreno et al., 2012). Cependant, le comportement stochastique des champs de précipitations, aussi bien dans le temps que dans l’espace, associé aux sources d’incertitudes des appareils de mesure, dégradent l’estimation des précipitations. 1.2.1.2 Estimation des précipitations à partir des réseaux de mesure ponctuels La modélisation pluie-débit nécessite la connaissance des précipitations à l’échelle de grandes surfaces telles que les bassins versants. Dans le cas d’un échantillonnage des champs de précipitations par un réseau de mesure au sol, les données ponctuelles des pluviomètres doivent être extrapolées pour estimer la quantité d’eau précipitée sur une surface donnée. De nombreuses techniques d’extrapolation existent (Thiessen, 1911; Delhomme, 1978; Creutin et Obled, 1982), elles sont plus ou moins simples à mettre en œuvre et a priori exactes (Singh et Chowdhury, 1986; Lebel et al., 1987). Dans tous les cas, quelle que soit la méthode d’extrapolation utilisée, la précision de ces estimations dépendra de la densité du réseau pluviométrique pouvant capturer la variabilité spatiale des précipitations. Par exemple, Huff (1970) calcule dans l’Illinois une erreur moyenne inférieure à 5% sur l’estimation des quantités d’eau mesurées avec une densité de 65 km² par pluviomètre. Il note cependant, que les erreurs varient en fonction du type d’événements et qu’elles sont deux à trois fois supérieures pour les événements convectifs qui présentent une forte variabilité spatiale par rapport aux événements stratiformes relativement uniformes spatialement. De même Robinson (2006) et Hrachowitz et Weiler (2010) ont montré que les erreurs d’estimation de la pluie de bassin augmentent (par rapport aux estimations obtenues avec la totalité du réseau) avec la diminution de la densité du réseau pluviométrique. Certains travaux proposent de dimensionner l’échantillonnage spatial d’un réseau de mesure pluviométrique en calculant les dimensions caractéristiques de différentes structures pluvieuses. Creutin et al. (1997), Berne et al. (2009, 2004) et Emmanuel et al. (2012) ont calculé des variogrammes à partir des images radar pour définir les distances et durées de corrélation des champs de précipitation. En général, les deux sont liées : plus la durée de l’événement est courte, plus la « distance caractéristique » des structures pluvieuses est petite : • Sous climat méditerranéen, où les orages convectifs d’été présentent de fortes variabilités spatiales des précipitations, Berne et al. (2004) suggèrent une résolution temporelle de 3 à 6 min et une résolution spatiale de 2 à 4 km pour des bassins versants urbains de 1 à 10 km². En termes de cumul sur les événements cévenols extrêmes de septembre et novembre 2002, Berne et al. (2009) calculent une distance maximale de décorrélation des structures de pluie qui varie entre 28 km (pour une durée de 6 h) et 75 km (pour une durée de 12h.). • Sous climat océanique, Emmanuel et al. (2012) identifient quatre types d’orages : o La première structure est caractérisée par une distance de décorrélation de l’ordre de 17 km avec un temps de décorrélation de 15 min et correspond à des zones pluvieuses peu variables. o La deuxième se distingue par une distance de décorrélation de 5 km avec un temps de décorrélation de 5 min et correspond à des amas pluvieux intenses et fortement variables. o Les troisième et quatrième structures sont des doubles structures d’orages. Elles sont constituées par l’association de petits amas intenses (portées de 5 min et inférieures à 5 km) localisées au sein d’amas moins variables (portées de 12-15 km et 15 min).