Présentation de l’implant cochléaire et de son fonctionnement
L’implant cochléaire se définit comme un dispositif qui transforme les informations auditives acoustiques en signal électrique, délivré directement au nerf auditif. Il s’adresse essentiellement à des surdités sévères à profondes, bilatérales.
Caractéristiques de l’implant cochléaire : La partie externe se compose d’un processeur qui capte les sons de l’environnement par un microphone et les transforme en signal électrique. Les stimuli traités cheminent jusqu’à l’émetteur (ou antenne), transmettant le signal vers la partie implantée, au moyen d’induction électromagnétique.
La partie interne est quant à elle implantée chirurgicalement. Elle réceptionne et véhicule ainsi le signal électrique jusqu’au faisceau d’électrodes placées dans la cochlée.
Fonctionnement : Les signaux analogiques transformés par l’implant cochléaire en signaux numériques vont directement stimuler les fibres du nerf auditif par l’intermédiaire d’électrodes. Ces électrodes sont insérées dans la rampe tympanique de la cochlée où les hautes fréquences sont captées à la base de la cochlée et les basses fréquences à l’apex. C’est ce que l’on appelle la tonotopie cochléaire. L’onde acoustique est distribuée le long de la cochlée en fonction de la fréquence détectée par la membrane basilaire.
Efficacité et rôle des électrodes : La stimulation s’effectue au moyen d’une vingtaine d’électrodes, qui, parfois, ne peuvent être toutes introduites. L’efficacité de l’implant est directement liée à la stratégie de codage et à la qualité de l’interface biolectrique (lien entre l’électrode et le neurone), mais aussi au nombre d’électrodes introduites. Un grand nombre d’études indique « que le nombre
d’électrodes actives ne correspond pas nécessairement au nombre de canaux d’informations indépendants » perçus par le patient. En effet, chaque électrode correspond à une bande de fréquences du signal sonore et le courant délivré est fixé à partir des seuils auditifs propres au patient. Toutefois, un nombre élevé d’électrodes actives pourrait engendrer des interférences entre les électrodes. Les informations véhiculées par une électrode ou couple d’électrodes interfèreraient avec les informations transmises par les électrodes voisines. Ainsi le nombre de canaux d’informations indépendants perçu par le patient est inférieur au nombre d’électrodes actives. Ce nombre de canaux d’informations indépendants constitue un élément essentiel et représentatif des potentielles performances perceptives.
Apports et limites de l’implant cochléaire
Les apports : L’implant cochléaire a principalement pour objectif d’améliorer la compréhension de la parole chez les personnes atteintes d’une surdité neurosensorielle sévère à totale bilatérale. Il permet aux personnes implantées d’accéder au monde sonore et à la compréhension de la parole dans le calme, avec aide de la lecture labiale. Il leur permet également d’améliorer leur production vocale et de leur apporter un mieux-être général (Nourdin, 2010). Selon la HAS1, les patients implantés tirent un bénéfice important et rapide, et ce quel que soit leur âge. Il est important de souligner enfin qu’une implantation bilatérale permet d’améliorer la perception de la parole, en particulier dans un environnement bruyant, et de favoriser la localisation sonore (binauralité). Les limites : Même si l’implant cochléaire permet une amélioration significative de la communication, certaines situations d’écoute restent compliquées : l’utilisation du téléphone, la communication dans un environnement bruyant et la musique.
Plus précisément, les variations fines du signal sonore ne peuvent être codées par l’implant cochléaire, ce qui empêche la transmission intégrale des indices phonologiques. La perception de la musique et de la prosodie s’avère parfois impossible chez les patients après l’implantation. De plus, les voix sont souvent perçues comme étant peu naturelles et parfois qualifiées de voix robotisées, déformées ou très aigues .
Définition de la musique
La musique se définit comme étant « l’art de combiner des sons d’après des règles, variables selon les lieux et les époques, et d’organiser une durée avec des éléments sonores ». Romain Rolland, écrivain passionné d’art et de musique du XIXème et XXème siècles, ajoute que la musique « est la parole la plus profonde de l’âme, le cri harmonieux de sa joie et de sa douleur ».
Les composantes musicales : Un son musical n’est pas un phénomène simple : il s’agit d’un ensemble plus ou moins grand de sons périodiques complexes simultanés. L’émission simultanée de plusieurs notes crée donc une harmonie. Le son musical peut se définir par différentes caractéristique.
L’intensité correspond à la caractéristique permettant de distinguer un son fort d’un son faible. Cette intensité, mesurable en décibels (dB), varie aussi bien dans la parole que dans la musique. Les musiciens préfèrent d’ailleurs le terme de nuance pour exprimer la dynamique créée par les différents niveaux d’intensité d’un morceau.
