CONTEXTE D’APPARITION DES METHODES D’EVALUATION RAPIDE
L’origine de ces méthodes est à mettre en lien avec le Clean Water Act, loi fédérale américaine portant sur la pollution des eaux votée en 1972 et appliquée depuis 1978. Un des buts premiers de cette loi est de maintenir et restaurer l’intégrité physique, chimique et biologique des eaux dans les différents états des Etats-Unis. (FENNESSY et al. 2004). La section 404 du Clean Water Act est devenue le plus important programme régissant la protection de l’eau à l’échelle des Etats-Unis, y compris des zones humides (ENVIRONMENTAL LAW INSTITUTE, 2002). Elle a imposé la séquence d’actions « éviter – réduire – compenser » les impacts négatifs sur les milieux naturels, sous le terme de « Wetland Mitigation » (STEIN et al. 2009, in QUETIER et SCHWOERTZIG, 2011). Aux Etats-Unis comme en France la mesure compensatoire vise à contrebalancer les effets négatifs pour l’environnement d’un projet d’aménagement (urbanisme, infrastructures, quartiers d’habitation, zones d’activité commerciale ou industries, etc.) par une action positive, lorsque l’impact n’a pu être évité ou réduit. Elle doit théoriquement rétablir une situation d’une qualité globale au moins égale, si ce n’est meilleure, à la situation antérieure. (MISE 91, 2010). Pour pouvoir définir une mesure compensatoire, cela nécessite au minimum une étude de l’état initial du site et de son environnement et l’étude des modifications que le projet 5 http://www.rapidassessment.net/introduction.html 15 engendrerait ou a engendré. Ainsi, le maître d’ouvrage doit financer la restauration, la création, l’amélioration ou la préservation des fonctionnalités écologiques du milieu naturel qui seront altérées s’il veut pouvoir mettre en œuvre un projet de construction (GENIAUX, 2002, in SCHWOERTZIG, 2011) Il existe une démarche complémentaire, le « mitigation banking », qui est une spécificité du système américain. Il s’agit de « banques de sites » où des actions de création ou d’amélioration sont réalisées avant que les impacts aient lieu. Dans le cadre de la procédure d’autorisation, l’aménageur peut alors faire l’acquisition de « crédits » ou « d’unités » auprès de ces banques, correspondants aux pertes anticipées suite à l’aménagement (QUETIER et SCHWOERTZIG, 2011 ; STEIN et al. 2000 ; HRUBY et al. 2011 ; BARDI et al. 2004, in SCHWOERTZIG, 2011). Il existe différentes méthodes d’évaluation permettant d’appliquer cette politique de compensation. Celles-ci ont été formalisées en 3 niveaux de hiérarchie méthodologique par l’Environmental Protection Agency américaine (STEIN et al. 2009, in QUETIER et SCHWOERTZIG, 2011). – Le 1er niveau concerne des analyses à large échelle spatiale, notamment par le biais de la télédétection et du traitement des images satellites. Les résultats n’étant pas appuyés par des relevés sur le terrain, ils ne permettent pas nécessairement d’obtenir des résultats précis. – Le 2ème niveau, qui est intermédiaire, utilise le diagnostic de terrain et de données existantes pour évaluer les conditions des zones humides. Il s’agit des Méthodes d’Évaluation Rapide. – Le 3ème niveau implique des analyses et des relevés de terrain approfondis, qui permettent d’obtenir des résultats très précis sur des zones particulières mais qui mobilisent des moyens tant humains que matériels, et nécessite du temps et une expertise considérable (QUETIER et SCHWOERTZIG, 2011). Les premières Mesures d’Évaluations Rapides américaines sont apparues dans les années 1980. Depuis, au moins quarante méthodes ont été développées afin d’évaluer rapidement l’état d’une large gamme de zones humides (ENVIRONMENTAL LAW INSTITUTE, 2002 et FENNESSY et al. 2007). Généralement une méthode est développée pour un État particulier, bien qu’il arrive que plusieurs méthodes soient développées dans le même état (par exemple Method for Inventorying and Evaluating Freshwater Wetlands In New Hampshire, 1991 et New Hampshire Method (NHM), 1993 ou Uniform Mitigation Assessment Method (UMAM), 2004, Florida Wetland Quality Index (FWQI), 1995 et Florida Wetland Rapid Assessment Procedure (FWRAP), 1999). Le plus souvent, l’objectif est de couvrir l’intégralité du territoire, comme dans