TRIZ, la théorie de résolution des problèmes inventifs
La comparaison des méthodes de génération d’idées nouvelles présentée dans le chapitre précédent, a montré que la théorie TRIZ permet de générer des idées de solutions ayant le plus haut niveau d’inventivité. De nombreux chercheurs lui prêtent de l’intérêt. De plus en plus d’entreprises l’adoptent dans leur stratégie de développement. Nous allons, à travers ce chapitre, présenter la théorie TRIZ. Elle possède une gamme très riche d’outils et des concepts extraits d’une analyse des centaines de milliers de brevets. Son arrivée en occident a apporté un autre regard sur la pratique de l’innovation, et sur la façon d’aborder le problème de la créativité. Des notions nouvelles comme le problème inventif, problème spécifique, problème générique, déjà résolu, principes de contradiction, lois d’évolution etc., connaissances structurées, concepts de résolution de contradictions et de génération d’idées. Enfin tout ce qui relève de la méthodologie et a manqué aux méthodes classiques. Denis Cavallucci a écrit à ce sujet « Certaines méthodes trônent pour être les plus à même d’aider l’entreprise dans sa quête d’innovations. Mais la clé de l’innovation réside dans l’idée, dans l’éclair de génie porteur d’une solution idéale au problème posé et une analyse même rapide de ces méthodes montre irrémédiablement une absence de pertinence dans les phases de génération de concepts » [Cavallucci 1999a] Ajoutant : « Parmi les outils sur le marché, TRIZ demeure le seul à aller jusqu’à proposer des idées, des pistes technologiques de recherche» [Cavallucci and Lutz 1997]. L’avantage de TRIZ est de proposer des connaissances structurées à travers ses outils à caractère générique, ses principes inventifs et ses solutions standards permettant d’apporter un plus par rapport aux outils classiques. Auxquels elle apporte une complémentarité ingénieuse dans la résolution des problèmes [Leon-rovira and Aguayo 1998]. Dans ce chapitre, nous allons présenter dans un premier temps la genèse de cette théorie. Dans un second temps, nous donnerons l’évolution du développement de ses outils et concepts, puis nous expliquerons ces derniers. Enfin nous nous intéresserons aux domaines d’application de TRIZ, où nous verrons qu’en plus d’être utilisée pour la résolution des problèmes technologiques elle l’est également pour les problèmes non-technologiques. Enfin, nous examinerons quelques travaux scientifiques existants sur l’application des lois d’évolution. ‘ ( )* TRIZ, dans sa version actuelle, est le résultat d’une cinquantaine d’années d’efforts consentis par de nombreuses personnes, à commencer par son fondateur, le russe Guenrich Altshuller et son équipe, qui ont traité et analysé des centaines de milliers de brevets, pour dégager les bases pertinentes qui ont permis d’élaborer la théorie TRIZ [Bertoluci and Le Coq 2001] [Domb 2001]. TRIZ, acronyme de théorie de résolution des problèmes inventifs, est définie comme un outil de génération d’idées dans la résolution des problèmes inventifs, 35 permettant d’explorer systématiquement le domaine des solutions possibles à un problème donné. La théorie propose des outils de modélisation des problèmes et des bases de concepts de solutions pour y répondre [Choulier 2000]. Nous allons rapporter brièvement le chemin parcouru par cette théorie dans le monde occidental où son introduction tardive a commencé par les Etats Unis en 1989, soit une quarantaine d’années après sa création en Union Soviétique. Nous signalons que l’historique étant une suite d’évènements figés dans le temps, nous nous sommes contentés de les rapporter fidèlement, comme présentés dans la littérature spécialisée. Nous nous intéresserons également à son parcours en France où elle fit son entrée il y a à peine une quinzaine d’années [Cavallucci 1999a] et nous tenterons de rapporter également, les principales étapes ayant contribué à sa diffusion.
Historique de TRIZ en Union Soviétique
En 1946, Guenrich Altshuller fut recruté par la marine soviétique dans le département des brevets [Altshuller 1984a; TRIZ France 2009]. Ayant pour mission de valider les demandes d’invention, Altshuller a étudié attentivement des dizaines de milliers de certificats d’auteurs (un type de dépôt d’invention utilisé dans l’ex-Union Soviétique) et de brevets internationaux [ENSAM 2005] [Ideation International 2006]. Ce qui lui a permis de faire des observations capitales, qui a conduit, à la découverte d’idées directrices et d’avancer l’hypothèse que des principes de pensée inventifs similaires existaient entre plusieurs domaines différents, et que ces principes sont à la base de l’innovation [Terninko, Zusman et al. 1998; Timothy 2003]. Le jeune chercheur s’entoura alors d’une équipe d’ingénieurs et finit par confirmer, après un important travail d’analyse de plus de 400 000 brevets [Seredinski 2004] qu’il existe réellement des principes similaires d’invention. Il présenta le fruit de sa recherche sous l’intitulé de : théorie de résolution des problèmes inventifs TRIZ, acronyme russe de « Teorii Resheniya Izobretatelskix Zadach » comprenant particulièrement la matrice des contradictions techniques qui regroupe la liste des 40 principes d’innovation. En 1956 la première publication officielle de G. Altshuller sur TRIZ intitulée « About Technical Creativity » parut dans la revue Questions of Psychology en 1956 [Altshuller and Shapiro 1956; Souchkov 2008], présentait une nouvelle vision du processus d’invention, celle qui se concentre sur le résultat de l’activité et des connaissances de l’humanité et non sur celui attendu d’un cerveau à l’échelle de l’individu. Cette publication a introduit des concepts tels que la contradiction technique, l’idéalité, la pensée systémique inventive, la loi de l’intégralité des systèmes techniques et les principes inventifs. En 1968 le premier colloque sur la théorie TRIZ a été donné par Altshuller, il a joué un rôle très important dans l’histoire de TRIZ [Seredinski 2004].
Historique de TRIZ en France
TRIZ fit son apparition en Occident en passant en premier aux Etats – Unis, dans le sillage des libertés économiques et politiques que la perestroïka avait apportées dans les années 90. C’est dans ce pays que le premier logiciel fondé sur TRIZ a été élaboré. En France les noms de la théorie TRIZ et de son inventeur Alshuller ont été prononcés en 1991 par un membre de l’UNESCO, le Professeur Christo Boutzev [Cavallucci 2007], qui participait à une présentation donnée par M. Valery Tsurikov, alors président d’une société dénommée « invention Machine », il a présenté ce jour-là un outil informatique construit sur les bases de la théorie de TRIZ. La société «Invention Machine » fut transférée de Minsk à Boston, et on ne reparlera plus de TRIZ en France. Il fallait attendre alors l’année 1993, où Avraam Seredinski, également russe d’origine, en France depuis 1991, professeur dans un lycée technique à Poitiers fit sa première publication en 1993 dans « centre de Presse ». Il a été parmi les initiateurs de la création de l’Association Nationale TRIZ-France. Actuellement elle réunit des entreprises, des Grandes Écoles et des personnes intéressées par la diffusion de TRIZ en France. Seredinski a traduit du russe en français pour publier en France les deux premiers livres sur TRIZ de Guenrich Altshuller « Et soudain apparût l’inventeur» [Seredinski 2002] ainsi que le deuxième « 40 principes d’innovation. TRIZ» [Seredinski 2004]; toujours du même auteur. Il continue à propager et à développer TRIZ sous différentes formes. En décembre 1997 la revue « Industries et Techniques » l’a cité comme l’une des deux premières personnes ayant enseigné TRIZ en France.