Le rythme correspond à la répartition des sons musicaux dans le temps, à un retour d’intervalles réguliers d’un repère constant. En musique, une durée est attribuée à chaque note, relative au tempo.
La hauteur : la hauteur d’un son, mesurable en Hertz (Hz), correspond à sa fréquence fondamentale, que l’on perçoit à l’oreille. Plus la fréquence est élevée, plus le son est aigu. A noter que les hauteurs des notes musicales s’étendent de 30 Hz à 5 kHz environ. Dans la musique occidentale, les sons musicaux sont composés de plusieurs multiples de cette fréquence fondamentale, que l’on appelle « les harmoniques ». Ce genre musical procède principalement par variations de hauteur tonale au cours du temps. Cette hauteur tonale joue également un rôle dans la séparation des sources sonores (différenciation et extraction des différents instruments d’un ensemble plus complexe).
Le timbre : d’un point de vue acoustique, cette notion complexe s’apparente à la corrélation entre la fréquence fondamentale et les harmoniques. Elle est indépendante des trois autres paramètres et se caractérise par l’attaque, la tenue et la chute d’une note. Le timbre permet notamment de distinguer entre eux les instruments de musique puisque celui-ci dépend du nombre d’harmoniques produits par l’instrument.
La mélodie correspond à l’ensemble de sons successifs formant une suite musicale reconnaissable et agréable.
La musique dans la vie
Il n’existe à ce jour aucun consensus sur l’origine de la musique. Bien que la musique constitue l’un des principaux loisirs de l’individu, elle reste l’un des comportements humains les plus énigmatiques .
D’après Firth (1996) l’homme « écoute la musique qu’il aime comme quelque chose de spécial, quelque chose qui défie le banal, qui le sort de lui-même, et qui le met quelque part ailleurs ». Le plaisir musical est universel. Bien que la musique soit directement corrélée à l’époque et à la culture dans lesquelles elle naît, chaque civilisation a su créer un art musical propre. La musique est donc un art compris par tous (ou presque, voir les travaux sur l’amusie congénitale d’Isabelle Peretz) et appréciée par le plus grand nombre.
Bien que les chercheurs étudient depuis longtemps les interactions de la musique avec l’esprit humain, une chose semble évidente : la musique éveille notre cerveau de façon mystérieuse et complexe. Ces travaux ont permis de recenser un large éventail des fonctions affectives, cognitives et sociales de l’écoute de la musique.
L’entrainement musical et ses répercussions sur le traitement langagier
De plus, comme le décrivent les études précédentes, la musique et le langage semblent partager des structures et réseaux neuronaux communs. La stimulation rythmique par amorce musicale, décrite par la chercheuse B. Tillmann (2017) lors du colloque de l’ACFOS4, pourrait par exemple influencer positivement le traitement langagier ensuite proposé. Des effets bénéfiques sur le traitement du langage peuvent être observés non seulement avec un programme d’apprentissage musical rythmique à long terme, mais également avec la présentation rapide d’amorces musicales aux rythmes réguliers. C’est-à-dire qu’après l’écoute d’une séquence musicale avec une forte régularité métrique, le traitement syntaxique des phrases est amélioré, aussi bien chez les enfants présentant des troubles développementaux que chez les adultes sourds implantés cochléaires. Certains auteurs ont par ailleurs mis en exergue l’impact positif d’un entrainement musical sur la compréhension de la parole dans le bruit. C’est par exemple ce que constate la Professeur de neurobiologie Kraus (2016) dans ses dernières études. Un entrainement auditif visant la stabilité neuronale des processus auditifs par un travail spécifique d’attention portée aux sons, peut affiner le traitement des fréquences fondamentales et favoriser la compréhension de la parole, principalement dans le bruit .
