Dyspnée et hypoxémie
Environ un tiers de nos patients présentait une dyspnée, évaluée par le recueil de la classe fonctionnelle NYHA. Cette prévalence apparait moindre que dans la littérature, évaluée à 53% parmi une cohorte de patients cirrhotiques décrite par Hourani (et al.) en 1991. Néanmoins, les critères d’évaluation de la dyspnée varient selon les études antérieures (échelles utilisées, type de patients), pouvant expliquer cette différence.
Associée à cette dyspnée, nous retrouvions une hypoxémie pour 47% des patients. Elle était de 22% dans une cohorte danoise de 1998 portant sur 142 patients cirrhotiques mais variait de 10 à 40% selon la sévérité de la cirrhose sous-jacente (corrélée au stade CHILD C) et la présence d’une encéphalopathie. Nos données concernant la dyspnée apparaissent donc moindres que dans la littérature, en lien avec des pathologies pulmonaires diverses que notre étude est la seule à avoir recherché chez tous les patients, offrant un aperçu précis de leur prévalence chez les patients cirrhotiques sur liste d’attente de TH.
Capacité à l’effort
Dans notre étude, la capacité à l’effort au test de marche était significativement plus basse parmi les patients CHILD B et C. La capacité à l’effort était corrélée au stade de la cirrhose, à la présence ou non d’une anémie, à la capacité fonctionnelle respiratoire et aux échanges gazeux. Nos résultats sont en accord avec ceux de la littérature, où le rôle d’une diminution des échanges gazeux se démasquant à l’effort (avec ou sans syndrome hépato-pulmonaire) ainsi que celui de l’anémie, fréquente chez le patient cirrhotique, ont déjà été décrits comme facteurs limitant l’exercice.
Notre étude est, à notre connaissance, la seule à avoir recherché les déterminants du test de marche parmi cette population de patients. En revanche, parmi les déterminants de la capacité à l’effort chez le patient cirrhotique, l’altération de la capacité aérobie (VO2 max) mesurée lors d’un test d’effort est largement décrit, en dehors de pathologies cardio-respiratoires causales sous-jacentes, et cette diminution de la VO2max apparait comme un facteur pronostic indépendant de mortalité pré et post transplantation dans de nombreuses études.
A cette limitation respiratoire s’ajoute une limitation musculaire à l’effort, chez des patients présentant fréquemment une importante amyotrophie, conséquence de la déplétion protéique et de la diminution des réserves en glycogène avec utilisation des lipides comme substrats énergétiques à l’effort, connu chez les cirrhotiques.
Enfin, la cardiomyopathie cirrhotique, indépendante de l’hépatopathie sous-jacente est également largement décrite, participant à la diminution de la capacité aérobie et la limitation fonctionnelle à l’effort du patient cirrhotique. Elle associe une dysfonction globale systolique et diastolique et notamment une insuffisance chronotrope, en lien avec des cascades pro-inflammatoires induites par la cirrhose et leur retentissement au niveau cellulaire (action sur le cardiomyocyte) et moléculaire (notamment, activation des voies inotropes négatives). Les paramètres du test d’effort et la présence d’une cardiomyopathie n’était pas documentés dans notre cohorte.
Pathologies pulmonaires non spécifiques
Parmi les autres pathologies respiratoires observées sur notre cohorte, nous rapportons une proportion similaire de troubles ventilatoires restrictifs et obstructifs (dont 5,4% des patients avec un VEMS entre 30 et 50% de la théorique), estimée respectivement à environ 15%. Ces résultats sont en accord avec ceux de la littérature : En effet, dans une étude Américaine de 2008, portant sur 373 patients candidats à une TH, Ryback (and al.) retrouvait 18% de BPCO (11% avec un VEMS < 50%). Un antécédent de consommation tabagique était retrouvé pour 60% des patients, dont 27% de tabagiques actifs. Une des limites de notre étude était l’absence de données concernant le statut tabagique des patients, et donc l’impossibilité d’analyser son retentissement sur la mortalité sur liste et à long terme. En revanche, la présence d’un TVO n’impactait ni la survie sur liste, ni en post-transplantation. Néanmoins, nous pouvons supposer que les patients porteurs de BPCO sévères au stade d’insuffisance respiratoire chronique n’étaient pas adressés à un centre de transplantation hépatique ou étaient rapidement récusés, du fait du risque accru de mortalité sous ventilation mécanique.
Maladies vasculaires pulmonaires
La prévalence de l’hypertension porto-pulmonaire, définie selon les définitions hémodynamiques de 2019 était de 1,4%. Elle apparait plus basse que dans les études antérieures, estimée à 4 et 6% parmi des cohortes de patients candidats à une transplantation hépatique. Cependant, dans ces deux dernières études, le niveau de RVP utilisé était de 1,5 U.W, expliquant une prévalence plus importante. Dans une étude de 2017, Savale L. (et al.) montre que les patients porteurs de RVP entre 2 et U.W évoluent, en post transplantation hépatique, comme d’authentiques hypertensions porto-pulmonaires. Un seuil de RVP à 2 U.W permettrait donc probablement un diagnostic anticipé de la maladie en diminuant le nombre de faux négatifs exclus avec une définition actuelle. Dans notre étude, 9 patients correspondaient à la définition de l’hypertension porto-pulmonaire dont les RVP étaient comprises entre 2 et 3 U.W, dont un fut sorti de liste pour amélioration de l’état hémodynamique et 6 furent transplantés. Aucun des paramètres respiratoires ni hémodynamiques n’influençait la survie de ces patients en post transplantation hépatique.
Par ailleurs, en accord avec les études antérieures, la présence d’une HTPoP était associée à un sur-risque de mortalité sur liste d’attente. En revanche, elle n’était pas associée à une surmortalité post transplantation. L’effet de la TH sur l’évolution à long terme de l’HTPoP est difficilement anticipable du fait de grandes variations hémodynamiques en post-greffe avec un risque accru de défaillance ventriculaire droite et de mortalité péri-opératoire. D’après les recommandations de l’International Liver Transplant Society de 2016, l’HTPoP, traitée ou non, ne constitue pas encore une indication propre à la TH, et une PAPm > 35 mmHg, associée à une dysfonction ventriculaire droite ou des RVP > 3 UW en sont des contre-indications. Dans le cas contraire, un traitement spécifique de l’HTAP est initié en «bridge therapy» afin de contrôler l’hypertension porto-pulmonaire et d’obtenir les conditions hémodynamiques favorables (une PAPm < 35 mmHg ou PAPm entre 35 – 50 mmHg et RVP < 3 UW) pouvant faire discuter, au cas par cas, la transplantation hépatique, avec recours possible à une demande de composante experts. Dans une étude récente, Savale L. (et al.) a montré que la survie des patients porteurs d’une HTPoP, controlée sous mono-, bi-, ou tri-thérapie spécifique, était meilleure après transplantation hépatique (92%, 83% and 81% at 1, 3 et 5 ans, respectivement).
Table des matières
Introduction
Objectifs de l’étude
Matériel et Méthode
Résultats
1. Caractéristiques des patients inclus dans l’étude
2. Épreuves fonctionnelles respiratoires
3. Échanges gazeux
4. Dyspnée et capacité à l’exercice
5. Hémodynamique
6. Prévalence des pathologies spécifiques liées à l’hypertension portale
7. Impact sur la survie
7.1. Mortalité sur liste
7.2. Mortalité post-transplantation
Discussion
Conclusion
Bibliographie
Annexes