Rappel des équations théoriques
La compression théorique appliquée à l’air lors de son passage dans un compresseur volumétrique est représentée par une compression isentropique, c’est-à-dire une compression adiabatique réversible : adiabatique car il n’y a pas d’échange de chaleur entre l’air à l’intérieur du compresseur et le milieu ambiant, réversible car il n’y a pas de pertes internes par frottement.
En pratique, la compression de l’air s’accompagne d’une élévation de sa température, mais le flux thermique entre le compresseur et l’extérieur reste faible par rapport aux débits d’air (massique et enthalpique) traversant le compresseur. On peut donc considérer que la compression de l’air reste une transformation adiabatique et que le compresseur volumétrique est une machine à échange continuel de fluide avec l’extérieur, fonctionnant suivant un régime périodique. Le Premier Principe de la thermodynamique pour un système à flux continu est applicable au compresseur volumétrique en considérant une période de fonctionnement, le régime pouvant alors être assimilé à un régime permanent. Le travail adiabatique, c’est-à-dire le travail utile dépensé dans le compresseur par cycle pour comprimer et transvaser l’air de la pression P1 à la , s’exprime alors sous la forme (cf. démonstration en Annexe B).
Approximation des champs compresseur et turbine
Comme évoqué précédemment, pour modéliser les compresseurs (compresseurs volumétriques ou turbocompresseurs), nous avons besoin de quatre fonctions (f , g, h et k) qui sont en principe des cartographies expérimentales données par les fabricants. On peut directement entrer ces cartographies dans les modèles et réaliser une interpolation linéaire entre chaque point, mais cela entraîne automatiquement des discontinuités car le nombre de points donnés par les fabricants est en général relativement faible. De plus, avec cette méthode, on est incapable de donner une valeur aux fonctions en dehors des points de la cartographie, et toute extrapolation notamment aux faibles régimes est très hasardeuse. Plusieurs méthodes d’approximation des champs compresseurs sont proposées dans la littérature : une revue détaillée est présentée dans [38].
Modèle de vanne
Modèle de Barré Saint-Venant
Le modèle dit « de Barré Saint-Venant » est l’une des méthodes couramment utilisées pour modéliser l’écoulement d’un fluide à travers un orifice. La formule de Saint-Venant particularise le théorème de Bernoulli (cf. [39]) au cas d’une évolution isentropique de fluide parfait. L’équation de Bernoulli peut être écrite sous la forme suivante :
Modèle simplifié
La loi de Barré Saint-Venant est relativement complexe et le modèle de vanne qui en découle -et qui devra apparaître à plusieurs reprises dans la modélisation du système d’air – va sensiblement alourdir le modèle global. En outre, la section d’ouverture S n’étant de toute façon pas connue et devant être identifiée, on peut envisager d’utiliser un modèle simplifié qui, selon la topologie bond-graph (élément [R]), donne le débit en fonction de la perte de charge aux bornes de la vanne : avec de la même façon un coefficient αS lié à la section d’ouverture de la vanne à identifier. Ce coefficient correspond à la section de passage du fluide et au coefficient de décharge qui ajuste le débit théorique à l’expérience, en introduisant les pertes dues à la friction locale ainsi que la perte d’énergie cinétique.
Comparaison des deux modèles
Si l’on compare les caractéristiques – qui donnent le débit massique en fonction du taux de détente (cf. figure 2.17) – des vannes modélisées par les deux équations (2.23) et (2.24), on observe que le modèle simplifié reste très fidèle au modèle de Barré Saint-Venant pour un taux de détente supérieur à 0,5. Cette limite correspond à la pression critique définie précédemment, qui vaut justement 0,53 dans le cas de l’air.
Validation des modèles du système d’air
Méthodologie couplée
Si la phase de modélisation physique demeure indispensable, elle est à présent presque toujours complétée par une mise en œuvre numérique permettant de résoudre les équations aux
dérivés partielles mises en places aux paragraphes précédents. Pour une même modélisation, différentes méthodes numériques pourront ainsi être développées ou employées : on parle alors de modélisation numérique. Dans un contexte de simulation, le système d’air étudié peut être représenté par divers modèles de complexité différente : on progresse alors par étapes en vue d’intégrer des effets jugés négligeables à l’étape précédente mais qu’il peut s’avérer nécessaire de considérer ensuite pour aboutir à une meilleure description de la réalité et à des résultats quantitatifs plus fins et précis. Par ailleurs, chaque modèle étant souvent une composition ou une agrégation de sous-modèles ayant, chacun, vocation à traiter une partie de l’objet ou du phénomène global, il est nécessaire de s’assurer de la qualité de chacun d’eux et de la cohérence globale de ce système de modèles qui interagissent entre eux.
