Blocages des dynamiques industrielles mise en évidence du blocage cognitif

Blocages des dynamiques industrielles mise en évidence du blocage cognitif

Les blocages des dynamiques industrielles vus par les sciences de gestion : apports et limites pour expliquer l’innovation orpheline

Divers courants de recherche en management et en théorie des organisations ont cherché à expliciter les causes de ces phénomènes d’impasse et de blocage, notamment afin de mieux comprendre les inerties organisationnelles et l’impact d’évènements passés sur les processus de décision. Une revue de la littérature des facteurs explicatifs des blocages des dynamiques industrielles mise en évidence du blocage cognitif comme facteur déterminant de l’innovation orpheline Partie 1 : Une situation de crise des dynamiques industrielles, le cas de l’innovation orpheline 57 « There seems to be a broadly shared feeling that we need to understand better how organizations can lose their flexibility and become inert or even locked-in ».15 (Sydow, Schreyöogg, & Koch, 2009) Nous présentons ici les différentes explications avancées dans la littérature en sciences sociales sur la nature des blocages des dynamiques industrielles, ainsi que les solutions qui ont pu être proposées pour en sortir. La situation d’innovation orpheline et le cas empirique de la sécurité des deux-roues permettent alors de mettre à l’épreuve ces propositions de la littérature et de mettre en évidence le ou les blocages sous-jacents à l’innovation orpheline. La revue de la littérature conduira à étudier trois classes de blocages : le manque de connaissances (1.1), le verrou institutionnel (1.2) et le blocage cognitif (1.3).

Le levier de l’acquisition de connaissances pour éviter les blocages des dynamiques industrielles

Le manque de connaissances techniques et sociales, un frein au développement industriel

Une explication qu’apporte la littérature quant aux causes possibles de blocage des dynamiques industrielles est l’hypothèse du manque de connaissances. Les acteurs d’une industrie peuvent en effet ne pas disposer des connaissances nécessaires à proposer des innovations, qu’elles soient technologiques, organisationnelles ou d’usages. Les activités de recherche sont ainsi des activités développées pour palier à des lacunes de connaissances, qui ne sont pas seulement technologiques et/ou scientifiques, mais peuvent être aussi sociales, éthiques, liées aux usages, ou à la réglementation, par exemple. Le découplage entre système technique et système social est central dans la notion de « système sociotechnique » proposée par Geels (2004), élargissant la perspective sectorielle du « système d’innovation » (Malerba, 2002) dont l’attention se focalise sur le développement pur d’une technologie (via des connaissances techniques), sans prendre en compte la diffusion de cette technologie, son utilisation, ou encore ses impacts sociaux. Cette notion de système sociotechnique est en ce sens assez similaire aux cadres théoriques du « système social » (Van de Ven, Polley, Garud, & Venkataraman, 1999). Divers auteurs soulignent la nécessité d’une co-évolution entre les systèmes techniques et les systèmes sociaux (Rosenkopf & Tushman, 1998; Llerena & Matt 1999), ce qui nécessite des parrentissages conjoints et liés. L’historien Bertrand Gille a décrit les mécanismes de blocages qui peuvent survenir lorsque le système technique et le système social se décorrèlent. Il a ainsi utilisé la notion de « système bloqué » (Gille, 1978), et a explicité les conditions qui ont permis uniquement à l’Europe de l’Ouest d’être le lieu de révolutions technologiques successives depuis le XIIème siècle

La gestion de la connaissance pour construire des stratégies d’innovation

L’activité de recherche est sous-jacente aux stratégies développées par les acteurs pour acquérir de nouvelles connaissances. La question de la gestion de la connaissance est beaucoup étudiée dans la littérature pour décrire et modéliser les différentes manières d’utiliser la connaissance pour en dégager un avantage compétitif (Firestone, 1998; Nonaka & Takeuchi, 1995). Plusieurs auteurs ont caractérisé des leviers d’action que des entreprises ont adopté pour piloter, voire même accélérer, les processus d’acquisition de nouvelles connaissances. Cohen et Levinthal (1990) montrent comment des entreprises ont développé des capacités d’absorption, i.e. des capacités à identifier de nouvelles connaissances, à repérer les acteurs externes qui les détiennent, et à les incorporer. Prolongeant cette perspective d’ouverture de l’entreprise pour acquérir de la connaissance, Chesbrough (2003) caractérise à travers le concept d’ « open innovation » comment dans un contexte où la connaissance est distribuée, les entreprises ne peuvent pas se permettre de compter uniquement sur leurs propres recherches, mais doivent s’ouvrir à des démarches collaboratives et partenariales pour intégrer les connaissances et les innovations qu’elles ne détiennent pas. Chesbrough soutient l’idée que pour des entreprises conduisant des stratégies d’innovation ouverte, le partage de l’innovation est de fait devenu un impératif car celui-ci renforce la performance économique des firmes pratiquant ces politiques (ibid.). Ainsi, l’activité de recherche et le développement de stratégies d’acquisition de nouvelles connaissances sont supposés permettre de lever les blocages liés à des lacunes de connaissances.

Le manque de connaissances mis à l’épreuve de l’innovation orpheline

Confrontons maintenant le cas empirique d’innovation orpheline, la sécurité des deux-roues, à cette première cause de blocage. L’une des composantes de l’innovation orpheline est l’effort de recherche fourni par l’ensemble des acteurs du secteur. Dans le cas de la sécurité des deux-roues, les acteurs se mobilisant sont nombreux et variés : o les équipementiers motos et vélo travaillant sur les casques, les vestes, les bottes, ou encore l’airbag, tels que Décathlon ou Holding Trophy, ou sur l’aide à la navigation pour le deux-roues (comme l’entreprise belge Navteq) o les constructeurs de motos, qu’ils soient spécialisés dans le deux-roues (Honda ou Piaggio) ou également dans le secteur automobile (Peugeot) ; o les assureurs (comme par exemple la MAIF) o les réglementeurs, qu’il s’agisse des agences d’homologation des équipements (UTAC) ou la délégation à la sécurité et à la circulation routière (Ministère de l’industrie) o les secours (police, pompiers) et les intervenants post-accidents (hôpitaux) o les institutions, comme la direction départementale de l’équipement en charge des infrastructures routières ou les collectivités locales qui ont un pouvoir de décision quant la gestion du trafic routier urbain et interurbain o les laboratoires d’accidentologie, comme le CEESAR ou encore l’équipe Modélisation, Simulation et Simulateurs de conduite (MSIS) de l’Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité (INRETS) o et enfin les collectifs d’usagers, dont le plus représentatif est la Fédération Française des Motards en Colère (FFMC), mais qui comprend aussi des acteurs comme le Club des Villes et des Territoires Cyclables. 

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