MODELISATION LE MODELE EXPLICATIF ET LE MODELE INDIVIDUEL PREDICTIF

MODELISATION LE MODELE EXPLICATIF ET LE MODELE INDIVIDUEL PREDICTIF

POSTULATS PREALABLES

Dans cette sous-partie, trois postulats sont énoncés, le premier se rapportant à la nature de l’incertitude, le second à la nature des conséquences et le dernier à la nature de la rationalité des investisseurs.

Nature de l’incertitude

La question centrale de notre problématique porte sur les déterminants du choix des projets par les investisseurs individuels. Or un choix entre plusieurs alternatives est une décision, par conséquent, cette recherche est bien centrée sur une ‘décision’. Les conséquences de cette décision ne sont pas déterministes, elles sont incertaines et dépendent d’aléas. La question qui découle de ce constat est celle de la nature de l’incertitude en jeu, question analogue à celle posée par la théorie de la décision individuelle qui selon Kast (2002) vise à « proposer un cadre d’étude du comportement rationnel face à l’incertitude. En distinguant différents types d’incertitudes » L’incertitude prise dans le sens commun qui nous concerne, « le caractère imprévisible du résultat d’une action »29, est précisée par la littérature scientifique, notamment par la distinction souvent reprise, opérée par Knight (1921) entre risque et incertitude. Pour l’économiste, le risque caractérise des décisions pour lesquelles les conséquences sont probabilisables, soit par calcul à priori soit sur la base de statistiques. A l’inverse, l’incertitude caractérise des décisions non probabilisables en raison du caractère unique de la situation. 29 Source : http://www.cnrtl.fr/definition/incertitude . : Pour Le Heron (2012), dans les sciences humaines, l’incertitude n’est pas probabilisable car les décisions humaines ne relèvent pas de la loi des grands nombres. De plus, les décisions prises modifient l’état du monde de telle sorte que leur répétition n’est pas possible. Au sein des sciences humaines, dans le champ de la finance entrepreneuriale, dans la sphère du capital risque, la question de la sélection des projets financés par le capital-risqueur (screening) n’est pas si éloignée de notre problématique. Les différences tiennent d’une part à la sophistication du capital-risqueur, véritable professionnel du financement et d’autre part au stade de développement, postérieur à l’amorçage, de la société en attente de fond. Or, Dubocage (2006) note l’ampleur de l’incertitude à laquelle fait face le capital-risqueur. Celui-ci ne peut assoir ni son évaluation ni sa sélection sur des probabilités objectives. En effet, le business plan offre une vision du futur quantifiée limitée pour appréhender le futur et les méthodes analogiques se heurtent à la singularité des sociétés évaluées, généralement porteuses d’innovation de rupture. Aussi, l’auteur décide de recourir au cadre de l’incertitude proposé par Knight afin d’éclairer théoriquement le mode de jugement des investisseurs du capital risque. Cette approche correspond à celle de Keynes (1936) pour qui les décisions relatives à des horizons futurs lointains ne peuvent pas, le plus souvent, s’appuyer sur des calculs mathématiques en raison du manque de données, rares voire inexistantes. Le décideur fait alors le choix qu’il peut : « […] choosing between the alternatives as best we are able, calculating when we can, but often falling back for our motive on whim or sentiment or chance » Pour ces raisons, Keynes développe le concept d’état de confiance, soit une évaluation subjective de la probabilité de survenue d’un événement futur qui constitue selon lui une base d’appréciation plus réaliste que celle du calcul mathématique pour décrire le mode de détermination des actions des entrepreneurs. On peut rapprocher le concept d’état de confiance de Keynes des travaux successifs de Ramsey, De Finetti et Savage, tous trois critiques à l’endroit des probabilités fréquentistes et qui développeront le concept de probabilités subjectives. Celles-ci représentent un jugement sur la confiance accordée à la réalisation d’un évènement futur incertain (Kast, 2002).

Conséquentialisme

Il est important de préciser que dans notre approche, le décideur investisseur n’est pas exclusivement ni même nécessairement conséquentialiste, c’est à dire que si les conséquences peuvent entrer en ligne de compte dans son choix, celui-ci peut aussi reposer sur la valeur intrinsèque accordée aux actions (investissements dans notre cas) en ellemême, indépendamment de leurs conséquences ce qui revient à dire que la rationalité de l’investisseur se situe entre deux pôle de rationalité : la rationalité instrumentale et la rationalité axiologique. Quant aux conséquences à considérer, nous estimons qu’elles sont multiples car elles dépendent des objectifs de l’individu. L’encadré 3.1 apporte un éclairage sur la nature de ces conséquences. 

La rationalité de l’investisseur en equity crowdfunding : un triptique de rationalité

Pour Buttard et Gadreau (2008), dans le paradigme standard « La rationalité instrumentale caractérise des agents guidés dans leurs choix par la recherche égoïste d’une utilité personnelle. Elle fait de la raison un outil permettant de sélectionner des actions génératrices d’utilité, de l’individu un être déterminé, normé et égoïste, et de l’organisation (firme, marché ou hybride), une entité réductible aux agents qui la composent. » Ainsi, l’agent doté d’une rationalité instrumentale est maximisateur de son utilité. Si ce postulat comportemental est simplifié à l’extrême, il présente un l’avantage de rendre possible la modélisation des décisions. Notre approche s’écarte de ce paradigme, mais nous conservons l’idée d’un agent en quête d’un optimum. Néanmoins, comme nous le définirons plus loi, l’optimum (local) de notre modèle individuel prédictif ne porte pas sur une utilité égoïste et n’est pas nécessairement déterminé par la raison. Par ailleurs, on peut opposer la science économique et son modèle de l’homo œconomicus, donnant une unique explication téléologique des comportements, aux autres sciences humaines telles qur la psychologie ou la sociologie, qui s’intéressent aux multiples causes des comportements (Viviani, 1994). Notre approche est intermédiaire, comme chez les économistes, l’individu dispose de motivations orientées vers des objectifs ou buts mais ces derniers ne sont pas les seuls facteurs explicatifs de ses choix d’investissement. Les préférences de l’individu ainsi que le contexte situationnel singulier du choix sont également déterminants pour la formation de variables psychologiques antécédentes du choix. Autrement dit, l’explication téléologique fait partie d’une explication plus générale intégrant d’autres causes. 

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