Concrètement, à partir de la définition d’architecture du système d’air présentée en figure 1.26, la méthodologie de modélisation couplée a consisté à comparer les résultats obtenus avec les différents modèles pneumatiques développés précédemment avec ceux obtenus avec des logiciels CFD dédiés à la simulation en dynamique des fluides (cf. [15]). Cette démarche de vérification par simulation a ensuite été conclue par la validation expérimentale des modèles pneumatiques élémentaires sur le banc d’essai mis en place à Supélec.
Vérification de la cohérence des modèles par simulation
Modèle de référence
La définition d’un modèle de référence utilisé comme support de la méthodologie couplée a conduit à réduire le système d’air considéré à une branche pneumatique, avec une source de débit et d’enthalpie (représentant le compresseur), un volume encadré par deux conduites, et une vanne en sortie pour réguler le niveau de pression.
Validation expérimentale des modèles sur banc d’essai
L’étape finale de validation a consisté à confronter les différents modèles Simulink aux essais réalisés sur le banc Supélec. Chacun des composants pneumatiques élémentaires a ainsi été modélisé, testé en simulation et validé sur banc d’essai. En les assemblant – en respectant la topologie bond-graph qui a guidé notre démarche de modélisation – nous aboutissons à un modèle global du système d’air facilement configurable. La figure 2.24 montre les réponses en pression et température obtenues à la sortie du volume du modèle de référence sur un échelon de consigne « vitesse compresseur », et compare le modèle de simulation et les mesures expérimentales.
Conclusion
En faisant abstraction dans un premier temps de l’objectif final de commande, la phase de modélisation du système d’alimentation en air a permis de bien appréhender le système étudié, du point de vue de sa structure d’une part, de la compréhension des phénomènes physiques mis en jeu d’autre part. En effet, la connaissance approfondie du système d’air – soutenue par la simulation sous AMESim, GT-Power et FLUENT – a conduit à faire évoluer sa définition (architecture, design, composants), à mettre à jour les dynamiques prépondérantes et les interactions avec les autres sous-systèmes du module de puissance, et à orienter la mise en place d’un banc d’essai à Supélec. Finalement, cette démarche de modélisation « physique » s’est révélée tout à fait appropriée à la mise en place d’une méthodologie structurée de synthèse de lois de commande basées sur les modèles. Le résultat est un modèle 0D complet du système d’alimentation en air d’un véhicule à pile à combustible avec reformage embarqué, basé sur les équations phénoménologiques appropriées, validé sur banc d’essai, et qui a été pensé de manière modulaire pour pouvoir suivre les évolutions d’architecture.
Modélisation et identification du système d’air expérimental
Présentation du système d’air expérimental
Définition du système étudié
Sur la base du système d’alimentation en air présenté à la figure 1.26 (circuit pneumatique à trois branches et double étage de compression), le système d’air expérimental – support de la validation des travaux de thèse – a été défini en n’intégrant que les éléments propres à la problématique pneumatique, et en tenant compte des contraintes pratiques liées au projet.
Choix d’architecture
Le système d’air expérimental est un réseau pneumatique réduit à deux branches (anodique et cathodique), la branche d’air bleed ayant été supprimée. En effet, le volume de cette branche est très réduit – donc sa dynamique pneumatique très rapide – et les spécifications dynamiques pour cette commande ne sont pas contraignantes (l’empoisonnement des sites catalytiques du stack par les molécules de monoxyde de carbone est un phénomène très lent). Quelle que soit la stratégie retenue pour la commande d’air bleed (consigne dépendant du point de fonctionnement et évaluée en pourcentage du débit d’air total, ou consigne « tout ou rien » suivant le taux de CO
estimé, cf. [40]), celle-ci ne dépassera jamais les 4 % du débit total et l’air bleed influera très peu sur la réponse dynamique du système d’air. La consigne en débit d’air bleed sera par conséquent comprise dans la consigne de débit cathodique.
Par ailleurs, pour des raisons de coût et de simplicité, il n’a pas été prévu d’intégrer les réacteurs du module de puissance (stack et reformeur) au système d’air expérimental : chacune des deux branches comprend des composants strictement pneumatiques (conduites, volumes, restrictions). En effet, les réactions électrochimiques étant quasi-instantanées et influant donc peu sur la dynamique des fluides, l’anode et la cathode sont remplacées par des chambres pneumatiques couplées à des vannes manuelles, de façon à leur conférer des volumes et des pertes de charge respectifs du même ordre que ceux des composants réels : l’ensemble est alors supposé.