le cas du New Hampshire, ou de proposer une évaluation différente (FENNESSY et al. 2007). Une grande partie d’entre-elles reposent sur une méthode développée dans les années 1980 par le département de l’US Fish and Wildlife Service. Il s’agit de l’Habitat Evaluation Procedure (HEP). Son but est de déterminer des mesures compensatoires appropriées afin de compenser les impacts affectant une zone humide. Comme son nom l’indique cette méthode se base sur la mesure de la qualité d’habitat que le site apporte pour la faune et la flore (DUMAX, 2010). Elle a donc principalement un intérêt d’outil d’aide à la gestion de la biodiversité. 16 Ces méthodes ont progressivement évolué vers des méthodes évaluant un plus grand nombre de fonctions. C’est ainsi qu’est née la Wetland Evaluation Technique (WET) dont la première version date de 1987. Elle a été mise en œuvre par l’US Amy Corps of Engineers, une agence fédérale regroupant civils et militaires et travaillant dans le domaine du génie civil 6 . Selon les auteurs, cette méthode pouvait être utilisée dans diverses circonstances, bien qu’elle ait été principalement conçue afin de procéder à une analyse initiale et rapide des fonctions d’une zone humide. Elle pouvait aussi permettre de comparer des zones humides entre elles, d’évaluer les impacts de projets d’aménagement, d’établir des priorités dans l’acquisition de zones humides ou bien de comparer des zones humides créées ou restaurées avec des zones humides de références, dans le cadre de projets de compensation (HATFIELD et al. 2004).
OBJECTIFS ET PRINCIPES DE FONCTIONNEMENT
L’objectif des MER est d’estimer rapidement, de façon reproductible et fiable (robustesse scientifique) (FENNESSY et al. 2007), et à moindre coût l’état d’un système écologique complexe, ou de ses fonctionnalités écologiques. Cette estimation se fait à partir d’indicateurs simples et prédéfinis évalués sur le terrain et à partir d’informations cartographiques, accessibles publiquement. Il y a relativement peu de données publiées au sujet de la précision ou de la répétabilité des méthodes. Seuls quelques articles ont pu être répertoriés (CARLETTI et al. 2004), (FENNESSY et al. 2007) et (HATFIELD et al. 2004) etc. Il s’agit pourtant de deux points essentiels sur lesquels reposent les Méthodes Rapides d’Evaluation. Dans le cadre des mesures compensatoires, les Méthodes d’Évaluation Rapide doivent aussi permettre d’évaluer, avec une même mesure, les pertes liées à un projet d’aménagement et les gains attendus d’actions de restauration (QUETIER et SCHWOERTZIG, 2010). Certaines vont plus loin, en proposant des mesures de compensation, de restauration ou de gestion des zones humides. Ces méthodes reposent sur un certain nombre d’indicateurs mesurés principalement sur le terrain. Ceux-ci servent à évaluer : – les conditions écologiques des zones humides en fonction de 4 enjeux7 (Contexte paysager, Hydrologie, Sol/Substrat et Habitat pour la Faune et la Flore) et/ou – leurs fonctions ou services, regroupés en 4 catégories (Protection de la qualité de l’eau, Hydrologie et sols, Biodiversité (dont la fonction d’Habitat) et Utilisations anthropiques). Les indicateurs peuvent également être des facteurs de stress en lien avec les activités humaines. Ces indices se voient attribuer un score (chiffre ou appréciation selon la méthode) et sont ensuite généralement combinés entre eux afin d’aboutir à une note par catégorie d’enjeux ou par fonction, pour finalement donner une note globale à la zone humide. Ce score global permet de définir la « valeur » de la zone humide et de la classifier sur une échelle indiquant son état écologique et/ou sa capacité fonctionnelle. Cela permet également de déterminer le type et le montant de la compensation qu’il sera nécessaire d’établir afin de préserver l’ensemble des fonctions perdues lors de l’altération de la zone humide, ou de procéder à des comparaisons entre différents sites ou d’un même site au cours du temps (notamment avant et après des interventions humaines). Quétier et Schwoertzig (2011) soulignent que « les méthodes doivent permettre d’évaluer, avec une même mesure, les pertes liées à un impact et les gains attendus d’actions de restauration ».