Une approche théorique du développement professionnel

Une approche théorique du développement professionnel

Nombre d’auteurs recourent à un usage notionnel du développement professionnel. Nous montrons ci-dessous que, le plus souvent, les recherches en sciences de l’éducation traitent d’un avant/après attestant d’un changement, d’une évolution, qui sont alors désignés comme « développement professionnel ». Ce n’est que plus rarement qu’une étude du contenu des activités, réalisée à partir d’une analyse des situations de travail, et de l’influence d’un dispositif sur les activités, montre sur pièces qu’un développement des activités cibles a eu lieu ou non. 1. Quelles définitions du développement professionnel ? Le développement a été historiquement conceptualisé par Vygotski (1896-1934) et Piaget (1896-1980) qui ont proposé deux cadres théoriques différents. Pour Piaget (1975), c’est par le schème, issue de sa théorie de l’adaptation, que l’enfant va pouvoir assimiler de nouveaux objets et s’accommoder aux nouvelles propriétés de ceux-ci pour ainsi agir de plus en plus finement en situation. Pour Vygotski (1933/1997), c’est par le langage et par un processus de conceptualisation dans l’action, via l’appui d’une tierce personne, de son environnement social, que l’enfant va pouvoir réussir avec l’aide d’autrui à faire ce qu’il ne parvient pas à faire seul : c’est la zone de proche développement7 . Le sens que l’individu donne à l’apprentissage et la mobilisation de son environnement social va de façon itérative développer ses capacités de compréhension du monde qui l’entoure et ses actions. Concernant les adultes, Pastré, (2011) souligne que le développement d’un sujet résulte d’un « élargissement des capacités de penser et d’agir » et « l’ouverture dans l’organisation de l’activité » (p112-113). Mayen (1999) précise, quant à lui, que le développement peut s’approcher comme «l’élargissement et la transformation des significations que donne les sujets aux objets et aux phénomènes du monde dans lequel ils agissent ». Les deux auteurs, dans leurs définitions, évoquent le développement du sujet sans référer à l’univers professionnel, bien que les études sur lesquelles ils s’appuient se réalisent dans une activité 7 Ou, selon les auteurs la zone de développement proximal ou encore la zone proximale de développement 28 professionnelle. Il nous semble pourtant important de délimiter le champ du développement que nous regardons en associant ce dernier au terme professionnel qui s’entend globalement comme étant « relatif à une profession ou à un métier, à son exercice » 8 . En associant ces termes, il s’agit pour nous de souligner que notre focale sur le développement s’attache avant tout à comprendre la façon dont un individu peut se développer dans et par son activité professionnelle et à quelles conditions. Sans avoir réalisé une analyse quantitative approfondie nous pouvons néanmoins affirmer que la plupart des auteurs adoptent, dans leur article, une position relativement prudente sur la question du développement professionnel, tant dans sa définition, ses contours, son périmètre, que ses processus. Dans leur revue de littérature sur les approches constructivistes ou socio-constructives en sciences de l’éducation, Gosselin, Viau-Guay, & Bourassa (2014, p13) soulignent « que la définition du concept de développement professionnel et du processus d’apprentissage sous-jacent demeure évasive par sa complexité multidimensionnelle ». Marcel (2009) en donne une définition syncrétique, que nous faisons notre à ce stade de notre travail. Il précise que « dans son acception la plus large, la notion de développement professionnel englobe la construction des compétences lors de formations individuelles ou collectives, mais aussi la construction de compétences nouvelles par la pratique et la réflexion sur la pratique ainsi que les transformations identitaires des individus ou des groupes ».

La didactique professionnelle comme analyseur du développement professionnel

C’est aussi dans cette mise en exergue d’une réflexion dans et sur l’action que s’inscrit la didactique professionnelle. La didactique professionnelle propose une approche visant à préciser comment conduire cette réflexion, la façon dont s’opère la conceptualisation dans l’action (Pastré, 1999; Vergnaud, 2002) et s’interroge sur la façon de rendre des situations de travail apprenantes. Au-delà, elle pose la question et met en travail, une possible articulation entre apprentissage et développement en considérant qu’ils se rejoignent dans l’activité. Ainsi, « une alternance fonctionnelle entre développement et apprentissage résulterait des degrés d’appropriation des objets et de leur transformation dans l’action. L’apprentissage qui précède le développement est considéré comme « moyen de développement » avant que ce développement ne devienne à son tour moyen d’apprentissage » (Frenay, Jorro, & Poumay, 2011; p.31). On retrouve la même vision chez Yvon & Clot (2004). Dès lors, pour traiter du développement professionnel, il apparait pertinent de se focaliser sur l’observation et l’analyse de l’activité des professionnels. De plus, comme le suggère aussi la didactique professionnelle et le courant du « workplace learning » d’en rendre compte, en situation de travail. Plus précisément il s’agit de questionner le couplage activité-situation (Mayen, 2004b). Cela nous amène à identifier ce que nous entendons par activité et par situation, ici de travail. Le courant théorique de la didactique professionnelle (Pastré, Mayen, & Vergnaud, 2006; Pastré, 2011) a pour vocation de : « constituer un cadre théorique et méthodologique : (i) pour préciser la notion de compétence du point de vue d’une approche développementale de l’action humaine ; (ii) pour contribuer à la compréhension des processus par lesquels se 31 construisent et se développent les capacités d’action ; (iii) pour concevoir des contenus et des modalités de formation à partir de l’analyse des situations de travail et de l’activité effective qu’y déploient des professionnels, plutôt qu’à partir des disciplines ou des tâches définies par les prescripteurs » (Mayen, 2003). En cela, la didactique professionnelle « s’intéresse aux conditions et aux processus par lesquels se construisent, se transforment et se développement des compétences professionnelle, aussi bien dans et par l’expérience du travail que dans et par la formation plus ou moins formelle » p126, (Mayen, 2013). Pour nourrir son approche théorique, elle s’intéresse donc au travail tel qu’il se réalise en situation professionnelle, dit autrement à l’activité et aux situations de travail et donc au couplage activité-situation. a) Analyser le couplage activité-situation Si la notion d’activité a été largement travaillée dans différents champs disciplinaires, la didactique professionnelle s’inspire de la psychologie ergonomique pour l’aborder (Pastré, 2011). La psychologie ergonomique a pour objectif de « contribuer à la transformation des situations de travail en agissant sur l’environnement de travail et l’Homme » (Rabardel, 1998). Cette discipline s’appuie sur la distinction classique en ergonomie, entre la tâche prescrite au professionnel et l’activité réelle que réalise le professionnel, en partant du postulat qu’il y a « toujours plus » dans l’activité réelle que dans la tâche (Leplat, 2008). L’écart entre ces deux éléments permet de mettre en avant le sens que le professionnel donne à la tâche qu’il réalise et la façon dont ‘il la met à sa main’. La psychologie ergonomique s’intéresse à la part cognitive présente dans la réalisation de l’activité de travail. Cette discipline a autant pour terrain des activités d’exécution que des activités de conception et ce tant dans des situations ‘classiques’ que des situations considérées comme dynamiques (Rogalski & Samurçay, 1992). Plus précisément, il s’agit d’analyser l’activité en s’appuyant sur les travaux princeps de (Galpérine, 1966; Savoyant, 1979) qui mettent en avant différents niveaux d’organisation de l’activité. Comme le rappelle Mayen (2004) cette théorie de l’activité « distingue dans le travail ce qui est de l’ordre de l’activité, de l’action et des opérations. La part visible de l’activité se réduit aux opérations d’exécution alors que la réussite de l’action dépend de sa partie d’orientation ».

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