Processus empirique de fonctionnelles de champs gaussiens à longue mémoire
et applications
L’objectif de ce chapitre est d’étudier le comportement asymptotique du processus empirique d’une fonction d’un champ gaussien à longue mémoire. Nous considérons ici le processus empirique doublement indexé par x ∈ R et t ∈ [0, 1]d . Il est défini, à une normalisation près dépendante de n, par X [nt1] k1=1 . .. X [ntd] kd=1 h I{G(Xk1,…,kd )≤x} − F(x) i , (6.0.1) où G est une fonction mesurable et où F est la fonction de répartition du champ aléatoire (G(Xk))k∈Zd . En dimension d = 1, cette étude a été effectuée par Dehling et Taqqu (1989) sous l’hypothèse où X est gaussien et où sa fonction de covariance vérifie r(h) = h αL(h) où −1 < α < 0 et où L est une fonction à variation lente à l’infini. Ces auteurs montrent la dégénérescence asymptotique du processus limite, celui-ci ayant la forme f(x)Z(t), où f est une fonction déterministe et Z un champ aléatoire. Ce comportement, en dimension d = 1, semble être une caractéristique exclusive des processus à longue mémoire et l’on peut se demander si cette dégénérescence persiste dans le cadre plus large des champs. En dimension d quelconque, la convergence de (6.0.1) est étudiée en t = 1 dans Doukhan et al. (2002) lorsque G est la fonction identité et lorsque le champ stationnaire X est linéaire et à longue mémoire isotrope. Le résultat de ces auteurs montre la même dégénérescence asymptotique du processus empirique que celle qui se produit en dimension d = 1. Dans le corollaire 3, nous reprenons l’étude de Doukhan et al. (2002) et montrons, pour un champ gaussien à longue mémoire isotrope, et pour une fonction G quelconque, la convergence du champ (6.0.1) proprement normalisé dans l’espace D(R × [0, 1]d ). Ce travail étend donc aux dimensions d ≥ 2 celui de Dehling et Taqqu (1989). Processus empirique de fonctionnelles de champs gaussiens à longue mémoire et applications 126 Processus empirique de fonctionnelles de champs gaussiens à longue mémoire et applications Nous supposons ensuite, dans les corollaires 4 et 5, que le champ X est linéaire, gaussien et qu’il est à forte dépendance non-isotrope. Nous établissons alors la convergence dans D(R × [0, 1]d ) du processus empirique proprement normalisé lorsque le rang de Hermite de G vaut 1. L’ensemble de ces résultats repose sur le principe de réduction uniforme introduit par Dehling et Taqqu (1989), que nous généralisons dans le théorème 1. Il lie le comportement asymptotique du processus empirique d’un champ aléatoire à longue mémoire à celui de ses sommes partielles. Dans la section 6.1, nous établissons le principe de réduction uniforme et nous obtenons en application la convergence du processus empirique doublement indexé dans diverses situations de longue mémoire. La loi limite du processus empirique nous permet, dans la partie 6.2, d’obtenir le comportement asymptotique des U-statistiques et des statistiques de Von-Mises d’un champ fortement dépendant. Enfin la section 6.3 contient la preuve du théorème 1. 6.1 Convergence du processus empirique dans différentes situations de forte dépendance Soit (Xj )j∈Zd un champ gaussien stationnaire de fonction de covariance r tel que r(0) = 1. Soit G une fonction mesurable. On considère le développement suivant sur la base des polynômes de Hermite : I{G(Xj )≤x} − F(x) = X∞ q=m Jq(x) q! Hq(Xj ), où F(x) = P(G(X1) ≤ x) est la fonction de répartition de G(X1). Hq est le polynôme de Hermite de degré q et Jq(x) = E I{G(X1)≤x}Hq(X1) . (6.1.1) m est appelé le rang de Hermite de la fonction I{G(X1)≤x} − F(x). Soit Rn(x) = X j∈An I{G(Xj )≤x} − F(x) − Jm(x) m! Hm(Xj ) , où An = {1, .. . ,n} d . Théorème 18. Avec les notations précédentes, soit d 2 N = V ar X j∈AN Hm(Xj ) ! = m! X j,k∈A2 N r m(k − j). (6.1.2) Si limN→∞ dN = ∞, on a, pour tout δ > 0 et tout n ≤ N, P sup x d −1 N |Rn(x)| > ε ≤ C(ε)N δ d −2 N X j,k∈A2 N |r(k − j)| m+1 + d 2 n N2d , (6.1.3) 6.1 Convergence du processus empirique dans différentes situations de forte dépendance 127 où C(ε) est une constante positive qui dépend de ε. La démonstration du Théorème 18 se trouve dans la partie 6.3.1. Si l’on connait la distribution limite de d −1 N P j∈AN Hm(Xj ), l’inégalité (6.1.3) nous fournit le comportement asymptotique du processus empirique (6.0.1) dès que le majorant dans (6.1.3) tend vers 0 lorsque N tend vers l’infini. Nous présentons des corollaires dans lesquels ces deux conditions sont remplies. Le premier concerne des champs à longue mémoire isotrope tels qu’étudiés dans Dobrushin et Major (1979). Les autres concernent des situations de longue mémoire non isotrope : nous considérons d’une part des champs à longue mémoire de type produit et d’autre part des champs dont la densité spectrale est singulière sur des sous espaces linéaires de [−π, π] d .
