La croissance et la prolifération tumorale induites par les RCPG
Depuis une trentaine d’années, de nombreux RCPG et leur(s) ligand(s) associé(s) sont connus pour avoir un rôle pro-mitotique, en contrôlant le cycle cellulaire ou stimulant l’expression de facteurs pro-oncogéniques, la synthèse d’ADN et la prolifération cellulaire. L’effet pro-mitotique du sérum bovin fœtal sur les cellules en culture est dans un premier temps expliqué par la présence de l’acide lysophosphatidique (LPA) qui active la famille des lysophosphatidic acid receptors (LPAR) et permet le recrutement de la voie Gαs. Depuis ces travaux, l’implication de ligands de RCPG a été mise en évidence dans le recrutement de cette voie, e.g. la substance P et la substance K (Nilsson et al., 1985), la thrombine ou encore la bombésine (BBN). Classiquement, ces mécanismes sont en partie relayés par les MAPK. Les MAPK constituent une famille de sérine/thréonine kinases impliquées dans la transduction de signaux externes régulant la prolifération, la division et la différenciation cellulaires, et ce, via la translocation nucléaire de certaines d’entre-elles conduisant à l’activation de facteurs de transcription. Les premières MAPK découvertes et les plus étudiées sont les ERK 1 et 2 (également appelées p44mapK et p42mapK, respectivement), initialement connues pour être activées par des facteurs de croissance tels que l’epidermal growth factor (EGF), le platelet-derived growth factor (PDGF) ou le fibroblast growth factor (ou FGF) dont les récepteurs appartiennent à la famille des RTK.
La migration et l’invasion tumorale induites par les RCPG
La migration est un processus qui peut se décomposer en cinq étapes principales : polarisation, apparition de protrusions à l’avant de la cellule, formation d’adhésions stabilisant ces protrusions, contraction-traction à partir des adhésions, et rétractation du pôle arrière de la cellule. Le Dictyostelium discoideum, un eucaryote unicellulaire du groupe des amibes, a notamment servi de modèle pour étudier la migration directionnelle en réponse à un gradient chimioattractant d’AMPc. La migration cellulaire intervient dans plusieurs processus physiologiques et pathologiques tels que l’embryogenèse, la surveillance immunitaire, l’invasion tumorale ou l’apparition de métastases. L’ensemble des événements liés à la migration cellulaire a été regroupé dans le concept du «directionnal sensing». Celui-ci implique la détection d’un signal extracellulaire par des récepteurs membranaires tels que des RCPG et/ou RTK, permettant de déclencher la polarisation des cellules. La stimulation focalisée de ces récepteurs entraîne une cascade de signalisation intracellulaire impliquant la PI3K, responsable de l’accumulation de phosphatidylinositol-3,4,5-triphosphate (PIP3) à l’avant de la cellule et l’activation de guanosines GTPases de type Rho, Rac et cell division control protein 42 (Cdc42) via le recrutement de GEF . Ces dernières interagissent avec des protéines effectrices, et sont responsables de la polymérisation de l’actine à l’avant de la cellule. D’autres études ont par ailleurs montré que l’activation de ces GTPases ne dépend pas seulement du PIP3 produit par la PI3K. En effet, Li et coll. ont montré en 2003 que le complexe βγ peut interagir avec la sérine/thréonine kinase p21 activated kinase (PAK1) qui stimule la GEF PAK-associated guanine nucleotide exchange factor, elle-même responsable de l’activation de Cdc42. Rac permet quant à lui de favoriser la polymérisation de l’actine à l’avant de la cellule (mécanisme indispensable à la mise en place des protrusions cellulaires) et entraîne une boucle de rétrocontrôle positive sur la PI3K. Il existe par ailleurs un rétrocontrôle négatif qui implique la phosphatase and tensin homolog (PTEN), capable de réduire l’impact de la PI3K en hydrolysant le PIP3 en arrière et sur les faces latérales de la cellule polarisée. Des études ont ainsi révélé que l’absence de PTEN dans certaines cellules entraîne des défauts de polarisation et de migration, faisant de PTEN un suppresseur de tumeurs majeur .
