Modélisation des processus hydrogéochimiques et du transport réactif
Introduction aux codes de calcul CHESS et HYTEC
Dans le milieu environnemental, les éléments chimiques sont présents sous différents états (minérals, gaz, sorbé, dissous en solution, etc…) et sous différentes espèces chimiques (complexes aqueux, complexes de surface, etc…). Le code de spéciation CHESS [71] (Chemical Equilibrium of Species and Surfaces) , développé par l’Ecole des Mines de Paris, permet de calculer la distribution quantitative des éléments entre ces différents états et espèces en solution. CHESS est basé sur l’équilibre thermodynamique du système mais permet également l’insertion de cinétiques chimiques et ainsi l’intégration de la donnée temps. Les principales réactions considérées dans le code sont les réactions en solution aqueuse (acide/base, oxydo-réduction, complexation), de précipitation et dissolution des minéraux, de sorption et d’échange ionique. Le code s’appuie sur des bases internationales de données thermodynamiques quantifiant les réactions chimiques pour des milliers d’espèces. La base de données « ThermoChimie », développée par l’ANDRA, est retenue pour cette thèse [72]. Cette méthode de calcul est très efficace dans les milieux statiques en batch, cependant des processus hydrodynamiques comme la diffusion ou le transfert advectif/dispersif de solutés et de gaz ne sont pas pris en compte et peuvent jouer un rôle prédominant dans l’évolution physicochimique du milieu. Le code HYTEC [73], également développé par l’Ecole des Mines de Paris, permet de simuler le transport réactif dans un milieu poreux saturé ou non saturé en eau. Au cours de cette thèse, la modélisation des processus hydrogéochimiques et du transport réactif a été mise en œuvre principalement dans le chapitre V, sur l’étude de l’altération du MOx homogène en conditions environnementales.
Le code CHESS
Loi de correction d’activité pour les espèces en solution L’activité d’une espèce peut être reliée à la concentration par la relation : 𝑎𝑖 = 𝛾𝑖 𝐶𝑖 𝐶 0 Éq. III-1 avec : – Ci la concentration de l’élément i en mol.L-1 ; – C 0 la concentration de référence égale à 1 mol.L-1 ; – ai l’activité de l’élément i (sans unité) ; – γi le coefficient d’activité de l’espèce i (sans unité). Dans CHESS/HYTEC, le coefficient d’activité est calculé par différentes lois de correction d’activité (Davies, Davies tronquée, B-dot, SIT). La loi de Davies tronquée, qui s’applique aux solutions de forces ioniques I inférieures à 0,3, a été retenue. Dans ce cas, le coefficient d’activité est défini par : Modélisation des processus hydrogéochimiques et du transport réactif Chapitre III : Modélisation 64 ln 𝛾𝑖 = −𝐴𝑧𝑖 2 [ √𝐼 1 + √𝐼 − 𝑏𝐼] Éq. III-2 avec : – zi la charge électrique de l’espèce i ; – A et b des constantes empiriques dépendantes de la température ; – I la force ionique en mol.L-1 . b) Réactions acido-basiques et de complexation en solution Dans le cadre de cette étude, les réactions de complexation, d’oxydo-réduction