PROBLÉMATIQUE ET NOUVELLE IMMERSION DANS LA RÉALITÉ SPORTIVE ASSOCIATIVE DES QUARTIERS POPULAIRES

PROBLÉMATIQUE ET NOUVELLE IMMERSION DANS LA RÉALITÉ SPORTIVE ASSOCIATIVE DES QUARTIERS POPULAIRES

 La créativité des clubs sportifs en question Nous avons vu dans les parties précédentes que le modèle sportif associatif s’est historiquement institutionnalisé à partir de l’activité créative du tiers secteur qui a permis le développement d’une idéologie du progrès social par la compétition corporelle. En se structurant, ce modèle s’est diversifié, proposant tout au long du XXème siècle des organisations, des objets et des projets multiples, dépassant le strict référentiel compétitif. A travers cette diversification des usages et des représentations des loisirs sportifs, il est aujourd’hui difficile voire impossible de définir avec précision le modèle sportif associatif. D’aucuns remettent d’ailleurs en question le concept de modèle sportif pour envisager sa segmentation sous diverses formes organisationnelles : tourisme sportif, intervention des collectivités territoriales (régions, départements, communes) sous forme d’animations, d’entreprises de services et de biens sportifs, de clubs professionnels, etc326. De plus, à côté du mouvement olympique, un monde sportif « parallèle » a émergé et s’est structuré autour des grands courants idéologiques qui ont façonné la vie sociale. On retrouve ici les fédérations sportives affinitaires multisports qui tentent (ou ont tenté) de proposer un contre-modèle de pratiques corporelles. Les membres ont dans ces espaces en commun une affinité de pensée, une philosophie ou des caractéristiques identiques (physiques, conditions sociales, etc.) : « Quatre grandes familles « émergent » [au sein des fédérations sportives affinitaires] : les fédérations confessionnelles liées aux patronages paroissiaux (ex. la Fédération sportive et culturelle de France), les fédérations sportives laïques (ex. l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique et la Fédération française d’éducation physique et de gymnastique volontaire), les fédérations proposant des sports aux personnes handicapées ou déficientes (ex. Fédération Handisport) et enfin, les fédérations « travaillistes » (ex. Fédération sportive gymnique du travail) » 327. Il existe également des groupements parascolaires, des associations d’éducation populaire ou encore des partis politiques qui proposent des activités physiques sous différentes formes, notamment à destination de la jeunesse. On y retrouve par exemple la Jeunesse ouvrière chrétienne ou encore l’Union des centres de plein air (UCPA). Si le rôle subversif de ces organisations a pu être recherché, les effets en sont aujourd’hui très limités. Ces « institutions de socialisation328 » entretiennent des relations institutionnelles avec les fédérations unisports du Mouvement Olympique pour organiser les compétitions et championnats. Cette relation maintient les fédérations affinitaires dans une posture de dépendance vis-à-vis des fédérations olympiques. Ces dernières, réunies au sein du Comité National Olympique Sportif Français (CNOSF), jouissent d’une forte reconnaissance institutionnelle et sociale et restent l’institution de référence pour le pouvoir politique en France. Les contremodèles fédéraux gardent une place dans le paysage sportif local mais n’ont pas su s’imposer sur la scène nationale ou internationale. Elles souffrent aujourd’hui de lisibilité institutionnelle et d’une remise en cause de leur projet originelle.

 Problématique et questions intermédiaires de recherche

Ma problématique questionnera la dynamique de l’innovation sociale au sein des clubs sportifs affiliés sous l’angle de la formalisation de solutions collectives imaginées et mises en œuvre pour faire face aux problèmes posés à la fois par le développement de l’activité associative et par le contexte local, notamment autour des enjeux du développement social dans les quartiers populaires. Ces structures intermédiaires343 prises dans la contrainte double de l’affiliation à l’institution sportive et de l’adaptation aux réalités locales sont-elles des organisations capables de produire du sens, des actions, et des représentations originales de l’action associative locale dépassant la tradition sportive? Plus précisément, comment l’innovation sociale se développe-telle dans la vie quotidienne et « ordinaire344 » des clubs sportifs dont l’objet associatif repose sur le principe originel du développement de la pratique ? Quelles sont les logiques internes et externes qui poussent les dirigeants associatifs à s’engager dans de nouvelles actions, notamment celles à destination des publics issus des quartiers populaires ?L’innovation sociale sera envisagée tout au long de l’exposé des résultats comme : « un processus multiforme et multidimensionnel de production et de rénovation de l’existant, dans le but de produire du changement social, et ce, à diverses échelles. […] L’innovation sociale englobe à la fois le fait d’innover, c’est-à-dire une action inventive orientée culturellement, produit de l’imaginaire et du hasard, et le processus institutionnel de reconnaissance sociale de son usage à l’institué345 ». Comprendre comment se déroule le processus d’innovation sociale au sein des clubs sportifs permettra de révéler les capacités du modèle sportif associatif, dans sa déclinaison territoriale, à se saisir de la nouvelle question sociale346 et de la nouvelle question urbaine347 . Pour traiter cette problématique, je propose de développer quatre questions intermédiaires de recherche

Question intermédiaire de recherche n°1

La (re)définition du sens social du club sportif Les grands changements sociaux ne sont pas étrangers à l’activité du tiers secteur sportif affilié aux fédérations sportives olympiques, qui par aveuglement idéologique et par effet d’institution, n’ont pas su, dans leur ensemble, repérer puis assimiler les nouvelles problématiques du développement social sur les territoires. Une disjonction apparaît alors entre les préoccupations des clubs qui font face aux nouvelles demandes des individus et les orientations des projets fédéraux. Les quartiers populaires apparaissent, dans cette perspective, comme des espaces socioterritoriaux investis par le politique servant de révélateur aux transformations à opérer pour le mouvement sportif associatif. Dès lors, la recherche du sens à donner à l’action sportive associative passe par une prise de conscience de l’état de la société, de la place et du rôle que peut jouer l’association sur son territoire. Ma première question intermédiaire de recherche sera que le développement de l’innovation sociale dans les clubs sportifs s’appuie sur une recherche soutenue, une « quête » de sens de l’action sportive territoriale. Cette « quête » se concentre autour d’une problématique majeure : la fonction politique348 et d’utilité sociale du club sur son territoire. 

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