Une politique publique déléguée
L’État s’engage à destination du monde associatif
Le chapitre précédent a permis de comprendre que l’objet de son engagement semblait se transformer, qu’il s’intéressait moins aux associations pour leur projet politique et leur impact sur le lien social que pour leur charge en emploi. Dans ce chapitre, c’est la forme que prend l’engagement de l’État à travers le DLA qui nous intéressera. Comment fonctionne le DLA ? Que nous dit-il des modalités d’action publique à destination du monde associatif ? Si nous nous posons cette question, c’est que dans la politique publique que nous étudions, ce n’est ni l’État, ni plus largement les pouvoirs publics qui « font » directement. La réalisation de cette politique publique est déléguée à des associations : ce sont elles qui se chargent de sa mise en œuvre. Ainsi, quand les bénéficiaires du dispositif sont accompagnés, ils ne rencontrent pas un fonctionnaire, mais un-e « chargé-e-s de mission DLA ». Ce sont ces derniers, employés dans des associations, qui mettent en œuvre quotidiennement le dispositif et confient l’exécution de l’accompagnement à des consultants. Chercher des éléments de réponse à ces questions nous amènera à nous intéresser à la structuration du DLA, à l’aborder de manière fonctionnelle. Nous verrons que le DLA est une politique publique dont la mise en œuvre est déléguée à des associations porteuses, toujours sous le contrôle des pouvoirs publics (I). Qu’elle est organisée autour des chargé-e-s de mission DLA qui travaillent dans ces associations particulières (II) et qu’elle mobilise le marché des consultants associatifs (III).
Une politique publique structurée dont la mise en œuvre est déléguée aux associations
Dans cette partie (I), nous nous concentrerons sur l’architecture du DLA telle qu’elle a été mise en place. Nous verrons que nous sommes face à une politique publique nationale d’accompagnement des associations ajustée à Une politique publique déléguée 80 chaque territoire, qui repose sur le principe de mise en œuvre déléguée à des structures porteuses territoriales (1). Nous verrons ensuite, à travers la description de la structuration nationale du dispositif, que si la mise en œuvre est déléguée aux associations, tout comme sa mise en cohérence, les pouvoirs publics demeurent très présents dans le dispositif (2).
Le « cœur du dispositif » : la délégation à une association porteuse dans chaque département
La mise en œuvre du DLA est déléguée, par le biais d’appels d’offres territoriaux publics, à des associations. Si le mode opératoire de cette politique publique repose sur une diversité de structures privées les pouvoirs publics ne s’effacent pas pour autant. Une mise en œuvre déléguée, par appels d’offres territoriaux, aux associations La politique publique qu’est le Dispositif Local d’Accompagnement (DLA) a pour mission d’accompagner les associations afin de consolider les associations et leurs emplois. Concrètement, cette politique publique se traduit par des prestations de conseil offertes à des associations dans différents secteurs. Pour réaliser cette mission « accompagnement » des associations, l’État ne va pas faire appel à ses propres services, mais va confier la mise en œuvre de cette politique publique à des acteurs privés, en l’occurrence des associations que les acteurs appellent souvent « le DLA », et que nous nommerons pour bien les distinguer, « structures porteuses » du dispositif. Dans ces structures porteuses, des chargé-e-s de mission DLA sont employés pour mettre en œuvre le dispositif. Ils accomplissent un diagnostic qui est à la fois un premier niveau de conseil et le fondement de la justification d’attribution de droit à prestation de formation ou de conseil accomplie par des consultants spécialisés. La politique est ainsi déléguée en cascade à deux niveaux privés : l’organisme associatif de niveau départemental puis les consultants. 81 Concrètement, le chargé-e de mission DLA réalise le diagnostic d’une association volontaire pour bénéficier d’un accompagnement puis, quand c’est pertinent, commande une prestation afin d’aider la structure à se consolider. Il peut aussi orienter les responsables vers une formation (celle-ci est appelé dans le dispositif « DLA collectif »). Cette seconde partie de l’accompagnement est confiée à un consultant qui peut intervenir sur de nombreux aspects comme la gestion, le projet associatif, le modèle économique, la communication, etc. Une diversité de structures porteuses Pour choisir les opérateurs territoriaux du dispositif et leur « déléguer » la mise en œuvre du DLA, les directions régionales du ministère du Travail58 en partenariat avec les Caisses des Dépôts et Consignations régionales lancent des appels d’offres. Les structures qui gagneront cet appel à projets seront financées pour être opérateurs du DLA départemental – ou régional le cas échéant – pour une période de trois ans. Les agents de ces « structures porteuses » territoriales seront, selon l’IGAS (Branchu & Morin, 2012, p.37) le « cœur du dispositif » : ce sont eux qui rencontreront les bénéficiaires, établiront un diagnostic de leurs besoins et commanderont une prestation sur la base d’un cahier des charges. La procédure d’appel d’offres, pour confier le portage du dispositif, a pour avantage d’obtenir « une certaine diversité d’opérateurs » territoriaux (Olivier Wickers, fonctionnaire DGEFP). En 2013 des appels à projets ont été lancés par les DIRECCTE en collaboration avec leurs Unités Territoriales (UT) et en partenariat avec les Caisses régionales, afin de confier le portage du dispositif pour la période 2014-2016. En 2014, la délégation du DLA départemental a été confiée à 10559 structures porteuses60. 36% d’entre elles appartiennent au réseau France Active, 14% au réseau des Boutiques de Gestion et 11% à la Ligue de l’enseignement (document 3). Les 39% restants sont des structures porteuses territoriales n’appartenant pas à l’un de ces trois grands réseaux. Cette diversité d’appartenance des structures porteuses est recherchée : il ne s’agit « de ne pas nier le caractère territorial », de profiter de « l’ancrage territorial » (Olivier Wickers, fonctionnaire DGEFP) de ces associations devenues prestataires de politiques publiques.