Table des matières
INTRODUCTION
PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES GENERALES
PARTIE THEORIQUE
I. RAPPELS SUR L’IMPLANT COCHLEAIRE
1. Présentation de l’implant cochléaire et de son fonctionnement
1.1. Définition
1.2. Caractéristiques de l’implant cochléaire
1.3. Fonctionnement
1.4. Efficacité et rôle des électrodes
2. Apports et limites de l’implant cochléaire
2.1. Les apports
2.2. Les limites
II. LA MUSIQUE
1. Définition de la musique
1.1. Définition
1.2. Les composantes musicales
2. La musique dans la vie
2.1. Fonction affective et psychologique
2.2. Fonction cognitive
2.3. Fonction sociale
3. Musique et langage
3.1. Similarités
3.1.1. Similarités cognitives
3.1.2. Similarités neuro-anatomiques
3.2. Différences
4. Prise en charge orthophonique et musique
4.1. Introduction de la musique en orthophonie
4.2. La musique comme outil cognitif
4.3. L’entrainement musical et ses répercussions sur le traitement langagier
III. IMPLANT COCHLEAIRE ET MUSIQUE
1. Perception de la musique avec un implant cochléaire
1.1. Perception des composantes musicales
1.1.1. Perception globale des mélodies
1.1.2. Perception du timbre
1.1.3. Perception de l’intensité
1.1.4 Perception du rythme
1.1.5 Perception de la hauteur, dite « temporelle »
1.2 Répercussions dans la vie quotidienne
2. Variations inter individuelles
2.1. L’anatomie
2.2. Apparition de la surdité
2.3. L’âge de pose de l’implant
2.4. La prothèse controlatérale
2.5. Autres paramètres
3. Facteurs externes
3.1. Caractéristiques musicales
3.2. L’environnement
4. Approche musicale dans le cadre de la prise en charge orthophonique de la personne implantée cochléaire
4.1. Evolution et impacts généraux de la prise en charge chez l’adulte implanté cochléaire
4.2. Prise en compte de la motivation et des attentes
4.3. Dissociation entre capacités objectives et subjectives
4.4. Amélioration du bien-être de la personne implantée cochléaire
IV. LA REEDUCATION DE GROUPE
1. L’intérêt des groupes
1.1. Groupe et intérêts personnels
1.2. Groupe et socialisation
2. Mise en place
2.1. Durée des séances
2.2. Rôle du thérapeute
2.3. Nombre de participants
3. Problématique liée au groupe
4. Les ateliers musicaux de groupe avec des personnes implantées cochléaires
4.1. Conseils pour la mise en place des ateliers
4.2. Quelques pistes de travail
PARTIE PRATIQUE – Sujet, méthode et matériel
I. CADRE ET HYPOTHÈSES DE L’ÉTUDE
1. Contexte et objectifs de l’étude
II. MÉTHODOLOGIE
1. Population concernée
1.1. Critères d’inclusion
1.2. Critères d’exclusion
1.3. Recrutement
1.4. Mise en place du groupe et modifications
1.5. Présentation de la population finale
2. Le bilan
2.1. Evaluation globale
2.2. Elaboration du bilan
3. Matériel utilisé
3.1. Les séances de groupes
3.2. Sélection et progression des exercices en groupe
3.3. Les entrainements quotidiens
3.4. Progression des exercices quotidiens
3.5. Adaptation des entrainements quotidiens
III. PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS
1. Appréciation de la musique
1.1. Résultats du questionnaire inspiré du Questionnaire Munichois
1.1.1 Fréquence d’écoute musicale, importance de la musique au quotidien et auto évaluation de l’audition pour la musique
1.1.2. Perception des éléments musicaux
1.1.3. Plaisir moyen lié à l’écoute de différents styles musicaux
1.2. Impressions et ressentis des patients recueillis lors des entretiens finaux
2. Composantes musicales
2.1. Scores globaux
2.2. Le rythme
2.3. La hauteur
2.4. Le timbre
2.5. La discrimination du genre des voix
3. Compréhension des paroles
4. Compétences langagières
4.1. Répétition de mots monosyllabiques et de phrases
4.2. Lecture indirecte minutée (LIM)
5. Compétences communicationnelles (ECOMAS)
5.1. Scores individuels obtenus à l’échelle ECOMAS
5.2. Scores moyens obtenus par domaines à l’échelle ECOMAS
6. Qualité de vie
6.1. Analyse quantitative
6.2. Analyse qualitative
7. Appréciation des groupes et des entrainements quotidiens
IV. DISCUSSION
1. Recontextualisation
2. Discussion des hypothèses
2.1 Hypothèse 1
2.2. Hypothèse 2
2.3. Hypothèse 3
2.4. Hypothèse 4
2.5. Hypothèse 5
2.6. Hypothèse 6
3. Discussion de la méthodologie
3.1. Analyse des séances
3.2. Analyse de la population
3.3. Validité statistique
4. Limites et perspectives
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
I. CAP
II. Courrier initial
III. Convocation pour les entretiens individuels
IV. Bilan
V. ECOMAS
VI. ERSA
VII. Questionnaire inspiré du Questionnaire Munichois
VIII. Questionnaire d’évaluation concernant l’étude
IX. Récapitulatif des séances de groupe proposées
X. Exemple de fiche d’entrainement – Consignes
XI. Exemple de fiche d’entrainement – Réponses