Longue mémoire isotrope
Le corollaire suivant donne la convergence du processus empirique d’une fonctionnelle d’un champ gaussien à longue mémoire isotrope. La limite fait intervenir le processus de Hermite Zm de degré m défini dans le chapitre introductif par (1.3.4). Corollaire 3. Soit (Xn)n∈Zd un champ aléatoire gaussien stationnaire centré. Soit G une fonction mesurable et F la fonction de répartition de G(Xn). Soit m le rang de Hermite de la fonction I{G(X1)≤x} − F(x) et soit Jm(x) défini par (6.1.1). On suppose que (Xn) admet comme fonction de covariance r(k) = |k| −αL(|k|)b k |k| , (6.1.4) avec r(0) = 1, où 0 < mα < d, où L est une fonction à variation lente à l’infini et où b une fonction continue sur la sphère unité de R d . Alors 1 nd−mα/2 (L(n))m/2 X [nt1] j1=1 . ..X [ntd] jd=1 I{G(Xj )≤x} − F(x) D(R¯×[0,1]d) =⇒ Jm(x) m! Zm(t), où la convergence a lieu dans D(R × [0, 1]d ) muni de la topologie uniforme et de la tribu engendrée par les boules ouvertes et où Zm représente le processus de Hermite de degré m. Démonstration. D’après le Théorème 16, lorsque N tend vers l’infini, d 2 N ∼ N 2d−mα(L(N))m. (6.1.5) 128 Processus empirique de fonctionnelles de champs gaussiens à longue mémoire et applications Cherchons d’autre part l’ordre de P j,k∈AN |r(k − j)| m+1 : X j,k∈AN |r(k − j)| m+1 ≤ N d + 2d X k∈AN−1 |k| −(m+1)αL(|k|) m+1 b k |k| m+1 Y d j=1 (N − kj ) ≤ N d + cNd X k∈AN−1 |k| −(m+1)αL(|k|) m+1 , car la fonction b est bornée, c étant une constante strictement positive. Le théorème de Potter sur les fonctions à variation lente (cf. Bingham et al. (1987)) affirme que si y ≤ x alors pour tout η > 0, il existe une constante c telle que L(y) ≤ c y x −η L(x). Nous appliquons cette inégalité à y = |k| et x = dN en choisissant η < α. On a donc X j,k∈AN |r(k − j)| m+1 ≤ N d + cNd X k∈AN−1 |k| −(m+1)(α+η)L(dN) m+1(dN) (m+1)η ≤ N d + cN2d−(m+1)αL(N) m+1L(dN) m+1 L(N)m+1 . Comme L est une fonction à variation lente, L(dN)/L(N) est borné et l’on obtient finalement X j,k∈AN |r(k − j)| m+1 = O(N 2d−(m+1)αL(N) m+1) + O(N d ). (6.1.6) Ainsi, grâce à (6.1.5) et (6.1.6), on voit que le terme de droite dans l’inégalité (6.1.3) converge vers 0 dès que δ < α ∧ (d − mα). On a donc : 1 Nd−mα/2 (L(N))m/2 X j∈A[Nt] I{G(Xj )≤x} − F(x) − Jm(x) m! Hm(Xj ) ∞ −→ 0 (6.1.7) en probabilité où la norme considérée est la norme uniforme par rapport à la variable x ∈ R et la variable t ∈ [0, 1]d . Dobrushin et Major (1979) obtiennent la convergence des lois fini-dimensionnelles des sommes partielles du processus Hm(Xj ) vers le processus de Hermite Zm. Le Théorème 16 montre que cette convergence a lieu dans D([0, 1]d ). Le processus Zm appartenant à C([0, 1]d ), on peut donc, d’après le théorème de représentation de Skorohod et Dudley, trouver une version Z˜m de Zm et une version Z˜m,N des sommes partielles normalisées telles que kZ˜m,N (.) − Z˜m(.)kD([0,1]d) p.s. −→ 0