Expansion de l’identité des matériaux en conception
Synthèse de notre objet de recherche Nous proposons ici de faire la synthèse de notre objet de recherche développé en première partie en vue de construire la problématique spécifique de nos travaux de thèse. Dans la première partie de notre document, nous avons développé à partir d’un cas particulier à l’origine de notre recherche, une réflexion d’ordre théorique qui nous permet maintenant de formuler notre problématique de recherche. Le point de départ de notre recherche est un projet industriel de développement de nouvelles applications pour un nouveau matériau, l’Ultrabéton®. Grâce à un éclairage, en particulier historique, nous avons montré que le cas de l’Ultrabéton® soulevait de manière emblématique la question de l’identité des matériaux. Le concept d’identité pose la question du devenir. Dans le cas des matériaux, matière industrielle vouée à être transformée en objet, la question du devenir s’avère en effet problématique. L’identité d’un matériau fait l’objet d’un processus constructif. De ce fait, l’identité d’un matériau peut être caractérisée comme étant évolutive, plurielle et expansive. Elle est évolutive puisque liée à la perception individuelle de chacun et surtout à la perception culturelle d’une époque, d’une culture [Sparke, 1990] [Doordan, 2003] [Krippendorf, 2008]. C’est avec la pensée postmoderne que, par une ‘mise en culture’ du concept d’identité, s’est révélé une nécessaire pluralité [Manzini, 1989][Doordan, 2006]. Enfin, l’identité d’un matériau apparaît comme expansive car directement liée à la conception [Hatchuel, 2006] [Hatchuel et al, 2006]. Compte tenu de l’impact de la culture sur l’identité d’un matériau, on distingue l’identité conçue de l’identité perçue d’un matériau, perçue à travers le filtre de l’objet, ou encore reçue, au sens de la réception d’un objet par l’usager. La distinction de l’identité conçue et de l’identité perçue d’un matériau nous montre l’impact de la conception sur l’identité d’un matériau ; et ce sur tout le processus industriel, à la fois au moment de la conception du matériau et à celui de la mise en forme du matériau en objet.
Formulation de notre problématique de recherche
Objet de recherche et design Avec l’appui des travaux de Rheinberger, [Dombois, 2005] définit la recherche comme une activité qui s’intéresse à ce que l’on ne connaît pas et qui tente de cerner et d’expliquer ce qui n’est pas encore défini. L’auteur précise au sujet de la recherche en design, que son objet épistémique n’est pas forcément le design : « On peut imaginer d’autres sujets d’intérêt (…) et notamment une « observation du monde du point de vue du projeteur » (…) dans le contexte d’une communauté de chercheurs [pluridisciplinaires] » qui aurait pour spécificité d’apporter des connaissances par le point de vue du designer, du projeteur (celui qui réalise un projet) [Dombois, 2005] De manière similaire, dans le cadre de recherches qui intègrent une dimension artistique et une théorisation en action, [Gosselin, 2006] distingue trois objets d’étude possibles : tout d’abord, l’étude de la pratique elle-même, de son processus ; ensuite, l’étude par le point de vue du praticien (ici le praticien en art) d’un sujet commun à différentes disciplines (philosophie, sociologie,…) ; enfin, la recherche par la pratique sur les théories de l’esthétique (du rapport de l’œuvre d’art au public par exemple). La seconde qui permet d’apporter le point du vue du praticien sur un objet commun à plusieurs disciplines retient particulièrement notre attention. Dans le domaine du design, [Findeli, 2007] [Findeli, 2009] montre également comment l’objet d’une recherche peut porter sur un domaine étudié par différentes disciplines et explique que la spécificité du design tient plus dans le regard particulier et projectif d’un concepteur qui observe le monde dans tous ses aspects physiques, symboliques, culturels, spirituels. Dans notre cas, il nous semble que la sémiologie ne peut permettre à elle seule d’étudier la question de l’identité des matériaux compte tenu de l’influence de la conception sur l’élaboration et la mise en forme d’un matériau. Par notre point de vue de designer, notre recherche peut permettre d’étudier la question de l’identité des matériaux en action et sur le terrain industriel. Notre problématique de recherche Le concepteur et particulièrement le designer, par sa compétence à prendre en compte les dimensions ‘plastiques’, symboliques et culturelles des artefacts, peut contribuer à ce que nous avons nommé l’expansion de l’identité des matériaux. Le manque de modèle théorique en conception prenant en compte l’aspect expansif de l’identité d’un matériau nous permet de délimiter notre objet de Partie 2 Problématique, hypothèses et protocole de recherche 74 recherche. Nous formulons la problématique de recherche suivante : Comment contribuer à l’expansion de l’identité des matériaux en conception ?