Un comportement dérogeant à l’esprit du texte
Un phénomène nouveau dans les offres publiques
L’arbitrage financier par des investisseurs uniquement centrés sur le risque d’échec de l’opération représente une question nouvelle dans les offres publiques d’acquisition. Ces actionnaires adoptent une stratégie qui n’était pas forcément à l’œuvre avant l’échec de l’offre de la Société Générale sur Paribas786 et changent significativement l’horizon de décision des actionnaires. Ce phénomène vient changer le mécanisme normal des offres publiques en faisant triompher les stratégies de court-terme, au détriment d’approches prenant plus en compte les intérêts à long-terme de la société. Il vient bouleverser en profondeur le modèle sur lequel est fondé la réglementation (A). Ces comportents posent de nombreux problèmes intrinsèquement liés à ces stratégies qui reposent sur une vision probablement dépassée d’un marché efficient en période d’offre publique (B). A. Un phénomène bouleversant le mécanisme des offres publiques : le triomphe du court-terme. 308. Les stratégies arbitragistes sont fondées sur des approches de court-terme de la société cible de l’offre. Cela pose doublement problème étant donné que les marchés financiers sont fondés sur une vision de long-terme, tout comme la vision de l’actionnaire dans la société. Surtout le court-termisme s’accommode mal avec ce que l’on peut légitimement attendre d’un actionnaire (1). Ce court-termisme s’est illustré dans différentes offres publiques de première importance, ce qui a entraîné une réaction de la part de certains pouvoirs publics et au niveau européen (2).
La remise en cause du long-terme par les arbitragistes
L’arbitrage financier est critiquable étant donné qu’il se retrouve en opposition avec le long-terme qui est le fondement du fonctionnement des marchés financiers (a). Il pose cependant une problématique fondamentale qui est celle de la place des stratégies de courtterme dans les offres publiques (b). a. Les marchés financiers et le long-terme. 310. Une nécessité économique. L’existence des marchés financiers, qu’ils soient de capitaux ou de dettes, tient à la nécessité qu’ont les acteurs économiques (mais aussi les Etats et les institutions économiques) de se financer pour assurer leur développement. Ils sont intrinséquement orienté vers le long-terme. Le financement doit permettre à la société de développer des projets d’investissement dans le futur. Le marché financier vise à faciliter ce financement en augmentant la liquidité des titres et, ce faisant, le nombre d’investisseurs susceptibles de participer à l’entreprise économique portée par la société. Il n’induit pas par lui-même un racourcissement de la durée d’investissement. Il permet certe à l’actionnaire de la société cotée de céder ses titres plus facilement et donc de réaliser des investissements plus limités dans le temps. Il s’agit cependant d’une possibilité et il nous semble que le développement des marchés financiers n’implique pas nécessairement un racourcissement de la durée des investissements787. Les besoins de financement des entreprises restent toujours orientés sur le long-terme. Dès lors, le fait qu’une société ait ses titres admis à la négociation sur un marché réglementé n’implique pas nécessairement que l’investissement soit d’une durée plus courte. Les marchés financiers servent donc à financer le développement des sociétés sur le long-terme à travers les projets industriels que celles-ci proposent. En théorie, l’actionnaire doit donc apporter des fonds et rester au capital de la société pour suivre l’évolution de ces projets. 311. Cette nécessité économique rentre en parfaite adéquation avec la vision de l’actionnaire telle que développée par la législation. Le législateur envisage généralement un actionnaire comme étant un investisseur de long-terme participant à l’aventure économique de la société. Nous le verrons, cela est particulièrement le cas dans le cadre des offres publiques d’acquisition788. Il en va de même en période normale, les marchés actions semblent formatés pour l’investissement de long-terme et peu à l’aise à appréhender des actionnaires de courtterme, voir de très court-terme789. Cette vision d’un actionnaire sur le long-terme est renforcée par les obligations d’information pesant sur les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé. Ces dernières sont tenues de fournir une information complète à leurs actionnaires pour que ces investisseurs puissent parfaitement appréhender le développement futur de la société790. Les marchés financiers sont donc axés sur le long-terme tout comme les sociétés. Relevons que c’est cette évolution vers un court-termisme accru qui suscite de nombreuses inquiétudes, notamment au Royaume-Uni791. Il s’agit donc d’une évolution liée à la pratique mais qui n’apparaît pas naturelle par rapport à l’essence même des marchés financiers et leur fonction économique. 312. Un droit visant à encadrer le financement de long-terme. Le fondement de la législation portant sur les marchés financiers tient à permettre aux investisseurs à investir en pleine confiance sur les marchés financiers792. Ce droit, qui est une émanation du droit classique et non un droit autonome793, vise à créer un contexte favorable aux investissements dans les sociétés en actions. Ce droit, dans son ensemble, vise à permettre le financement des entreprises en assurant le bon fonctionnement des marchés financiers. Ce bon fonctionnement nécessite une confiance des investisseurs dans les marchés financiers pour que ces derniers soient assurés de ne pas courir des risques démesurés. Il nécessite aussi une législation venant encadrer l’ensemble de son fonctionnement (comme les règles de livraison des titres) et de ses acteurs. Une mauvaise législation ne protégeant pas assez les actionnaires, empêche clairement le développement des marchés financiers et donc le financement d’une partie de l’économie