Radiotraceurs ciblant le CXCR4
Le récepteur de chimiokine de type 4 (CXCR4) est un RCPG qui joue un rôle majeur pendant l’embryogenèse et dans l’inflammation. Récemment identifié comme une cible prometteuse pour le développement d’analogues radiomarqués pour l’imagerie et le traitement de tumeurs, le CXCR4 est impliqué dans des mécanismes importants de la tumorigenèse, e.g. prolifération/migration/invasion cellulaire et apparition de métastases. En accord avec ces observations, le CXCR4 est surexprimé dans les tumeurs primaires et les métastases de cancer du sein , de la prostate , de l’ovaire, de l’œsophage, du rein , du côlon ou du poumon. Enfin, cette surexpression intratumorale du CXCR4 est généralement associée à une forte agressivité et une résistance aux chimiothérapies, et donc malheureusement à un mauvais pronostic pour les patients. Ainsi, plusieurs agents pharmacologiques dirigés contre le CXCR4 ont été testés pour empêcher la formation de métastases chez des patients, mais en raison des rôles cruciaux auxquels participe le CXCR4 dans de nombreux processus biologiques, d’importants effets secondaires et délétères limitent leur utilisation. Le développement de nouveaux outils pour l’imagerie du CXCR4 permettrait d’affiner le pronostic des patients surexprimant le récepteur dans les foyers tumoraux, l’emploi de radioligands thérapeutiques et de déterminer les doses optimales d’agents anti-métastatiques à injecter chez un patient.
L’une des premières études pour la détection du CXCR4 dans les tumeurs a employé un antagoniste radiomarqué du récepteur, le 111In-DTPA-TZ14011. Bien que les expériences de binding avec ce radioligand aient été prometteuses (IC50 de 7,9 nM, similaire à celui du SDF-1), les résultats obtenus dans un modèle animal de xénogreffes tumorales ont été cependant décevants, probablement en raison d’une clairance rénale rapide. Plusieurs autres radioligands ont donc été synthétisés au cours de ces dernières années, mais aucun ne remplit in vivo toutes les exigences nécessaires, en termes de sélectivité et de propriétés pharmacocinétiques. A titre d’exemple, le 64Cu-AMD3100, pourtant rapidement et facilement radiomarqué, présente chez des souris saines une clairance rénale rapide et une accumulation importante dans le foie et la moelle épinière .
Radioligands ciblant les récepteurs SST1-5
Cette famille comporte deux peptides de 14 (SST-14) et 28 (SST-28) acides aminés issus d’un même précurseur. Ils possèdent tous deux un cycle dû à la présence d’un pont disulfure qui abrite quatre acides aminés conservés jouant un rôle essentiel dans l’activité biologique, i.e. Phe7,21, Trp8,22, Lys9,23 et Thr10,24. Isolés pour la première fois en 1972 à partir d’extraits d’hypothalamus de Mouton par Guillemin et coll., les peptides somatostatinergiques sont largement exprimés aux niveaux central et périphérique, e.g. dans certaines aires cérébrales, l’axe hypothalamo-hypophysaire, le tractus digestif, le pancréas endocrine et exocrine ou encore le système immunitaire . Sur le plan fonctionnel, le système somatostatinergique exerce classiquement une action inhibitrice, notamment sur la sécrétion de l’hormone de croissance et de la thyrotropine par l’hypophyse, de l’insuline par le pancréas (Dasgupta, 2004), du VIP, de la gastrine, de la CCK et de la sécrétine au niveau gastro-intestinal .
Les activités de la somatostatine sont relayées par une famille de RCPG de très haute affinité, constituée de cinq membres bien caractérisés, sst1 à sst5 . Comme pour une nette majorité de RCPG, la liaison avec la somatostatine entraîne l’internalisation du complexe ligand-récepteur. Les voies de couplage sont bien identifiées et les sst1-5 sont négativement couplés à l’AC. L’activation de ces récepteurs peut entraîner la modulation de l’ouverture de canaux potassiques , le recrutement de la phospholipase A2 ou de phosphatases. Les propriétés anti-mitotiques de la somatostatine ont été observées dans de nombreux cancers, e.g. carcinomes du sein, tumeurs neuroendocrines. La somatostatine est également capable d’induire l’apoptose via les récepteurs sst2 et sst3 , suggérant que ce neuropeptide joue un rôle clé dans la modulation de la tumorigenèse. A l’appui de cette hypothèse, de nombreuses études ont démontré la présence d’une densité élevée de récepteurs somatostatinergiques dans des tumeurs neuroendocrines, avec toutefois une prédominance nette pour sst2.
