Un exemple d’évaluation de la sécurité industrielle
Mobilisation du modèle
Contraintes et ressources de l’entreprise Organisation de la coopérative Les silos sont utilisés par les coopératives agricoles pour stocker les grains des moissons. Les coopératives agricoles sont constituées sur la base d’un apport financier d’un collectif de paysans qui sur une même ère géographique, mutualisent leurs ressources afin de disposer d’une capacité logistique de leur production agricole. L’entité résultant de cette mutualisation, la coopérative, est gérée par un personnel dédié, recruté spécifiquement, et organisé à la manière d’une entreprise industrielle. L’influence des paysans sur son fonctionnement, sa stratégie ou ses orientations est exercée par l’intermédiaire d’un conseil d’administration où siègent des représentants élus. Le directeur de la coopérative rend des comptes régulièrement à ce conseil d’administration très influent. L’entreprise en question compte 250 personnes. Elle exploite 65 silos, répartis en trois secteurs (depuis 2007), dont deux principaux de 25 et 30 silos chacun. Le plus gros de l’effectif est situé dans les fonctions du département d’exploitation (regroupement la fonction production et maintenance), qui accueille près de 80 personnes, dont des responsables de secteurs, de silos et des opérateurs. Le deuxième plus gros département est le service préparation pour lequel travaillent environ 40 personnes, des ingénieurs et des techniciens (avec des fonctions techniques et commerciales). Les autres fonctions se répartissent assez classiquement entre ressources humaines, qualité, sécurité et environnement, magasins (distribution de produits) etc. L’entreprise fonctionne sur un mode décentralisé. Les silos sont répartis géographiquement sur tout un territoire (l’équivalent d’un ou plusieurs départements), et se trouvent parfois jusqu’à trois ou quatre heures de distance en voiture depuis les locaux administratifs, où se trouvent la direction et les autres responsables de services, ainsi que leurs personnels. Cette configuration décentralisée amène des contraintes spécifiques, notamment l’autonomie des opérateurs et des responsables de silos au sein de collectif localisés.
Installations, risques et principes technologiques de base
Sur le plan des installations, les grains restent entreposés, sont travaillés (nettoyés, filtrés) puis redistribués en fonction des périodes de l’année (les cycles des moissons rythmant ces 141 périodes), vers des acheteurs locaux ou plus éloignés. Leur transport est réalisé de plusieurs manières, par camions, par train ou encore par voie fluviale. L’exploitation de ces silos est plus ou moins compliquée en fonction de la présence ou non de tous ces modes de transports. Elle est également plus ou moins compliquée en fonction de leur architecture, de leur taille et volume ou encore de leur degré ou non d’automatisation. Sur le plan des risques, les silos ont progressivement, à la suite de deux accidents graves en France, l’un en à Metz en 1982 (12 morts), et l’autre à Blaye en 1997 (11 morts), acquis le statut de ‘systèmes à risques’. Jusqu’alors non considérés comme tels, les silos ont pourtant toujours entrainé des risques d’incendie et d’explosion importants étant donné le comportement des grains, et surtout de la poussière. Les explosions de poussières sont les risques les plus redoutables car celles-ci peuvent générer des surpressions très importantes. Elles sont présentes dès que le grain est manipulé, et mise en suspension très facilement. Une source d’énergie extérieure, comme l’échauffement de parties mécaniques d’équipement servant au transport des grains (par exemple une bande transporteuse), peut enflammer les particules de poussières, créer par conséquent un front de flamme et déplacement de molécules qui, en milieu confiné, produit un effet de suppression. Cette surpression entraîne l’éclatement du silo, des projectiles, ainsi qu’une onde de choc. Les risques d’ensevelissement sont grands, ainsi que de dégâts matériels à l’extérieur. Mais l’auto combustion, par fermentation des grains stockés, est également une source de danger, en provoquant des incendies. Les évolutions technologiques, ponctuelles et plus graduelles dans le temps, comme, depuis une dizaine d’années, l’automatisation de certaines opérations et la présence de plus en plus d’outils informatisés (pour les prises d’échantillons, de mesures) utilisés notamment pour le contrôle continu de la qualité des produits, ont mené à une évolution des pratiques, mais également à une diminution du nombre d’opérateurs silos en exploitation. D’autre part, des modifications d’installations pour obtenir des débits plus élevés de déchargement des grains dans le but de s’adapter aux nouvelles capacités des barges de transport fluvial, ou encore, les modifications de la taille des camions des paysans sur les dernières années, indiquent une augmentation globalement des quantités chargées ou déchargées pour des unités de temps équivalentes.
Réglementation et inspection
Dans ce contexte d’accidents majeurs, une nouvelle réglementation s’est progressivement étoffée, au départ d’orientation plutôt prescriptive portant sur les types d’équipements de sécurité attendus (dans les années quatre vingt à la suite du premier accident, à Metz), comme des équipements adapté aux atmosphère explosive, elle s’est ouverte à une approche orientée sur le management de la sécurité, suivant en cela les évolutions dans les domaines des installations classées pour la protection de l’environnement (à la fin des années quatre vingt dix et courant des années deux mille). Le dernier aménagement en date, en 2007, porte sur la demande d’une mise en œuvre par l’exploitant d’un retour d’expérience permettant d’identifier les presque accidents. Jusqu’à l’accident de Blaye en 1997, les pratiques d’inspection n’orientaient pas les contrôles sur ces installations, mais les choses ont changé par la suite. Poussés par la réglementation, mais aussi par la perception qu’ils se faisaient de ces systèmes, les inspecteurs ont été de plus en plus attentifs et ont passé plus de temps à les contrôler. Cette nouvelle réglementation a également amené, parmi d’autres éléments (qui seront approfondis ultérieurement), l’entreprise à établir une fonction sécurité et environnement, au début des années 2000.