et de précipitation/dissolution sont les plus importantes vis-à-vis de la chimie du système. Les réactions de complexation en solution interviennent entre un cation portant x charges positives (noté Mx+) et un ou des ligand(s) portant y charges négatives (noté Ly- ) qui s’associent pour former un complexe cationligand : 𝑀𝑥+ + 𝑛𝐿 𝑦− ⇄ 𝑀𝐿𝑛 (𝑥−𝑛𝑦) Éq. III-3 La constante K d’équilibre thermodynamique de la réaction présente une expression de type bilan de masse qui se définit comme suit : 𝐾 = 𝑎𝑀𝐿𝑛 (𝑥−𝑦) 𝑎𝑀𝑥+. (𝑎𝐿 𝑦−) 𝑛 Éq. III-4 Les réactions acido-basiques fonctionnent sur le même principe que les réactions de complexation mais le ligand est remplacé par un proton H+ : 𝐴 𝑥− + 𝑛 𝐻 + ⇄ 𝐴𝐻𝑛 (𝑛−𝑥) Éq. III-5 La constante K de la réaction s’exprime alors : 𝐾 = 𝑎 𝐴𝐻𝑛 (𝑛−𝑥) 𝑎𝐴𝑥−. (𝑎𝐻+) 𝑛 Éq. III-6 c) Réactions d’oxydo-réduction Une réaction d’oxydo-réduction est caractérisée par un échange d’électrons entre une espèce oxydante et une espèce réductrice : 𝑂𝑥1 + 𝑅𝑒𝑑2 ⇄ 𝑂𝑥2 + 𝑅𝑒𝑑1 Éq. III-7 L’espèce oxydante Ox1 capte un ou des électron(s) du réducteur Red2 et oxyde celui-ci en Ox2. Parallèlement, l’oxydant Ox1 est réduit en réducteur Red1. Cette réaction est en fait la somme de deux demi-réactions de deux couples oxydant/réducteur (Ox1/Red1 et Ox2/Red2) : 𝑂𝑥1 + 𝑒 − ⇄ 𝑅𝑒𝑑1 Éq. III-8 𝑂𝑥2 + 𝑒 − ⇄ 𝑅𝑒𝑑2 Éq. III-9 Chapitre III : Modélisation 65 Dans le cas de CHESS, l’une des demi-équations doit être celle du couple O2(aq)/H2O : 𝑂2 (𝑎𝑞) + 4 𝐻 + + 4 𝑒 − ⇄ 2 𝐻2𝑂 𝐿𝑜𝑔𝐾(25°𝐶) = 85,991 Éq. III-10 Ainsi, si l’on prend l’exemple du couple Fe3+/Fe2+, couple d’intérêt pour nos milieux réactionnels, de demi-réactions : 𝐹𝑒3+ + 𝑒 − ⇄ 𝐹𝑒2+ Éq. III-11 La réaction redox est alors introduite dans CHESS sous la forme : 𝐹𝑒2+ + 1 4 𝑂2 (𝑎𝑞) + 𝐻 + ⇄ 𝐹𝑒3+ + 1 2 𝐻2𝑂 𝑙𝑜𝑔𝐾(25°𝐶) = 8,485 Éq. III-12 Ainsi, l’électron n’apparait pas dans CHESS. Ceci se justifie par le fait qu’une concentration d’électrons libres en solution est peu probable car le transfert d’électrons est très rapide. La constante de réaction K peut alors s’écrire de façon similaire à celle des réactions de complexation, ce qui donne pour l’exemple du fer : 𝐾 = 𝑎𝐹𝑒3+ 𝑎𝐹𝑒2+. (𝑎𝑂2(𝑎𝑞)) 1 4. 𝑎𝐻+ Éq. III-13 où ai est l’activité de l’espèce i sans unité. d) Réactions de précipitations et de dissolution de phases solides Les équilibres thermodynamiques de précipitation/dissolution d’un solide AxBy sont régis par une réaction chimique de type : 𝐴𝑥𝐵𝑦 ⇄ 𝑥𝐴 + 𝑦𝐵 Éq. III-14 La constante d’équilibre Ks (sans unité) de cette réaction est définie par : 𝐾𝑠 = (𝑎𝐴) 𝑥 . (𝑎𝐵) 𝑦 Éq. III-15 avec : – aA et aB : activités respectives des espèces A et B (sans unité) ; – x et y : coefficients stœchiométriques des espèces A et B (sans unité). A noter que CHESS/HYTEC considère des constantes de formation de phase solide (l’inverse de Ks). L’indice de saturation IS permet de prédire la précipitation ou dissolution d’un minéral : – IS > 0 : le minéral peut potentiellement précipiter ; – IS = 0 : équilibre thermodynamique ; – IS < 0 : le minéral se dissout.