Pour rappel, filet d’air dérivé de la cathode vers l’anode et destiné à lutter contre l’empoisonnement du stack au monoxyde carbone. suffisamment représentatif du comportement des sous-systèmes réels (dynamique de remplissage, échanges thermiques, pertes de charge singulières). De même, la dynamique non négligeable introduite par le reformeur est prise en compte grâce au choix d’un volume plus important pour la chambre pneumatique correspondante.
En outre, l’absence des réacteurs (producteurs et consommateurs d’eau) et du circuit d’humidification a conduit à ne pas considérer les condenseurs (leur perte de charge sera ramenée à la perte de charge du réacteur le plus proche). De même, en l’absence de circuit de refroidissement, l’échangeur thermique pré-cathodique est bien intégré au circuit, mais il n’aura aucune efficacité sur la thermique du système (seuls son volume et sa perte de charge seront pris en compte).
Enfin, en ce qui concerne les actionneurs, le système d’air expérimental comprend :
¦ un système de compression réduit au seul compresseur volumétrique, le turbocompresseur n’ayant pu être intégré à l’étude, faute de composant disponible à ce stade du projet ;
¦ trois vannes de régulation, en entrée et en sortie de la cathode, ainsi qu’en sortie de l’anode.
Le circuit expérimental (cf. figures 3.1 et 3.2), même simplifié par rapport au système d’air final, reste un système pneumatique multi-branches et multivariable, à la fois non-linéaire, fortement couplé (source de débit unique pour plusieurs consommateurs, couplages physiques « débitpression ») et perturbé (effets thermiques, pertes de charge variables des réacteurs).
Structure de commande
L’objectif de la commande du système d’air est la régulation des débits et des pressions dans l’ensemble du circuit. Fonctionnellement, les débits d’air traversant le système sont commandés par la vitesse de rotation du compresseur volumétrique (ou régime compresseur) et l’ouverture de la vanne de débit, les pressions par les ouvertures des vannes de pression (cf. figure 3.1)
Description matérielle du banc
Rappelons qu’en l’absence du stack, du reformeur et des autres circuits auxiliaires, seuls les composants pneumatiques sont intégrés au banc d’essai. Celui-ci est présenté sur la figure 3.2 : au premier plan, le compresseur volumétrique, précédé du filtre à air et d’un débitmètre, assure l’admission de l’air dans le circuit ; en aval du compresseur, l’air est collecté par le diffuseur (volume de tranquillisation du flux d’air), à partir duquel le circuit se divise en deux branches, avec à droite la branche anodique (reformeur et anode), et à gauche la branche cathodique (échangeur thermique, débitmètre, vanne de débit et cathode) ; les deux vannes de contrôle de la pression sont visibles en sortie de chaque branche.
Description des capteurs
Au niveau de l’instrumentation (cf. analyse instrumentale en Annexe C), les capteurs de pression absolue sont tous de technologie identique (transmetteurs de pression industriels), avec une dynamique très rapide. Les mesures de températures sont réalisées par des thermocouples (±2 ◦ C de précision) ou par des sondes « platine » (±1 ◦ C de précision).
Le véritable point dur de l’instrumentation concerne les débitmètres. Plusieurs principes de fonctionnement sont en concurrence mais, après plusieurs consultations de fournisseurs de débitmètres industriels, il apparaît que le cahier des charges pour système « pile à combustible » est très difficile à respecter : les débitmètres actuels ne sont pas à la fois suffisamment rapides (temps de réponse inférieur à la seconde) et précis (1% de la mesure) pour notre application. Le choix s’est donc porté sur deux technologies différentes (cf. figure 3.5).
La première technologie, la plus communément utilisée dans le secteur automobile, est fondée sur le principe du « fil chaud » : un élément conducteur, dont la caractéristique de résistance électrique en fonction de la température est clairement identifiée, est soumis au flux de l’air qui le refroidit ; une alimentation électrique soumet ce conducteur à un courant électrique régulé de façon à maintenir la température du conducteur constante, et la valeur du courant nécessaire est représentative de l’effet de refroidissement dû au flux d’air donc au débit massique de celui-ci.
Pour la technologie thermique massique, le choix s’est porté sur un débitmètre Bronkhorst, avec une plage de débit allant de 0,005 à 0,1 kg.s −1 , avec une précision de 1% de la valeur maximum, soit 0,001 kg.s −1 . Son temps de réponse à 63% de 3 s est cependant trop lent pour le cahier des charges du système d’air. Ce débitmètre est consacré à la mesure du débit d’air total, dont les fluctuations peuvent être estimées plus rapidement à l’aide de la mesure du régime compresseur.