Le récepteur de l’urotensine II
Découverte et structure : Initialement découvert à partir d’extraits de tissus sensoriels de rats et par l’analyse d’une banque de données génomiques , le récepteur de l’UII fut respectivement nommé dans le premier cas sensory epithelium neuropeptide-like receptor (SENR) et dans le second cas GPR14 selon la nomenclature en vigueur des récepteurs orphelins. Après désorphanisation du GPR14 comme RCPG de l’UII, ce récepteur fut renommé urotensin-II receptor ou UT par l’Union Internationale de la Pharmacologie de Base et Clinique (IUPHAR) . Appartenant à la classe A des RCPG, l’UT possède à ce titre deux sites de N-glycosylation dans sa région N-terminale, un motif NLxxxD (où «x» est un résidu quelconque) dans son DTM2, ainsi qu’un pont disulfure entre les boucles extracellulaires e1 et e2. La structure de l’UT comporte aussi un motif d’interaction aux protéines G à la jonction du DTM3 et de la boucle intracellulaire i2, et des sites potentiels de phosphorylation par des PKA, PKC et glycogen synthetase kinases-3β au niveau des boucles i2 et i3. Des séquences présentes dans les DTM 3, 4 et 5 sont responsables de la formation d’une «poche» permettant la liaison du ligand, et une séquence de localisation nucléaire présente sur la boucle i3 induit l’adressage du récepteur dans le compartiment nucléaire. Ce processus d’internalisation a été décrit pour plusieurs couples de ligands/récepteurs tels l’AngII/AT1, l’ET-1/ETB , la vasopressine/V2 ou la thrombine/PAR-1.
Table des matières
CHAPITRE I – Intérêts du développement de radioligands ciblant les RCPG impliqués dans la tumorigenèse
1. Généralités sur les RCPG
2. Principaux mécanismes cellulaires et moléculaires de la tumorigenèse
2.1 La croissance et la prolifération tumorale induites par les RCPG
2.2 La migration et l’invasion tumorale induites par les RCPG
2.3 La néoangiogenèse induite par les RCPG
3. Stratégies pour le développement de radioligands en médecine nucléaire
3.1 Radioligands ciblant les récepteurs du NPY
3.2 Radioligands ciblant le GRPR
3.3 Radiotraceurs ciblant le CXCR4
3.4 Radioligands ciblant les récepteurs SST1-5
CHAPITRE II : le système urotensinergique
1. Généralités sur le système urotensinergique
1.1 Homologies structurales entre l’UII, l’URP et la somatostatine
1.2 Localisation de l’UII
2. Le récepteur de l’urotensine II
2.1 Découverte et structure
2.2 Localisation du récepteur UT
3. Rôles physiologiques et physiopathologiques du système urotensinergique
3.1 Effets physiologiques
3.2 Effets sur le développement tumoral
3.3 Pharmacologie du récepteur UT
CHAPITRE III : modalités d’emploi de radioligands en médecine nucléaire pour le diagnostic et/ou le traitement de tumeurs solides
1. Développement d’un radioligand
1.1 Généralités
1.2. Radiomarquage
1.2.1 Choix du radioisotope
1.2.2 Choix du chélateur
1.3. Evaluation in vitro / in vivo d’un radioligand
1.4. Agonistes ou antagonistes ?
2. Recours à l’imagerie moléculaire pour le diagnostic de tumeurs solides
2.1 Généralités
2.2 Techniques d’imagerie
2.2.1 La tomodensitométrie
2.2.2 La tomographie par émission de positons
2.2.3 La tomographie par émission monophotonique
3. Les thérapies par radionuclides
3.1 La curiethérapie et la radiothérapie externe
3.2 La radiothérapie interne
OBJECTIFS DE THESE
MATÉRIELS ET MÉTHODES
1. Matériels
1.1 Réactifs et consommables
1.2 Construits plasmidiques
1.3 Cultures cellulaires et transfections
1.4 Animaux
1.5 Analyse des données
2. Expériences in vitro
2.1 Radiomarquages et analyses HPLC
2.2 Mesure de la mobilisation du calcium par Flexstation
2.3 Mesure de l’internalisation par la méthode ELISA
2.4 Etude de l’internalisation par cytochimie
2.5 Etude de l’expression de l’UT par Western Blot
2.6 Etude de la croissance cellulaire
2.7 Etude de la migration cellulaire
2.8 Etude de l’expression de l’UT au sein des xénogreffes tumorales
3. Expériences in vivo
3.1 Biodistribution de l’111In-DOTA-UII
3.2 Xénogreffes tumorales pour l’imagerie micro-TEMP
RÉSULTATS
DISCUSSION
1. Développement du DOTA-UII et du DOTA-urantide
2. Capacités des analogues à reconnaître et induire l’internalisation du complexe ligand-récepteur
3. Mise au point du radiomarquage à l’indium-111 avec des DOTA-peptides
4. Evaluation in vivo de la biodistribution de l’111In-DOTA-UII
5. Evaluation in vivo de la captation tumorale de l’111In-DOTA-UII
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES