Potentel d’un réseau interconnecté
Afin de démontrer le potentiel de l’Internet Physique par rapport au modèle actuel, nous avons choisi de simuler différents scénarios et d’analyser les résultats obtenus. La simulation prend place à mi-chemin entre un modèle analytique très macro (Ballot et al. 2011, Sarraj et al. 2012b), et une étude de faisabilité avec la mise en place d’un démonstrateur sur des flux pilotes. On attend de cette démonstration qu’elle soit ancrée au niveau des flux les plus proches possibles de la réalité de manière à crédibiliser les enjeux. Il a donc été fait le choix de s’appuyer sur une base de données de flux réels de la grande distribution déjà utilisée dans des travaux précédents concernant la mutualisation (Pan et al. 2011). Cette base de données sera caractérisée pour donner un ordre de grandeur des flux traités, ce qui permet également d’en situer les enjeux établis. L’objectif est de proposer une méthode d’évaluation de l’Internet Physique. En effet, si l’on peut penser que la « mutualisation » généralisée des flux va dans le sens de l’amélioration des performances, notamment environnementales, il n’en reste pas moins que de nombreuses questions se posent concernant le niveau atteint et d’éventuels effets secondaires indésirables. Par exemple : · Les ruptures de charge ne seront-elles pas trop nombreuses, ce qui pourrait affecter les coûts et les délais ? · L’amélioration des taux de remplissage permettront-ils de compenser les coûts de conteneurisation et de passage par les hubs ? · Les volumes permettront-ils un report modal efficace et donc des réductions significatives des émissions ? · Quelle sera la qualité de service ? Le but de cette recherche est d’apporter des réponses chiffrées et contextualisées à ces questions. Ainsi, nous présentons, dans une première partie, le modèle de simulation et la méthodologie suivie. Nous présentons ensuite les flux réels que nous avons utilisés comme données d’entrée de notre modélisation. Puis nous proposons une modélisation représentant la pratique actuelle en termes de transport et qui est nécessaire pour notre simulation, ainsi qu’un aperçu de la base de données de l’infrastructure supportant les prestations logistiques : routes et voies ferroviaires. Puis le réseau de l’Internet Physique utilisé sera présenté. Nous Potentel d’un réseau interconnecté Chap. 6 : Potentiel d’un réseau interconnecté 170 présentons alors les indices de performances choisis, les scénarios simulés, les résultats obtenus et leur analyse. 6.1 Modèle de simulation et méthodologie La conception de l’Internet Physique en est à ses débuts, ce qui signifie que de nombreuses pistes sont à explorer et que de nouveaux éléments ou protocoles pourraient être développés ou améliorés. Pour quantifier l’impact de différentes hypothèses et méthodes, il est nécessaire de disposer d’un outil de simulation prévu à cet effet, c’est-à-dire programmé de manière générique pour prendre en compte la variation de paramètres ou même intégrer de nouvelles méthodes de calcul. Ceci n’est possible que si cela a été prévu dès le départ. Le modèle de simulation développé ici l’a été dans cette perspective. Il sert à évaluer l’impact des éléments et protocoles conçus pour le réseau Internet physique par rapport aux réseaux logistiques actuels. Le modèle de simulation est un système multi-agents et basé sur l’approche par événements discrets, implémentés dans le logiciel de simulation AnyLogic de XJ Technologies dont un aperçu est démontré dans la Figure 52. Figure 52: Interfaces du simulateur Chap. 6 : Potentiel d’un réseau interconnecté 171 Le logiciel de simulation Anylogic est construit dans un environnement de programmation en langage Java. Il prend donc en charge des extensions de codes nécessaires dans ce même langage (Java) et il a été interfacé aux sources de données externes. Le modèle développé sur ce logiciel lit tout d’abord les données des réseaux routiers et ferroviaires, aux sites et celles relatives aux commandes. Ensuite, le modèle de simulation exécute avec les agents programmés à chaque nud les protocoles ainsi implémentés. Enfin il permet d’écrire sur une base de données les contenus et parcours des conteneurs. La Figure 53 représente le process du modèle de simulation, et donc la méthodologie suivie. Ainsi nous avons en parallèle une partie consacrée au scénario représentant la pratique courante du transport dans le réseau de distribution actuel (dit scénario de référence) partie supérieure de la figure, et une seconde pour les scénarios de l’Internet physique, partie inférieure de la figure.
Les flux de marchandises considérés
Les flux que nous avons utilisés pour notre simulation concernent les expéditions entre usines, plateformes et centres de distributions de la grande distribution. Ils seront développés lors du Chap. 6 : Potentiel d’un réseau interconnecté 173 sous premier sous-paragraphe. Nous aborderons par la suite la question de la localisation géographique des origines et destinations de l’ensemble de ces flux.
Les flux
Comme mentionné précédemment, les flux utilisés pour notre démonstration sont des flux réels de produits de la grande distribution. Il s’agit de 3 familles de produits: liquides, épiceries et DPH (Droguerie, Parfumerie et Hygiène). La Figure 54 représente les emplacements des sites et les 4451 flux de 2 582 692 équivalents palettes qui opèrent indépendamment (environ 20% de part de marché de la grande distribution françaises pour les familles de produits considérés). Figure 54: Flux et shèmas logistiques actuels Ces réseaux de schémas logistiques qui se chevauchent les uns sur les autres correspondent à des opérations réelles et composent le scénario de référence. Cette même base de flux avec les mêmes quantités, origines et destinations est aussi utilisée pour les scénarios de l’Internet Physique. Seuls la conteneurisation et les trajets suivis par ces mêmes produits pour arriver à leurs destinations changent. Ainsi, les flux que nous utilisons ici sont basés sur le réseau actuel de la logistique, ce qui a tendance à réduire les performances de l’Internet Physique. En effet, on peut imaginer qu’un tel système pourrait induire des changements aux niveaux des tailles d’expédition, voire la demande elle-même. À Chap. 6 : Potentiel d’un réseau interconnecté 174 cet égard, les résultats obtenus en termes de performance de l’Internet Physique constituent d’avantage une borne inférieure et une condition nécessaire pour la phase de transition qu’un résultat optimisé par rapport à ce nouveau cadre. Nous avons deux types de chaînes d’approvisionnement: des usines aux centres de distribution (DC) ou des usines aux entrepôts (WH) et puis de ceux-ci aux DC. Le Tableau 17 décrit les flux que nous considérons dans notre étude et leurs principales caractéristiques.