La deuxième technologie – de type turbine – est basée sur la mesure d’un débit volumique par une hélice, et nécessite des mesures de pression et de température pour la conversion en débit massique.
Table des matières
I Contexte de l’étude
Introduction générale
1 Véhicule à pile à combustible et problématique du système d’air
1.1 Introduction à la technologie « pile à combustible »
1.1.1 Historique et principe de fonctionnement
1.1.2 Différentes technologies de piles à combustible
1.1.3 Description des piles à membrane échangeuse de protons
1.2 Système « pile à combustible » et application automobile
1.2.1 L’hydrogène : carburant pour les transports
1.2.2 La pile à combustible : technologie de rupture
1.2.3 Le véhicule à pile à combustible chez les différents constructeurs
1.3 Présentation du véhicule à pile à combustible étudié
1.3.1 Les projets de recherche associés
1.3.2 Le module de puissance
1.3.3 Le fonctionnement à pression élevée
1.3.4 Le système d’alimentation en air
1.3.5 La problématique du groupe de compression
1.4 Conclusion
II Modélisation et analyse
2 Modélisation physique : méthodologie et outils théoriques
2.1 Introduction à la démarche de modélisation
2.1.1 Choix de la modélisation physique
2.1.2 Démarche adoptée pour la modélisation pneumatique
2.1.3 Revue de modèles de systèmes d’air dans la littérature
2.2 Modélisation des conduits pneumatiques
2.2.1 Rappels théoriques
2.2.2 Modèle d’acoustique non-linéaire
2.2.3 Modèle de perte de charge
2.2.4 Modèle d’échange thermique
2.2.5 Modèle complet de conduit
2.3 Modélisation des actionneurs
2.3.1 Modèle du groupe de compression
2.3.2 Modèle de vanne
2.4 Validation des modèles du système d’air
2.4.1 Méthodologie couplée
2.4.2 Vérification de la cohérence des modèles par simulation
2.4.3 Validation expérimentale des modèles sur banc d’essai
2.5 Conclusion
3 Modélisation et identification du système d’air expérimental
3.1 Présentation du système d’air expérimental
3.1.1 Définition du système étudié
3.1.2 Présentation du moyen d’essai
3.2 Modélisation du système d’air pour la commande
3.2.1 Rappel des objectifs
3.2.2 Modèle non-linéaire du système d’air expérimental
3.2.3 Conditionnement du modèle pour la commande
3.2.4 Validation du modèle de commande
3.3 Analyse du modèle linéaire du système d’air
3.3.1 Introduction en vue de la commande
3.3.2 Analyse des transferts en fonction du point de fonctionnement
3.3.3 Analyse de sensibilité
3.3.4 Analyse structurelle du modèle
3.4 Conclusion
III Commande et résultats
4 Synthèse de lois de commande pour le système d’air
4.1 Formulation du problème de commande
4.1.1 Spécificités liées à l’application « pile à combustible »
4.1.2 Cahier des charges du système d’air expérimental
4.1.3 Revue de commandes dans la littérature
4.2 Synthèse de la commande dans un cadre monovariable
4.2.1 Introduction
4.2.2 Synthèse de régulateurs PI
4.2.3 Mise en œuvre et résultats en simulation
4.2.4 Bilan
4.3 Synthèse de la commande dans un cadre multivariable
4.3.1 Introduction
4.3.2 Synthèse d’une commande par retour d’état
4.3.3 Structure de commande pour le système d’air expérimental
4.3.4 Mise en œuvre et résultats en simulation
4.3.5 Bilan
4.4 Analyse non structurée de la robustesse
4.4.1 Introduction
4.4.2 Evaluation des marges de stabilité dans un cadre multivariable
4.4.3 Bilan
4.5 Conclusion
5 Résultats expérimentaux sur la commande du système d’air
5.1 Protocole expérimental pour la validation
5.1.1 Rappels sur le fonctionnement du système d’air
5.1.2 Procédure pour la validation expérimentale
5.1.3 Mise en œuvre des lois de commande sur banc
5.2 Validation expérimentale des résultats obtenus en simulation
5.2.1 Commande monovariable
5.2.2 Commande multivariable
5.3 Conclusion
IV Conclusion et annexes
Conclusion générale
Annexe A : Éléments sur la modélisation « bond-graph »
Annexe B : Éléments théoriques pour la dynamique des fluides
Annexe C : Description matérielle du banc d’essai
Annexe D : Compléments sur la modélisation réduite et l’analyse
Annexe E : Compléments sur la synthèse des lois de commande
Annexe F : Publications scientifiques
V Illustrations et références
Liste des figures
Liste des tableaux
Références bibliographiques